Best-of : Pâtissière au grand Cœur

Best-of : Pâtissière au grand Cœur

[Article du 11 avril 2022] Arrivée un peu par hasard au service traiteur Tridoc du Tricentenaire pour un remplacement, Carole Lesquer y a trouvé sa place. La pâtissière de l’année 2021 Gault & Millau apporte sa touche personnelle au Bar à Chocolats du Cœur et ravit les papilles des quelque 350 résidents et usagers du Tricentenaire et de la Maredoc au quotidien. Portrait d’une pâtissière talentueuse et humaine.

C’est avant tout l’histoire d’une reconversion, un virage à 360 degrés d’une professeure d’espagnol qui se voyait finalement bien devenir pâtissière.

« J’ai démarré le cursus à 25 ans. Je n’étais pas si vieille, mais déjà très en décalage par rapport aux jeunes de 16-18 ans qui suivaient les cours avec moi. J’ai passé tous les diplômes possibles, ma motivation étant de connaître, de voir, d’expérimenter un maximum de choses en un minimum de temps. J’ai donc fait un an de CAP en accéléré, un an de mention complémentaire pâtisserie et deux ans de BTM ».

Trois ans d’expérience alternée en pâtisserie de boutique, et le grand saut

« J’ai eu envie de bifurquer en restauration et de découvrir l’univers du dessert à l’assiette. J’ai décroché une place comme demi chef de partie puis comme cheffe pâtissière dans un restaurant 2 étoiles près de chez moi, à Grenoble. Ça a été une expérience très dure physiquement et moralement, mais j’ai énormément appris durant ces trois années. Ensuite, j’ai eu envie de voir autre chose… »

Auberge du Jeu de Paume à Chantilly : pâtissière-manager…

« J’ai passé un cap énorme dans mon métier en travaillant dans un relais & château 5 étoiles. Un milieu équestre, très bourgeois. En termes de rythme, d’exigence et de management, je montais d’un cran assez considérable. Je devais créer une carte de desserts de A à Z, ce que je n’avais jamais fait, mais j’étais en plus à la tête d’une équipe de 5 personnes. Il a fallu apprendre à recruter, à fédérer une équipe, à vraiment accompagner mes collègues. J’en garde des souvenirs un peu douloureux, mais il y a eu des moments magnifiques aussi. Ça a été extrêmement formateur.  »

… et rencontre avec Julien Lucas

« Julien Lucas commençait presque au même moment une première expérience en tant que chef. Nous avons donc tous les deux pu faire un travail de construction de notre identité culinaire. Pour la première fois, j’ai travaillé avec un chef bienveillant, qui ne criait pas sur son équipe, ne cherchait pas à les humilier. Nos univers culinaires étaient proches et j’ai pu travailler sur mes créations avec un support total. D’un point de vue créatif, ces deux ans et demi à Chantilly ont été hyper enrichissants pour moi. Nous étions dans cette dynamique de vraiment puiser au fond de nous, de savoir qui on est, quelle est notre cuisine, sur quoi elle s’appuie, nos références émotionnelles, culturelles, familiales…  »

Arrivée au Luxembourg en 2020 : La Villa de Camille et Julien

« Le Luxembourg n’était pas du tout dans mes projets ! Avec mon mari, on pensait s’installer en Bretagne… mais il y a des propositions qui ne se refusent pas. Julien (Lucas) ouvrait son propre établissement au Luxembourg avec son épouse. Il y a embarqué une bonne partie de l’équipe de Chantilly ! J’ai la chance d’avoir un époux très compréhensif qui m’a suivie les yeux fermés, et une famille qui me soutient dans tous mes projets. Je les remercie du fond du cœur.

Photo : dessert ’chocolat dans la forêt’ que Carole Lesquer proposait à la Villa de Camille et Julien

Et puis, malheureusement, le Covid a fait son entrée. Cela a été très dur, tant pour moi sur le plan personnel, que pour l’équipe de la Villa sur le plan professionnel. Nous avions eu des retours incroyables à l’ouverture, mais le contexte du Covid a été difficile à appréhender. Humainement, c’est devenu très compliqué et j’ai décidé de partir.  »

Le Gault & Millau et, enfin, le Tricentenaire

« Au même moment, donc fin 2020, le Gault & Millau me décernait le titre de pâtissière de l’année 2021. Je n’avais jamais envisagé cela ! C’était une reconnaissance énorme de toutes ces dures années. C’est un métier difficile, qui vous coupe de toute vie sociale, où l’on se fait crier dessus en permanence. À ce stade de ma carrière, je ressentais le besoin de souffler, de faire le point, de me retrouver. Et puis l’équipe du Gault & Millau m’a contactée pour un poste de pâtissière au Tricentenaire, un CDD de remplacement. Je n’avais pas d’emploi, je me suis dit ‘pourquoi pas’, sans vraiment savoir dans quoi je m’embarquais…  »

Cuisine centrale et Bar à Chocolats

« J’avais une vision complétement erronée d’une cuisine centrale. Je m’attendais vraiment à de la cuisine d’assemblage, alors qu’en fait, tout était fait maison. Ma mission principale était de préparer près de 350 desserts pour les résidents, pour des personnes de 2 à 99 ans. Des personnes qui ont leurs habitudes, qu’il ne faut pas bousculer. À côté de cela, j’ai aussi pris en charge les desserts pour le Bar à Chocolats du Cœur de Walferdange. Christophe Lesuisse, le directeur, m’a fait confiance et m’a laissé carte blanche. J’ai beaucoup complexifié l’offre, avec une carte de quatre-cinq pâtisseries composées chacune de quatre à six textures différentes.  »

Carole Lesquer, la pédagogue

« Comme j’étais seule pour ce remplacement et le Bar à Chocolats, j’ai demandé du renfort. J’ai eu de l’aide d’une personne en situation de handicap, qui travaillait jusqu’alors sur des tâches simples et répétitives en boucherie. Pour lui, la pâtisserie a été comme une révélation ! Il était très motivé et curieux, et moi je suis quelqu’un qui a une foi en l’humanité sans limite. J’adore travailler avec lui ! Ça n’a pas d’importance pour moi qu’il n’avance pas au même rythme que les autres. Ce qui compte, c’est qu’il finisse sa journée avec le sentiment d’avoir accompli quelque chose. Il est hyper content de bosser en pâtisserie avec moi et il m’apporte de l’énergie quand je suis un peu ‘down’.  »

La suite ? Un CDI et des projets

« Le directeur a donc proposé de me garder pour développer les pâtisseries du Bar à Chocolats et travailler en renfort de ma collègue revenue de son congé. Nous avons toutes les deux (re)trouvé notre place et adorons travailler ensemble. Suite à mon expérience avec mon collègue, j’ai expliqué mon envie de créer des ateliers protégés en lien avec la pâtisserie pour donner le goût du travail à toutes ces personnes en situation de handicap, ce à quoi la direction est très favorable. Mais bien sûr, on ne met pas ce type de projets en place du jour au lendemain. Il y a aussi le projet de micro-brasserie qui se concrétise petit à petit et où je serai chargée de la carte des desserts. À titre personnel, j’ai rejoint le réseau ‘Foodamental’ au Luxembourg, qui me permet de rencontrer d’autres gens du métier, de découvrir de nouvelles choses, de faire des rencontres.  »

Et cette identité culinaire personnelle ?

« Je crée des pâtisseries qui sont très peu sucrées, quasiment sans sucre ajouté. Je travaille également beaucoup sur le végétal, notamment les herbes et tout ce qui est floral. C’est plus difficile en hiver, mais maintenant que le printemps commence – ma saison préférée ! -, je vais pouvoir m’amuser. Je porte aussi une grande importance à ne pas gaspiller, à revaloriser les déchets comme les épluchures C’est plus difficile en pâtisserie de boutique car le dessert doit tenir, pouvoir être emporté et conservé. En restaurant, c’est bien plus immédiat, on peut se permettre beaucoup plus de choses. Dans tous les cas, il faut du temps pour expérimenter jusqu’à trouver la bonne recette. J’aime aussi travailler avec des produits de saison et locaux, ce que je dois encore développer ici au Luxembourg, où je connais moins les producteurs. J’ai encore beaucoup de choses à découvrir ! »

Photo : La pâtisserie proposée lors des fêtes de Pâques au Bar à Chocolats de Walferdange, composée d’une compotée de rhubarbe, d’une mousse verveine et d’une ganache rhubarbe. Gourmand et de saison !

Marie-Astrid Heyde
Photo principale : Carole Lesquer en train de dresser un dessert avec sa collègue au Grand Hôtel les Terrasses à Uriage, sa première expérience en restauration.

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Publié le mardi 16 août 2022
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