L'empreinte cachée de l'IA : comprendre pour agir

L’empreinte cachée de l’IA : comprendre pour agir

L’intelligence artificielle occupe désormais une place centrale dans nos vies et dans nos entreprises. Elle génère des textes, des images, du code ; elle optimise des processus, transforme des métiers, accélère l’innovation.

À première vue, l’intelligence artificielle (IA) semble immatérielle, presque « sans poids ». Pourtant, chaque requête adressée à un modèle mobilise une infrastructure physique massive : processeurs graphiques, serveurs, centres de données, réseaux mondiaux.

Derrière la promesse d’efficacité et d’innovation, une réalité plus opaque se dessine : l’IA consomme de l’électricité, de l’eau, des matériaux rares, et contribue à des émissions de CO₂ bien réelles. Ce coût environnemental reste largement invisible aux yeux du grand public comme des entreprises qui déploient ces solutions à grande échelle.

En tant qu’acteur engagé dans la recherche sur l’IA responsable et la sobriété numérique, Fujitsu Luxembourg propose ici des repères concrets. L’objectif : mettre en lumière cette empreinte cachée, donner des ordres de grandeur fiables, et identifier des leviers d’action. Comprendre pour agir : car l’innovation n’a de sens que si elle s’inscrit dans une trajectoire durable.

L’intelligence artificielle, souvent perçue comme immatérielle, a pourtant un impact environnemental bien concret. Derrière chaque requête envoyée à un modèle, chaque image générée ou chaque analyse effectuée se cache une infrastructure physique massive : serveurs, centres de données et équipements de calcul intensif qui consomment de l’électricité, utilisent de l’eau pour leur refroidissement et requièrent des matériaux rares pour leur fabrication.

L’IA ne se résume pas à quelques lignes de code : elle repose sur une chaîne matérielle et énergétique massive. L’entraînement d’un grand modèle de langage mobilise déjà plusieurs millions d’heures de calcul GPU et des quantités d’électricité comparables à la consommation annuelle de milliers de foyers.

Le tableau ci-dessous illustre cette montée en puissance. Entre 2020 et 2025, l’entraînement des modèles a vu sa consommation énergétique et ses émissions de CO₂ décupler, atteignant des niveaux comparables à ceux de milliers de voitures en plus sur les routes ou de vols transatlantiques supplémentaires.

Ces chiffres ne sont qu’indicatifs : ils varient selon le modèle, le matériel et le mix énergétique. Mais la tendance est claire : l’empreinte de l’IA croît de façon exponentielle. Et il ne s’agit là que de la phase d’entraînement : l’usage quotidien, démultiplié par des millions d’utilisateurs, pourrait à terme peser encore davantage. Ce qui semble négligeable à l’échelle individuelle devient massif à l’échelle collective.

À cela s’ajoute l’impact des centres de données dans leur ensemble. En 2022, ils ont consommé environ 460 TWh d’électricité, soit plus que la consommation annuelle de pays comme la France. L’Agence internationale de l’énergie prévoit que ce chiffre pourrait presque doubler d’ici 2030 pour atteindre 945 TWh, soit plus que la consommation électrique actuelle du Japon.

Et l’électricité n’est qu’une partie de l’équation. L’eau joue aussi un rôle clé dans cette équation cachée. L’empreinte hydrique est elle aussi considérable : selon plusieurs études, un centre de données d’environ 100 MW peut nécessiter, en fonction de la technologie de refroidissement utilisée, de 1 à 2 millions de litres d’eau par jour. Cela représente l’équivalent de la consommation journalière de 3.000 à 6.500 foyers. De plus, dans les régions chaudes ou déjà en tension hydrique, ces volumes accentuent la concurrence avec les usages domestiques et agricoles.

Les chiffres présentés ici ne cherchent pas à désigner un responsable, mais à offrir des repères clairs pour mesurer l’ampleur d’un phénomène souvent invisible. Ils servent avant tout à rendre concret l’impact environnemental de l’IA et à nourrir la réflexion sur la façon dont nous pouvons agir à notre échelle.

Ce que vous pouvez faire, dès maintenant

Réduire cette empreinte ne signifie pas se priver de l’IA. Comprendre ce qui se cache derrière sa conception, son entraînement et son fonctionnement permet de mieux en mesurer l’impact et d’adopter des usages plus vertueux et adaptés. Voici quelques axes de réflexion :

Adopter la sobriété technologique

Dans bien des cas, inutile de mobiliser un modèle géant pour une tâche ciblée : un modèle plus petit, spécialisé et optimisé suffit, tout en réduisant fortement la consommation d’énergie, la puissance de calcul nécessaire et les coûts associés. L’IA frugale privilégie des modèles adaptés à leur usage, entraînés sur des données pertinentes plutôt que massives, ce qui réduit drastiquement les besoins en calcul et l’empreinte environnementale, tout en maintenant un haut niveau de performance.

Optimiser ses usages

Chaque requête a un coût énergétique. Rédiger des demandes claires et précises, éviter les itérations inutiles, regrouper les questions dans une même interaction : autant de gestes simples qui limitent la charge sur les serveurs. Dans un cadre professionnel, mettre en cache les résultats récurrents ou recourir au traitement par lots réduit considérablement les calculs redondants.

Choisir des infrastructures plus vertueuses

Lorsque c’est possible, privilégier des fournisseurs cloud alimentés par des énergies renouvelables. Google, par exemple, a pris l’engagement d’alimenter tous ses centres de données en énergie 100 % décarbonée d’ici 2030 et expérimente des mécanismes de demand response, qui décalent les usages intensifs vers les moments où l’offre renouvelable est abondante. L’edge computing, qui rapproche la puissance de calcul de l’utilisateur final, permet également de limiter les transferts massifs de données et de réduire l’empreinte réseau.

Mesurer et ajuster

Impossible de réduire ce qu’on ne mesure pas. Des indicateurs tels que l’intensité carbone par requête, le nombre de requêtes traitées par kilowattheure ou la proportion de modèles réutilisés permettent de transformer une intention en action mesurable. Certains acteurs, comme Microsoft Azure et Google Cloud, offrent déjà à leurs clients des tableaux de bord pour suivre la consommation énergétique et les émissions associées à leurs usages. Des initiatives comme AI Energy Score, portée notamment par Hugging Face, visent à établir des métriques standardisées pour évaluer l’efficacité énergétique des modèles. Généraliser cette transparence par voie législative bénéficierait à l’ensemble des utilisateurs, en leur donnant les moyens de faire des choix plus éclairés et responsables.

Pourquoi agir maintenant

Aujourd’hui, le secteur technologique représente déjà 2 % à 3 % des émissions mondiales de CO₂, soit autant que l’aviation civile. Si l’intelligence artificielle poursuit sa croissance actuelle sans garde-fous, cette pression ne pourra que s’accentuer. Mais l’avenir n’est pas écrit : agir dès maintenant, c’est réduire son empreinte, anticiper des réglementations inévitables et affirmer sa crédibilité en matière de responsabilité environnementale.

La véritable innovation ne réside pas dans la démesure des modèles, mais dans leur usage raisonné. Ce n’est pas la puissance brute qui fera la différence, mais notre capacité à l’appliquer à bon escient, en tenant compte de son coût environnemental. C’est à ce prix que l’IA deviendra un levier de durabilité plutôt qu’un fardeau climatique.

Article et visuel de Fujitsu Luxembourg

Contribution partenaire in4green
Publié le mercredi 8 octobre 2025
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