L'arbre inspire une assemblée citoyenne poétique et politique

L’arbre inspire une assemblée citoyenne poétique et politique

Le Jardin du Multilinguisme a accueilli une Assemblée citoyenne inédite : deux jours de dialogues, d’arts et de réflexions collectives autour de l’arbre et de la forêt. Entre science, philosophie et poésie, citoyens et experts ont esquissé des plans d’action concrets pour transformer notre lien au vivant.

Les 29 et 30 août 2025, le Jardin du Multilinguisme à Luxembourg-Kirchberg s’est transformé en un espace vivant et foisonnant. Des dizaines de citoyens, artistes, chercheurs, activistes et représentants d’institutions se sont rassemblés pour une Assemblée citoyenne « poélitique », deux journées consacrées à une question essentielle : quelle place donner à l’arbre et à la forêt dans notre société ?

« Nous avions répondu à un appel à projet de la LUGA (Luxembourg Urban Garden), et il nous est apparu comme une évidence qu’il fallait organiser une Assemblée citoyenne poélitique autour de l’arbre », explique Karine Paris, coordinatrice Urban Gardening et Transition vers des systèmes vivants au CELL (Citizens for Ecological Learning & Living).

Un laboratoire citoyen luxembourgeois

La rencontre a mêlé expertises scientifiques, approches philosophiques et créations artistiques. De la guide forestière Karen Decker à l’artiste Mariette Schiltz, du philosophe Pascal Ferren au juriste Gaël Defins, les intervenants ont dessiné une vision plurielle de l’arbre : écosystème vital, patrimoine culturel, source d’inspiration et acteur incontournable de nos villes futures.

- © Capucine Chandon

Mais l’événement n’aurait pas eu la même intensité sans la participation de l’artiste visuelle Justine Blau, co-conceptrice du projet « L’arbre qui cache la forêt ». Ses œuvres explorent les langages de la photographie et leur pouvoir évocateur. Ici, son apport a permis de traduire la réflexion écologique dans une dimension sensible, symbolique et esthétique. « Travailler avec une artiste était pour nous essentiel. Cela permet d’ouvrir d’autres perspectives et de rendre palpable l’invisible », souligne Karine Paris.

La dimension artistique a joué un rôle clé. Contes, chants, interventions sonores et installations visuelles ont accompagné les débats, rappelant que la transition écologique ne peut se penser uniquement à travers les sciences et les politiques publiques. « La présence des artistes, comme Justine Blau ou Luisa Bevilacqua, a vraiment permis d’entrer dans une autre dimension. Ils nous ont aidés à ressentir autrement ce lien au vivant. »

De la réflexion collective aux plans d’actions

Au-delà des échanges interdisciplinaires, l’Assemblée a débouché sur des propositions concrètes. Trois plans d’actions ont émergé, portés par un esprit de co-création citoyenne.

Une toolbox de défense citoyenne a été élaborée sous l’impulsion de l’arboriste-grimpeur Thomas Brail. Elle vise à renforcer les mobilisations en faveur des arbres et à rendre visibles leurs combats dans l’espace public. « Cette toolbox a eu un grand succès, car elle donne des moyens directs aux citoyens », précise Karine Paris.

La réflexion s’est également tournée vers la création d’une forêt commune. Un groupe citoyen pourrait acquérir et gérer collectivement une forêt, en s’appuyant sur des modèles coopératifs et participatifs. L’économiste Nicolas Franka a présenté des pistes inspirées de financements collaboratifs.

Sur le plan juridique, le groupe conduit par Gaël Defins a exploré la reconnaissance de la personnalité juridique des forêts, ainsi que celle du lac de la Haute-Sûre et la lutte contre l’écocide. « Nous avons senti un véritable intérêt des participants pour s’engager dans ces démarches. Deux avocates se sont déjà proposées pour accompagner le processus. »

Enfin, Forest Linx, projet mené par Sophie Zuang et Dr. Ariane König (Université du Luxembourg), a mobilisé les participants autour d’une approche de science participative. Une application numérique et des outils pédagogiques doivent permettre de renforcer la compréhension et l’engagement citoyen autour des forêts.


« Nous avons créé une sorte de petite académie, une construction collective qui ouvre l’imaginaire et l’action. Les participants étaient enthousiastes et prêts à s’impliquer. »

Karine Paris, coordinatrice Urban Gardening et Transition vers des systèmes vivants

L’événement a également montré que l’art et la poésie ne sont pas accessoires, mais constitutifs de l’écologie citoyenne. La présence de Justine Blau, à travers son installation et sa vision artistique, a permis de « rendre visible l’invisible » et de faire émerger une pensée non anthropocentrée. « L’arbre est un des rares êtres vivants à susciter en nous un sentiment d’altérité. Il nous aide à décentrer notre regard et à penser autrement notre cohabitation avec le vivant. »

- © Capucine Chandon

De fait, cette Assemblée a démontré que la transition écologique s’ancre autant dans les lois et les actions citoyennes que dans la capacité à ressentir, imaginer et rêver d’autres futurs. Chants, contes, repas partagés et installations ont ponctué ces deux jours, inscrivant dans les mémoires que la protection des forêts est aussi une affaire de culture et de sensibilité.


« Nous allons maintenant poursuivre avec des réunions et inviter tous les citoyens intéressés à rejoindre cette dynamique. L’objectif est que chacun puisse contribuer, apporter ses idées et participer à la mise en œuvre des plans d’action. »

Karine Paris, coordinatrice Urban Gardening et Transition vers des systèmes vivants

Cette Assemblée a marqué une étape décisive : poser ensemble les bases d’une action citoyenne, culturelle, juridique et scientifique en faveur des forêts du Luxembourg et d’ailleurs. Tous les citoyens sont invités à contribuer à la mise en place de ces plans d’action et à prendre contact via info@cell.lu.

Sébastien Yernaux
Photos : © Capucine Chandon

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Publié le vendredi 5 septembre 2025
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