Ville résiliente : les dessous de sa planification

Ville résiliente : les dessous de sa planification

Aux effets immédiats du changement climatique se succéderont la raréfaction des matières premières, l’insécurité alimentaire, les bouleversements naturels et leurs conséquences sur le bien-être et la santé des citadins. Pour faire front, il est impératif de restructurer la ville, son idéal minéral et sa soif de domination sur les espaces naturels.

Quand la question de la gestion circulaire de l’eau au Luxembourg lui est posée, Bruno Renders, CEO du groupe CEDEC (Conseil du Développement Économique de la Construction) répond sans ambages : « le changement climatique nous montre aujourd’hui que la sécheresse au Luxembourg en plein mois d’août est une réalité. Nous devons être capables d’adapter nos infrastructures. »

Sandra Huber, Chief Development Officer chez IKO Real Estate apporte de l’eau au moulin : « nous sommes l’un des pays en alerte rouge en matière de ressources en eau. Depuis quatre ans, nous menons beaucoup d’études et de travaux sur les eaux grises et noires. »

L’eau agit tel un révélateur des exigences futures, autant par son caractère vital que par les inégalités qui l’entourent. Jean-Charles Buttolo, chargé d’études pour Luxembourg Stratégie consent que la transformation économique repose sur aux moins deux mécanismes qui, pris séparément, semblent insuffisants : l’innovation technologique et le changement comportemental. Être brillant et vertueux. Pour le moment, au beau milieu des feux canadiens, les stations de lavages arrosaient les pickups et les 4X4 comme si de rien n’était.

« Construire la ville sur la ville », pour reprendre les termes de M. Buttolo, comme l’homme le fait depuis toujours, empilant des matériaux nouveaux sur des murs anciens. Oui, mais cette fois, dans une stratégie complètement renversée.

La population urbaine devrait atteindre environ 7 milliards d'habitants à l'horizon 2050.
La population urbaine devrait atteindre environ 7 milliards d’habitants à l’horizon 2050.

L’augmentation de la population urbaine démultiplie les défis. Entre 1960 et 2020, elle a progressé de 56 % pour passer à 4,45 milliards. D’ici 2050, plus de 2,5 milliards d’habitants viendront encore grossir ce chiffre vertigineux que certains qualifient de surpopulation urbaine. Sur Terre, 7 personnes sur 10 vivent en ville. Les cités représentent près de deux tiers de la consommation mondiale d’énergie et produisent plus de 70 % des émissions planétaires de gaz à effet de serre (sources : LSC Engineering Group et Luxplan).

Une ville est en moyenne plus chaude de 3 à 10°C qu’une zone rurale. Les îlots de chaleur, désormais si décriés, se sont ancrés au fil du temps par :

  • La morphologie même de la ville, taille des bâtiments, orientation et exposition aux rayonnements solaires et au vent ;
  • Le mode d’occupations des sols, la répartition des surfaces végétales et minéralisées ;
  • Les propriétés émissives et thermiques des matériaux, l’émission et l’absorption de chaleur, l’albédo.

Pendant des années, les grandes villes occidentales se sont bâties sur de longues avenues et de grandes places aux sols artificiels, dédiés à une circulation croissante. C’est par un étrange revers de la médaille que l’intégration paysagère ou la réapparition du cycle naturel refondent un modèle à bout de souffle.

Caroline Drouard, directrice de département Ingénieur génie urbain chez Luxplan use de la meilleure métaphore pour envisager la transition nécessaire : passer d’une « ville entonnoir » à une « ville éponge ». Pour cela les grands axes sont établis : sobriété foncière, surfaces perméables, gestion des eaux décentralisée, multifonctionnalité des usages, etc.

D'une ville entonnoir à une ville éponge / Comparaison Utrecht 1981 - 2021
D’une ville entonnoir à une ville éponge / Comparaison Utrecht 1981 - 2021 - LSC Engineering Group
D'une ville entonnoir à une ville éponge / Comparaison Düsseldorf hier et aujourd'hui
D’une ville entonnoir à une ville éponge / Comparaison Düsseldorf hier et aujourd’hui - LSC Engineering Group

Dès 2008, la Ville de Luxembourg, dans le cadre du programme agenda 21, a engagé des actions en faveur de végétations spontanées en milieu urbain, de gestion durable des forêts communales, d’aménagement de revêtement perméables et végétalisés, de fauchage écologique. Dans le même temps, elle a renoncé aux semences d’OGM (organismes génétiquement modifiées), aux herbicides et aux pesticides.

Mais il est nécessaire de faire plus et d’accroître encore la circonférence de l’écoconception et de l’approche holistique. Les champs d’application de la résilience urbaine recouvrent ainsi toutes les couches et les artères de la ville : la gestion des déchets, la mobilité douce, les nuisances sonores, la pollution de l’air, la préservation de la biodiversité, l’inclusion et le lien social.

Corridor multimodal entre Luxembourg-Ville et la région Sud
Corridor multimodal entre Luxembourg-Ville et la région Sud - Schroeder & Associés

Édouard Perard, chef de division Développement urbain à la Banque européenne d’investissement (BEI), marque la prise de conscience des institutions et de la BEI par des projets d’adaptation à Athènes (forêts urbaines, coulées vertes, 25 % d’espaces verts supplémentaires) comme par le cofinancement de la rénovation de 9.600 logements dans le bassin minier du Nord Pas de Calais en France. La ville résiliente passe autant par la végétalisation que par la réduction de la pauvreté énergétique.

Dans ce domaine, une présentation de Ben Scheitler, ingénieur en approvisionnement énergétique durable au sein d’Energiepark, la société de Beckerich, clôture sur un avenir d’innovations structurelles et conceptuelles : achat de parts dans des sociétés civiles ou coopératives solaires, lancement d’E-community en 2023, plateforme dédiée à l’échange d’électricité entre producteurs et consommateurs avec un approvisionnement énergétique durable décentralisé, entre les mains des citoyens. À quelle vitesse sommes-nous déterminés à changer l’environnement dans lequel nous vivons ?

Par Sébastien MICHEL
Photos de Düsseldorf et d’Utrecht : LSC Engineering Group / Modélisation du tram : Schroeder & Associés


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Qu’est-ce que l’albédo ?

Pour résumer : l’albédo est la quantité de lumière du soleil (rayonnement solaire) réfléchie par une surface.

Pour entrer dans les détails : l’albédo est une grandeur physique sans unité. Compris entre 0 et 1, il caractérise l’aptitude d’une surface (solide, liquide ou gazeuse) à réfléchir le rayonnement qui lui parvient.

Si l’on note P1​ la puissance lumineuse incidente (arrivant sur la surface) et Pr​ la puissance réfléchie (par la surface), l’albédo, noté a, est défini par α=P1​Pr​​.

Une surface d’albédo égal à 0 absorbe l’intégralité de la puissance lumineuse qu’elle reçoit. À l’inverse, une surface d’albédo égal à 1 en réfléchit l’intégralité.


Toutes les sources de cet article, toutes les interventions et citations sont extraites de la conférence « Construction durable pour des villes résilientes », organisée par le Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST) en collaboration avec Luxinnovation et la plateforme Betriber & Emwelt.

Article tiré du dossier du mois « Doheem »

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Publié le lundi 25 septembre 2023
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