L'A31 bis : le faux espoir lorrain

L’A31 bis : le faux espoir lorrain

Pour AGIRR Fnaut Lorraine, l’A31 bis doit faire place à une solution plus pragmatique : renforcer les transports alternatifs !

L’A31 bis est un projet autoroutier français controversé visant à remédier aux problèmes de circulation sur l’A31 en Lorraine. Ces dernières années, la massification des travailleurs transfrontaliers a propagé les célèbres embouteillages luxembourgeois en Lorraine, elle-même confrontée à un important flux de distances moyennes. Aujourd’hui, de Luxembourg à Nancy, le réseau urbain est très dense et aucune ville ne fonctionne à elle seule ; les échanges entre elles sont généralisés. D’où une circulation dense le long de l’A31, qui s’avère particulièrement préoccupante entre Thionville et Luxembourg aux heures de pointe.

Entre ces deux villes, où se situent les points de difficulté ? Essentiellement sur le sol luxembourgeois depuis lequel les retenues débordent sur la partie française. La majorité des 30.000 véhicules journaliers dans chaque sens se concentre sur seulement quelques heures, ce qui crée un pic de trafic tel que le moindre obstacle est susceptible de provoquer un embouteillage de plusieurs kilomètres.

D’où partent les embouteillages ? Des obstacles structurels de l’autoroute : le rétrécissement de l’ancien poste-frontière, la jonction de Dudelange, la croix de Bettembourg (A13), le rétrécissement de Berchem, couplé à l’insertion de la sortie de la station-service, et enfin la croix de Gasperich, aux portes d’entrée de Luxembourg, où le trafic arrive massivement de partout, repart partout. Et lorsque trop de véhicules arrivent au même endroit au même moment, ça coince.

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Or, que propose le projet d’A31 bis ? D’élargir l’A31 à 2x3 voies entre Thionville et la frontière. Il existe un projet équivalent sur la partie luxembourgeoise, mais dont les contours restent flous (élargissement de Gasperich à Bettembourg ? Jusqu’à Dudelange ? Jusqu’à la frontière ? La troisième voie serait-elle réservée aux transports en commun ?), et sur lequel plusieurs déclarations récentes sont contradictoires. En fait, il s’agirait d’augmenter la capacité de l’autoroute, autrement dit d’envoyer plus de véhicules au même moment s’engorger sur l’A3. L’A31 bis consiste donc à accentuer ce qui cause l’engorgement : l’effet d’entonnoir. On peut s’interroger sur l’adéquation de la mesure…

Il est prévu en outre de dévier la traversée de Thionville par un barreau reliant Bétange à l’A30 à Fameck, traversant la vallée de la Fensch à Florange.

D’une part, la création de ce barreau implique l’apparition de deux échangeurs importants, c’est-à-dire deux points de congestion supplémentaires. D’autant que le manque d’emprise, surtout à Fameck, nécessitera la construction de petites bretelles aux courbes serrées.

Ensuite, vu les contraintes urbaines rendant son coût extrêmement élevé, ce barreau serait payant. Entre Richemont et Bétange, on ne peut s’attendre à un report massif d’un itinéraire gratuit (Thionville) vers un itinéraire payant (Florange). D’autre part, il est également prévu d’accompagner l’élargissement au nord de Thionville par une mise à péage jusqu’à la frontière. Sans gain de temps ni d’embouteillages (qui seraient toujours présents sur la partie luxembourgeoise gratuite), on peut s’attendre à une désertion de l’autoroute au détriment des itinéraires parallèles (par Volmerange ou Frisange).

Enfin, on chevauche ici une problématique extérieure à la mobilité frontalière : le cadre de vie local. Le barreau couperait littéralement Florange en deux. Et l’étendue du problème est loin d’être négligeable : c’est environ 700 maisons qui se retrouveraient du jour au lendemain au bord d’une autoroute.

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Le projet d’A31 bis au sein de Florange

La situation est cocasse : à la base il est question de dévier la traversée urbaine de Thionville, puis au final il serait question de créer une nouvelle traversée urbaine à Florange, tout en laissant perdurer celle de Thionville… Outre les nuisances inhérentes, cette autoroute nouvelle n’apporterait aucun gain à Florange, qu’elle traverserait sans échangeur (il n’y aurait de toute façon pas la place d’en faire).

Il est difficile d’expliquer le retour de projets autoroutiers au pied des maisons, qui avaient disparu depuis la fin des Trente Glorieuses et l’ère Pompidou. Ce barreau aussi incompréhensible qu’inacceptable pour les riverains a logiquement entraîné une mobilisation rapide et massive.

Que faire, alors, si la réponse aux problèmes routiers par la route est contre-productive sur le long terme ? De même que le problème, la solution vient du Luxembourg qui, après plus de trente ans de saturation notoire de la moitié sud du pays, a cultivé une approche plus mature de la question. L’extension du réseau routier n’a toujours fait qu’aggraver la situation mais le Grand-Duché a besoin d’augmenter son accessibilité s’il ne veut pas freiner le développement économique du pays. La solution est donc tout à fait pragmatique : place aux transports alternatifs.

cEn France, à l’instar des automobilistes, l’engorgement fait aussi le quotidien des usagers des transports en commun. En pointe, les trains sont bondés et d’après le directeur régional de la SNCF, « chaque train supplémentaire est un train rempli ». D’autre part, malgré des conditions de circulation aussi dégradées qu’en voiture, le succès de la ligne 300 empruntant l’A31 est tel que pour absorber le flux de voyageurs aux heures d’hyper-pointe, la cadence a été montée à 7 minutes. Ces deux exemples montrent que le potentiel de voyageurs est très supérieur au trafic actuel et que la demande n’est pas satisfaite. La part modale des transports alternatifs pourrait donc être très supérieure. Et pour y parvenir, les idées foisonnent :

 Réservation exclusive de la voie supplémentaire de l’A31 aux transports collectifs ;

 renforcement de la fréquence des trains à 10 minutes (voire davantage) en heure de pointe ;

 réouverture de la ligne ferroviaire entre Fontoy et Esch-sur-Alzette ;

 création d’une ligne de transports en commun en site propre entre Thionville, sa gare et la Fensch ;

 création d’un abonnement combinant l’utilisation des transports urbains de l’agglomération thionvilloise et des TER entre le Luxembourg et Thionville ;

 augmentation de l’accessibilité de la gare de Thionville en y ouvrant un accès arrière vers Yutz – Cormontaigne…

Tandis que les élus regardent crédules vers l’A31 bis, le chemin semble encore long pour répondre durablement à la question transfrontalière.

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Communiqué d’AGIRR FNAUT Lorraine - En savoir plus : www.agirr.org

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Publié le lundi 21 décembre 2015
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