L'audit énergétique : une obligation pour de nombreuses entreprises

L’audit énergétique : une obligation pour de nombreuses entreprises

Interview de Floriane Allegre et Mohamed Kraouche, gestionnaires de projets Environnement et Énergie pour Argest.

Constatez-vous un certain engouement dans les demandes d’audit énergétique en cette période de crise énergétique ?

Mohamed Kraouche : « Absolument. Le sujet du coût de l’énergie revient très souvent dans les discussions avec les clients, qui souhaitent réaliser un audit en vue de faire baisser leur consommation énergétique, et donc leurs factures.

Mais il faut aussi et avant tout souligner que réaliser un audit énergétique est une obligation pour les entreprises de plus de 250 salariés et/ou générant un chiffre d’affaires de plus de 50 millions d’euros. Peu le savent, et pourtant c’est inscrit dans le texte de loi du 5 juillet 2016. Elles doivent faire appel à un organisme agréé, tel qu’Argest, pour réaliser un audit basé sur les normes internationales EN 16 247.

Floriane Allegre : « On remarque actuellement un intérêt croissant des plus petites entreprises pour les audits énergétiques. Comme le dit Mohamed, les audits énergétiques ne sont obligatoires que pour les PME. Alors pourquoi cet intérêt ? Car celles-ci ont bien compris que quelques améliorations énergétiques pouvaient conduire à de conséquentes économies financières. Les crises énergétiques que nous traversons actuellement ne font qu’accélérer cet engouement pour la chasse au gaspillage énergétique.

En pratique, comment se déroule un audit énergétique ?

M.K. : « Pour les audits obligatoires, une procédure structurée est imposée par la norme pour réaliser un diagnostic des performances énergétiques d’une entreprise afin de réduire sa dépendance aux énergies non renouvelables et valoriser sa responsabilité sociétale. Elle compte 4 étapes :

1. La collecte de renseignements sur l’entreprise, les bâtiments, les consommations, etc.,
2. L’état des lieux de la structure - fenêtres, murs, ponts thermiques, défauts de géométrie des portes, etc. - et des installations techniques afin d’évaluer leurs performances,
3. Sur base de cet état des lieux, nous réalisons une analyse énergétique détaillée en ciblant les équipements gros consommateurs d’énergie et donnons par exemple, un aperçu de ce qu’un bâtiment de ce type devrait consommer s’il était plus performant,
4. Enfin, nous présentons une liste chiffrée avec ROI (NDLR : retour sur investissement) de préconisations adaptées à l’infrastructure du client. Il est important d’analyser la rentabilité d’un projet en fonction de la durée d’utilisation du bâtiment et de ses usages. En effet, toute modification technique afin d’optimiser l’efficacité énergétique d’un bâtiment doit avoir du sens, aussi bien énergétique, technique que financier.

F.A. : « À l’aide d’une caméra thermique, nous réalisons la plupart des audits lors des périodes froides, dont une partie de l’analyse est réalisée notamment en matinée, lorsque les déperditions de chaleurs sont bien visibles sur la structure du bâtiment. Une porte dont les joints sont abîmés ou dont la géométrie est à revoir, sont des exemples générant de grosses pertes calorifiques sur le long terme.

M.K. : « Nous observons également le comportement des utilisateurs afin de comprendre leur rapport avec le bâtiment. Il n’est pas rare de voir des personnes ouvrir les fenêtres en laissant tourner les radiateurs. Cela n’a évidemment aucun sens. Il faut bien entendu aérer, mais 5 minutes suffisent largement pour renouveler l’air d’une pièce. Pour que cette observation soit efficace, on se déplace plusieurs fois en ne prévenant que l’équipe technique, de telle sorte que le personnel se comporte comme à son habitude. On leur pose également d’autres questions pour connaître leurs habitudes durant les autres saisons.

Une fois le rapport remis à l’entreprise, la mise en place des mesures est de son ressort ?

F.A. : En effet, les entreprises peuvent choisir les mesures qu’elles souhaitent mettre en place directement ou plus tard. Pour faciliter la prise de décisions, nous les classons en privilégiant les mesures les plus simples à mettre en œuvre et/ou présentant un rapide retour sur investissement. Les solutions que nous proposons visent à mettre en place des systèmes de management ISO 50.001 (énergie) et/ou ISO 14.001 (environnement).

M.K. : Nous restons bien sûr à leur écoute en cas de question. Et enfin, 4 ans après la remise de l’audit, elles sont tenues d’en faire la mise à jour. Dans la plupart des cas, elles agissent rapidement et les effets des changements sont immédiats. Certains de nos clients nous contactent après l’audit afin de nous présenter les mesures mises en place et les gains énergétiques rapidement obtenus, ce qui est très encourageant.

Les institutions européennes ne sont pas concernées par la loi du 5 juillet 2016. Cela signifie-t-il qu’elles peuvent consommer sans limite ?

M.K. : « Heureusement, non ! Les institutions européennes au Luxembourg ont un système de management environnemental interne et réalisent chaque année un bilan carbone. Elles sont certifiées EMAS, système qui présente plus de contraintes par rapport à l’ISO 14001, comme l’obligation de publier un rapport sur leurs performances environnementales.

Durant le premier semestre 2022, nous avons remis un rapport d’audit à une institution européenne, au Kirchberg. C’est un document de plus de 60 pages, très complet et détaillé.

F.A. : « Ces institutions font actuellement face à un challenge considérable en raison des problèmes d’approvisionnement attendus pour cet hiver. Elles sont reliées à la centrale de production de chaleur gérée par LuxEnergie, alimentée principalement en pellets, avec un recours au gaz/fuel en hiver lorsque la demande le nécessite. Toutefois, cet hiver, faute d’apport suffisant en pellets, elle devra également employer le fuel, selon les informations que nous avons reçues de LuxEnergie Le bilan carbone des institutions sera directement impacté et elles n’atteindront peut-être pas leurs objectifs environnementaux. Elles doivent donc modifier d’autres aspects de leur consommation énergétique, afin de minimiser l’impact des émissions de CO2 dues au mazout. Nous les aidons donc à trouver des solutions pour atteindre leurs objectifs de développement durable.

Propos recueillis par Marie-Astrid Heyde
Extrait du dossier du mois « Bâtir d’autres modèles »

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Publié le lundi 21 novembre 2022
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