
Dr. Robert Costanza trace le chemin vers un avenir et un bien-être durables
Vendredi 25 juillet 2025, l’European Convention Center accueillait la conférence « Créer un avenir durable pour le bien-être des êtres humains et du reste de la nature » du Dr. Robert Costanza, dans le cadre de la 23e conférence annuelle de la Société internationale d’études sur la qualité de vie.
Robert Costanza est professeur d’économie écologique à l’Institute for Global Prosperity de University College London. Lors de la 23e conférence annuelle de la Société internationale d’études sur la qualité de vie (ISQOLS) – organisée en collaboration avec le département de recherche du STATEC et l’Université de Luxembourg –, il a présenté ses réflexions et travaux sur le « bien-être durable ».
« Comment pouvons-nous créer un avenir garantissant un bien-être durable pour les humains et la nature ? » C’est avec cette question que le lauréat du Blue Planet Prize 2024 a introduit son discours. « Si notre objectif est de créer un Anthropocène (concept d’une nouvelle époque géologique qui se caractérise par l’avènement des humains comme principale force de changement sur Terre, ndlr) durable et désirable, nous devons penser et agir différemment. »
« Nous avons trouvé 10 principes communs à toutes les alternatives existantes à l’économie conventionnelle :
- ancrage socio-écologique et bien-être holistique ;
- interdisciplinarité et pensée complexe ;
- limites de la croissance ;
- substituabilité limitée du capital naturel ;
- conception régénérative ;
- perspectives holistiques des personnes et des valeurs ;
- équité, égalité et justice ;
- relationnalité et émancipation sociale ;
- participation, délibération et coopération ;
- post-capitalisme et décolonisation. »
Dr. Robert Costanza
Pour lui « nous devons adopter une vision différente sur la façon dont nous voyons le monde et sur la façon dont nous aimerions que le monde soit. » Le professeur aimerait voir émerger une nouvelle vision plus positive de ce que pourrait être le futur, un récit qui reconnaitrait l’interconnexion entre l’économie, la société et la nature. Pour penser ce nouvel avenir, « nous avons besoin d’outils et d’analyses, ce qui nécessitera une réflexion systémique et une modélisation pour comprendre notre système complexe et non-linéaire, dans lequel il existe des contraintes écologiques fondamentales. »
Robert Costanza explique que l’économie écologique vise plusieurs objectifs :
- Établir et maintenir une échelle écologiquement durable, pour rester dans les limites planétaires ;
- Répartir les richesses et les ressources de manière socialement équitable, entre les générations actuelles et celles de demain, mais aussi entre les humains et les autres espèces ;
- Une allocation économiquement efficace des ressources qui contribue au bien-être et pas seulement au marché.
Il estime que notre économie actuelle repose sur trois capitaux qui relèvent de la propriété privée : le construit (correspondant aux infrastructures physiques et aux ressources créées par l’Homme), le travail et le terrain. Passés dans le processus économique, ils aboutissent à « produire plus de PIB qui sera consommé dans le court terme ou investi pour en faire encore plus dans la prochaine période. […] Ici, la nature est un détail. » Pour que notre système contribue à un bien-être durable, le professeur propose une économie basée sur le capital humain, le capital social et le capital construit.
Prendre en compte la valeur des services écosystémiques
Le chercheur insiste ensuite sur la façon dont les services écosystémiques - c’est à dire les bénéfices que les êtres humains tirent des écosystèmes - contribuent au bien-être durable des humains et de la nature. « Ces services ne sont pas des petites externalités - comme je pense que la communauté économique le considérait à une époque -, ils ont une contribution plus grande à notre bien-être que toutes les choses prises en compte dans le PIB. […] Je pense qu’il faut encore aller plus loin et prendre aussi en considération la contribution des services écosystémiques à la paix et à la durabilité. »
À titre d’exemple, il cite une étude de 2021 démontrant la valeur que représentent les services écosystémiques des zones humides côtières qui protègent les communautés installées sur les côtes face aux tempêtes, en termes de dommages évités et de vies sauvées.
L’étude révèle : « Sur la base des probabilités actuelles de tempête, nous estimons la valeur mondiale annuelle médiane des zones humides côtières pour la protection contre les tempêtes à 447 milliards de dollars par an (en dollars américains de 2015) et à 4.620 vies sauvées par an. Les 40 millions d’hectares de zones humides côtières situées dans des zones exposées aux tempêtes ont permis d’éviter des dommages causés par les tempêtes pour un montant moyen de 11.000 dollars par hectare et par an. » Robert Costanza ajoute qu’à cause du changement climatique, « ces chiffres ne vont faire qu’augmenter. »
« Nous avons estimé la perte de services écosystémiques entre 1997 et 2011 due au changement d’affectation des terres à entre 4,3 à 20,2 billions de dollars par an. »
Dr. Robert Costanza
La dominance du PIB comme indicateur économique de référence traduit une certaine « addiction à la croissance » pour le professeur, qu’il faut selon lui « dépasser ». Comme dans les techniques d’entretien motivationnel utilisées en thérapie, il souhaite que nous définissions nos objectifs de vie en tant que société. Une des étapes clés de cette « thérapie » sera en effet la construction d’une vision commune d’un avenir plus durable et plus souhaitable, axé sur le bien-être de tous les êtres humains et du reste de la nature. Pour que cette société durable et prospère voit le jour, il faudra selon lui rompre avec notre dépendance au paradigme économique de la « croissance à tout prix », aux combustibles fossiles, à la surconsommation dans les pays à revenu élevé et aux inégalités.
Léna Fernandes