Günther Beining

Günther Beining veut ancrer Thomas & Piron dans le Luxembourg de 2030

Nouveau patron des activités luxembourgeoises de Thomas & Piron, Günther Beining arrive avec une méthode : écouter, responsabiliser, puis ajuster. Logement plus compact, coûts maîtrisés, hybridation bois-béton, rénovation et décarbonation : sa vision 2030 se dessine.

Depuis le 2 octobre, Günther Beining est administrateur délégué de Thomas & Piron Luxembourg. Il a pris la direction de Thomas & Piron Luxembourg, de l’entreprise de construction Thomas & Piron BAU et de Thomas & Piron Groupe Luxembourg, la holding de tête du groupe au Grand-Duché. Ingénieur civil de formation, il est arrivé avec une solide expérience du marché local, forgée au fil d’un parcours entièrement ancré dans la construction et l’immobilier au Luxembourg.

Avant de rejoindre Thomas & Piron, Günther Beining a dirigé CDCL pendant près de huit ans, après un passage chez Kuhn Construction. Il se souvient d’une arrivée « dans un contexte relativement compliqué », avec pour mission de transformer une entreprise de construction classique et de la préparer pour l’avenir.

Une transformation qui s’est accélérée depuis 2020 et une succession de crises : « Covid, les guerres, les problèmes économiques, les pénuries, la main-d’œuvre. » Cette période l’a convaincu d’une chose : « la capacité à évoluer est devenue une condition de survie. Grâce aux équipes en place, nous avons changé la CDCL de l’époque pour la CDCL de demain. Je crois que c’est ça qu’on doit faire aussi un peu ici. »

Écouter, déléguer, aligner

Le management, chez Günther Beining, commence par l’écoute. « D’après mes équipes, anciennes ou actuelles, je suis toujours un dirigeant à l’écoute du personnel. » Mais l’écoute ne suffit pas, elle doit s’accompagner de responsabilités réelles. « Pour avoir une responsabilité, il faut aussi avoir un pouvoir de décision. » À ses yeux, l’autonomie ne fonctionne que dans un cadre clair, fondé sur la transparence. « Il faut être transparent, ouvert, honnête, et se dire les choses. »

Cette approche explique aussi son rapport au compromis. « Toute la vie est un compromis. » Une évidence qui prend encore plus de sens quand on travaille avec des équipes nombreuses et des métiers très concrets. Depuis son arrivée, il privilégie une phase d’observation. « Je fais des interviews, je prends mes notes et je me construis mes propres réflexions. » Il assume ce regard extérieur, capable de questionner des habitudes bien installées. « Parfois, ça fait du bien quand un externe arrive, avec un œil neuf, et change des choses que l’on ne remet plus en question. »

Son premier chantier est interne : rassembler ! « Tu as TP Bau, TP Lux et TP Group. Finalement, moi, je ne tiens pas compte de cette répartition, parce que pour moi, c’est Thomas & Piron. » L’objectif est clair : renforcer la transversalité et donner le sentiment d’appartenir à un seul et même ensemble. En parallèle, il a repris contact avec les acteurs du secteur. « J’ai fait le tour des bureaux d’études et des architectes pour dire : ‘je suis là’ et surtout, ‘je suis à votre écoute’. »

Günther Beining
Günther Beining - © Fanny Krackenberger

Loger plus petit, construire plus juste

Sur le marché luxembourgeois, Günther Beining ne croit pas à un simple retour dans le passé. « Je crois qu’on ne va plus jamais connaître les temps comme c’était à l’époque. » Il observe un changement profond dans la manière de concevoir le logement. « On voit trop grand avec la taille des appartements et des maisons. Peut-être qu’il faut se donner la possibilité de redresser ça. » La maison de 250 m2 n’est plus, selon lui, un modèle généralisable.

La question du coût est centrale. « On doit aussi être capable de construire un peu moins cher. » Et c’est là qu’il voit un avantage pour Thomas & Piron. « Nous, on sait encore construire à moindre coût. Je ne suis pas sûr que toutes les entreprises savent encore le faire. » Un atout dans un contexte où l’accès au crédit se durcit. « Les banques ne donnent plus rien. Il faut amener 30 voire 40 % de fonds propres. » Le marché reste fragile, insiste-t-il. « Contrairement à ce qu’on entend souvent, on n’est pas encore sortis de la crise. »

Cette méfiance se ressent aussi chez les clients. « Aujourd’hui, nous vendons quoi ? Nous vendons les produits qui sont finis. » Les projets sur plan rassurent de moins en moins, après plusieurs faillites retentissantes qui ont marqué les esprits. « Les clients ont confiance quand c’est fini, quand c’est livré. » Une stratégie que Thomas & Piron applique déjà, avec des ventes régulières sur des projets achevés. Il met également en valeur la salle d’exposition à Our (Paliseul, Belgique), utilisée avec les clients pour centraliser les choix de matériaux. « Chez nous, ils font ça en une journée. Ça facilite la vie pour tout le monde car nos visiteurs peuvent très facilement se projeter. C’est très important pour prendre les meilleures décisions, mais également pour éviter les nombreux rendez-vous chez les différents fournisseurs. »

Sur l’identité de l’entreprise, Günther Beining tient à clarifier les choses : « Même si l’entreprise de construction a commencé ses activités en 2008, ce que beaucoup de gens ignorent peut-être, c’est que nous sommes implantés au Luxembourg depuis 1990. Thomas & Piron est donc actif depuis 35 ans grâce à notre centre de travail. » Le groupe est international, mais l’activité luxembourgeoise se décide et se construit au Grand-Duché.

- ©Thomas & Piron

2030 entre hybridation, rénovation et décarbonation

Pour l’avenir de la construction, Günther Beining refuse les solutions uniques. Il parle plutôt d’un éventail de modes constructifs à adapter aux usages : bois, béton, structures hybrides, CLT ou métal. Un savoir-faire que le groupe entend mettre en vitrine, notamment avec le bâtiment « Ekxo » à la Cloche d’Or.

La transformation sera aussi numérique : « La digitalisation va changer le métier complètement, et ça va aller très vite. » Et elle sera climatique. En effet, Thomas & Piron doit adapter ses modes de fonctionnement pour être en conformité avec les obligations légales sur la décarbonation en 2028. Béton bas carbone, aciers moins émissifs, inventaire des matériaux : l’entreprise se prépare, notamment sous la pression de la CSRD. « Tout ça, il faut l’anticiper, parce que 2028, c’est demain. »

Un autre axe stratégique s’impose : la rénovation. « Je veux qu’on joue un grand rôle dans la rénovation et la transformation. » Il rappelle l’ampleur du chantier public à venir, avec environ 1.400 bâtiments appartenant à l’État et aux communes à rénover d’ici 2030. Un marché considérable, mais sous tension. « Ça va prendre du temps, autant sur le plan administratif qu’au niveau de la main-d’œuvre. »

Car la pénurie inquiète : « La moyenne sectorielle est d’environ 46 ans. » Et l’équation est connue : « Dans les dix ans à venir, la construction va perdre plus de 30 % de son effectif. » Le métier peine à attirer, entre conditions de travail difficiles et trajets longs. Les équilibres migratoires évoluent aussi. « Notre main-d’œuvre majoritaire, c’était les Portugais. Aujourd’hui, ça tourne très bien au Portugal. Ils retournent logiquement dans leur pays où le cadre de vie leur convient parfaitement. »

À horizon de dix ans, Günther Beining ne parle pas de révolution, mais de solidité. « Quand je prendrai ma retraite, j’aimerais pouvoir dire qu’on a renforcé durablement le groupe ici au Luxembourg, même dans un contexte exigeant. » Une ambition qu’il résume sans emphase. « Transformer, ça fonctionne seulement avec les gens. » Et une conviction qui guide son action au quotidien : « Il faut essayer d’être un peu mieux chaque jour. Ce sont les petits pas qui font avancer les choses. »

Sébastien Yernaux
Photos : Fanny Krackenberger

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Publié le jeudi 18 décembre 2025
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