Amnesty alerte sur un monde au bord de la rupture

Amnesty alerte sur un monde au bord de la rupture

Dans son rapport 2024, Amnesty International dénonce une année marquée par une explosion des atteintes aux droits humains, l’érosion du droit international et la montée des pratiques autoritaires, avec en toile de fond l’influence néfaste des grandes puissances, en particulier les États-Unis.

Dans son rapport annuel « La situation des droits humains dans le monde », publié le 29 avril 2025, Amnesty International dresse un constat alarmant : la planète s’enfonce dans une ère brutale de régressions systémiques des droits fondamentaux. L’organisation évoque un «  effet Trump  » aggravant les dérives autoritaires et sapant les acquis des dernières décennies, tandis que les conflits armés, les crises climatiques et les attaques contre les minorités s’intensifient.


« Les événements des 12 derniers mois – à commencer par le génocide des Palestiniens de Gaza par Israël – ont montré à quel point le monde peut devenir un enfer lorsque les plus grandes puissances abandonnent le droit international. »

Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International

Recul généralisé des droits et montée des régimes autoritaires

Le rapport couvre 150 pays et met en évidence une recrudescence des lois, politiques et pratiques autoritaires visant à réprimer la dissidence. La liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique est constamment menacée. Amnesty dénonce la criminalisation des militants, des journalistes, et même des manifestants pacifiques dans de nombreux États.


« S’attaquer aux journalistes, c’est s’attaquer au droit à l’information de nos sociétés. »

David Pereira, Directeur général d’Amnesty International Luxembourg

Des exemples tragiques illustrent cette dérive : au Bangladesh, l’ordre donné de « tirer à vue » lors de manifestations étudiantes a causé près d’un millier de morts. Au Mozambique, les violences post-électorales ont fait au moins 277 morts, et en Turquie, les manifestations pacifiques ont été réprimées illégalement. À l’inverse, Amnesty salue la mobilisation citoyenne en Corée du Sud, qui a permis de renverser des mesures autoritaires.

Conflits armés : violations massives du droit international

L’année 2024 a vu une aggravation des conflits et une indifférence croissante face aux crimes de guerre.

En Palestine, Amnesty évoque un génocide perpétré par Israël dans la bande de Gaza, dans un contexte d’intensification de l’occupation illégale de la Cisjordanie. En Ukraine, la Russie a tué encore plus de civils qu’en 2023, ciblant des infrastructures essentielles et recourant à la torture. Le Soudan, quant à lui, connaît une crise humanitaire extrême, avec 11 millions de déplacés et des violences sexuelles généralisées.

Au Myanmar, les Rohingyas subissent toujours des attaques racistes. Et les coupes budgétaires de Donald Trump en matière d’aide internationale ont provoqué la fermeture de services essentiels pour les réfugiés en Asie du Sud-Est.

Agnès Callamard et David Pereira
Agnès Callamard et David Pereira - © Amnesty International

Crise climatique : les gouvernements démissionnent

2024 est désormais l’année la plus chaude jamais enregistrée. Pourtant, les gouvernements n’ont pas pris les mesures nécessaires.

La COP29 a été dominée par les intérêts des lobbyistes fossiles, empêchant tout progrès. L’abandon par Trump de l’Accord de Paris et sa politique « fore, bébé, fore » sont pointés comme symboles d’un dangereux désintérêt.


« Les inondations, sécheresses et incendies de 2024 montrent que même les pays riches ne sont plus à l’abri. »

Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International

La croissance des inégalités et la montée de la xénophobie aggravent encore la situation. Tandis que les milliardaires s’enrichissent, les réfugiés deviennent les boucs émissaires d’un monde en crise.

Femmes, personnes LGBTI, minorités : cibles constantes

Les droits des femmes, des filles et des personnes LGBTI ont été attaqués à l’échelle mondiale. Les talibans ont renforcé leur contrôle sur les femmes en Afghanistan, tandis que l’Iran a intensifié sa répression. L’Ouganda, le Mali et le Malawi ont criminalisé l’homosexualité, et d’autres pays comme la Géorgie ont suivi l’exemple russe en restreignant la « propagande LGBTI ».


« En raison de l’incapacité à faire face aux différentes crises, les gouvernements ont abandonné les générations futures. »

David Pereira, Directeur général d’Amnesty International Luxembourg

Les coupes budgétaires américaines ont également affaibli les programmes de santé, d’éducation et de lutte contre les discriminations.

Technologies, surveillance et désinformation : nouvelles armes de répression

Le rapport dénonce l’usage abusif des nouvelles technologies. Les entreprises technologiques sont accusées de faciliter la diffusion de contenus haineux. Trump a encouragé ces dérives en favorisant ses alliés économiques, réduisant les mécanismes de régulation, et en donnant un accès sans précédent à des personnalités controversées.


« Trump semble décidé à laisser les géants de la tech imposer leurs intérêts, au détriment des droits humains. »

Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International

Une justice internationale sous pression mais toujours active

Face à ces défis, des progrès importants ont malgré tout été réalisés. La Cour pénale internationale a émis des mandats contre des responsables israéliens, libyens, birmans et russes. L’Afrique du Sud a poursuivi Israël devant la CIJ pour génocide, obtenant des mesures provisoires historiques. Plusieurs pays du Sud ont rejoint le Groupe de La Haye, pour faire respecter le droit humanitaire.


« Nous saluons les efforts de l’Afrique du Sud et des institutions internationales qui montrent la voie à suivre. »

Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International

Malgré les menaces croissantes contre la CPI, Amnesty appelle à une mobilisation internationale pour défendre la justice.

Un avenir possible, si les peuples se lèvent

Amnesty conclut sur une note d’espoir : la résistance citoyenne reste forte. Des régimes anti-droits ont été écartés par les urnes, et des millions de personnes continuent de se battre.

« Peu importe qui se dresse sur notre chemin. Nous continuerons de défendre les droits humains. »

David Pereira appelle enfin le Luxembourg à « assumer un rôle plus actif » dans la défense de ces droits, au niveau national comme international.

Le rapport complet est à lire ici.

Sébastien Yernaux, sur base du communiqué d’Amnesty International Luxembourg
Photos © Amnesty International

Communiqué
Publié le mardi 6 mai 2025
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