Une question de bon sens

Une question de bon sens

La table ronde intitulée "Building the Green Way : dessinons ensemble le modèle de durabilité de demain" a clôturé la conférence européenne sur les critères de durabilité appliqués aux marchés publics et privés. Elle a regroupé des représentants des différentes parties prenantes impliquées dans une nouvelle approche consistant à intégrer des critères extra-financiers dans les appels d’offre, à la veille de la publication de la nouvelle mouture de la directive européenne sur les marchés publics. Les questions de la structuration, de la formation et de la certification sont revenues comme des leitmotiv.

Le premier intervenant sollicité par le modérateur Walter Bouvais, cofondateur et directeur du magazine Terraeco, a été François Thiry, architecte au sein du bureau Polaris, qui a conçu Horizon, le premier bâtiment nearly zero au Luxembourg, huit ans avant l’entrée en vigueur de la législation sur l’efficacité énergétique des bâtiments. François Thiry s’est exprimé sur l’importance que revêtent les critères extra financiers de son point de vue d’architecte. Il a déploré les lacunes existantes en termes de formation : « Maîtres d’ouvrage, bureaux d’études et entreprises sont-ils aux faits de ce dont nous parlons ? », s’est-il interrogé. Aussi s’est-il prononcé en faveur d’un système de certification tant au niveau du management que des compétences, qui rendrait plus lisible le niveau de formation des architectes et démontrerait leur maîtrise de l’une ou l’autre approche environnementale. Il a également souligné le besoin d’identifier et de promouvoir des projets pilote, conçus comme des plateformes collaboratives, pour permettre aux différents acteurs impliqués dans un projet d’apprendre à interagir de manière constructive.

Patrick Dury, président du syndicat LCGB, interrogé sur son appréhension des travaux de refonte de la directive européenne sur les marchés publics et l’intégration de critères extra-financiers dans cette directive, a rappelé la nécessité de faire respecter des critères sociaux, portant notamment sur la sécurité et la santé au travail, aux entreprises souhaitant répondre à un appel d’offre public, l’introduction du badge social dans le secteur de la construction en étant une preuve tangible. Il y va de la compétitivité des entreprises luxembourgeoises qui est soumise à rude épreuve depuis l’ouverture des frontières. Patrick Dury a cependant insisté sur le fait que les normes et labels ne devaient pas être discriminatoires, pour les petites entreprises notamment, et qu’il conviendrait de trouver un modèle qui soit « simple sans être simpliste », autrement dit qui reste gérable tant au niveau de l’appréciation que du contrôle tout en étant crédible.

« Nous ne serons jamais un pays Lidl »

Ce fut ensuite à Romain Schmit de prendre la parole en tant que directeur de la Fédération des Artisans et membre du comité exécutif de l’Union des Entreprises Luxembourgeoises. Les membres qu’il représente revendiquent non seulement la simplicité, mais aussi la connaissance : « Il est très important que le rédacteur du cahier des charges sache de quoi il parle pour éviter certaines aberrations » a-t-il argumenté. Il a indiqué que l’artisanat lui-même était demandeur de critères de durabilité pour ne pas être tributaire de celui du prix : « Il faut bien avouer que le Luxembourg est un pays cher. Nos entreprises sont évincées de certains marchés parce qu’elles ne parviennent pas à garantir des bas prix. C’est leur survie qui est en jeu. Bien sûr qu’il y a une nécessité environnementale, mais cela représente aussi un énorme marché pour les entreprises ». Pour la mise en place de tels critères, Romain Schmit en a appelé au courage des promoteurs publics qui, pour l’instant, se réfugient derrière l’adjudication au moins disant par facilité. Il a également mentionné l’impérativité de structurer la formation et que tous les métiers du secteur et toutes les parties impliquées, du chef d’entreprise au travailleur manuel, avancent à la même vitesse.

L’eurodéputé écologiste Claude Turmes a rappelé que le rôle des politiques est de fixer les objectifs à atteindre, aux entreprises ensuite de s’y conformer. Après la création du standard Nearly Zero Energy pour tous les nouveaux bâtiments, le prochain chantier sera d’intégrer l’idée de Deep Renovation dans la nouvelle directive européenne sur l’efficacité énergétique des bâtiments qui devra être transposée dans les lois nationales d’ici avril 2014. Il s’est dit très fier de l’excellence luxembourgeoise en la matière et a d’ores et déjà annoncé, en tant que participant aux négociations de coalition, que le nouveau gouvernement mettra l’accent sur la rénovation énergétique, mais que, pour cela, il aura besoin de plateformes de dialogue entre tous les acteurs bien organisées. Il rejoint les précédents intervenants en disant que c’est sur la qualification que le Luxembourg doit miser pour rester compétitif face aux pays voisins qui travaillent à moindre coût : « Nous ne serons jamais un pays Lidl, alors il faut tendre vers l’excellence. Le prochain gouvernement devra concentrer ses réflexions sur la façon d’utiliser les marchés publics pour aider le secteur de la construction à avancer », a-t-il conclu.

Enfin, à la question : « Parmi les critères de durabilité, s’il y en avait un à défendre, lequel serait-ce ? » posée par le modérateur, Bruno Renders, directeur général du Conseil pour le Développement Economique de la Construction (CDEC) et de l’IFSB a énoncé, en premier lieu, le respect des conventions collectives qui devrait être exclusif pour concourir à un marché public et, en second lieu, le fait de ne pas tomber dans une complexité administrative inutile. Le projet Neobuild présenté dans la matinée a démontré qu’en dépit des multiples thématiques qu’il concentre, le sujet du développement durable n’est pas si complexe qu’il y paraît. D’après lui, exiger des certifications dont le rapport qualité/prix ne se justifie pas, reviendrait à fermer les marchés à la grande majorité des PME. Il prône plutôt l’adoption de la démarche d’accompagnement CSR 26000 inspirée de la norme internationale ISO 26000, plus exhaustive, applicable même dans la plus petite des entreprises, et qui concentre bon sens et évidence.

Photo ©Marlene Soares pour LG Magazine

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Publié le mardi 3 décembre 2013
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