Un commerce équitable au-delà des frontières : le partenariat Ghana-Luxembourg

Un commerce équitable au-delà des frontières : le partenariat Ghana-Luxembourg

Et si une fève de cacao pouvait rapprocher deux nations ? C’est le pari du partenariat Farmer&Farmer entre le Ghana et le Luxembourg, qui unit les producteurs de cacao ghanéens de Kuapa Kokoo et les éleveurs laitiers luxembourgeois de Fairkoperativ Lëtzebuerg. Un modèle de commerce équitable innovant, fondé sur la justice et la durabilité.

Quand le commerce équitable devient un pont entre deux continents

Le partenariat entre le Ghana et le Luxembourg repose sur une vision commune : offrir aux producteurs un modèle économique plus juste et durable. Depuis 2016, les fèves de cacao de Kuapa Kokoo, une coopérative ghanéenne de plus de 100.000 membres, sont utilisées dans les boissons chocolatées D’fair Mëllech, fabriquées par Fairkoperativ Lëtzebuerg, qui regroupe 79 producteurs laitiers luxembourgeois.

Ce modèle, baptisé « Fair & Local », s’appuie sur un double engagement : l’utilisation de matières premières issues du commerce équitable, garantissant un prix minimum aux producteurs de cacao, et la valorisation des ingrédients locaux luxembourgeois, permettant aux éleveurs laitiers d’obtenir un prix équitable pour leur lait. Cet équilibre Nord-Sud constitue un exemple concret de solidarité entre agriculteurs, démontrant que le commerce équitable ne se limite pas aux produits du Sud, mais peut aussi bénéficier aux producteurs du Nord.


« Ce que nous faisons aujourd’hui n’est pas un acte de charité. Nous démontrons qu’une autre forme de coopération économique durable est possible. »

Jean-Louis Zeien, président de Fairtrade Lëtzebuerg

Avant l'arrivée de la délégation ghanéenne, la ministre Martine Hansen a pris le temps de visiter le site de production de Luxlait.
Avant l’arrivée de la délégation ghanéenne, la ministre Martine Hansen a pris le temps de visiter le site de production de Luxlait. - © infogreen.lu

Des défis communs pour les producteurs ghanéens et luxembourgeois

Si le cacao et le lait sont des piliers économiques au Ghana et au Luxembourg, les producteurs de ces deux secteurs doivent faire face à des défis similaires.

Au Ghana, deuxième plus grand exportateur de cacao au monde, les producteurs sont soumis à des prix imposés, les empêchant de négocier des conditions plus justes. Cette situation entraîne une précarité économique renforcée par plusieurs facteurs : le dérèglement climatique, l’exode rural et les nouvelles exigences européennes sur la déforestation. De plus, 1,6 million d’enfants travaillent encore dans les plantations de cacao au Ghana et en Côte d’Ivoire.

De l’autre côté de l’Atlantique, les éleveurs laitiers luxembourgeois subissent également la pression du marché. Depuis la suppression des quotas laitiers en 2015, les prix sont devenus extrêmement volatils, souvent insuffisants pour couvrir les coûts de production. Face à la concentration des grandes entreprises laitières, les producteurs peinent à négocier des prix justes.


« En 2009, en pleine crise du lait, les producteurs européens touchaient moins de 20 centimes par litre, alors que leurs coûts de production s’élevaient à 47 centimes. Pour ne pas être dépendants des subventions, nous avons créé notre propre marque équitable. »

Danielle Warmerdam-Frantz, présidente de Fairkoperativ Lëtzebuerg

Ce constat met en évidence un problème global : les agriculteurs, qu’ils soient du Nord ou du Sud, sont confrontés aux mêmes inégalités économiques. D’où la nécessité de modèles alternatifs, équitables et durables, comme celui porté par Fairtrade Lëtzebuerg.

Un geste symbolique pour renforcer la solidarité

Dans le cadre de cette coopération, Fairtrade Lëtzebuerg, Luxlait et D’fair Mëllech ont lancé une initiative forte : offrir 1.000 boissons chocolatées D’fair Mëllech aux enfants de Kuapa Kokoo.
Ce geste symbolique concrétise le partenariat équitable entre producteurs de cacao et éleveurs laitiers. Il démontre que le commerce équitable ne se limite pas à une transaction économique, mais qu’il renforce la solidarité entre communautés agricoles.


« Trop souvent, la voix des producteurs sur le terrain n’est pas entendue. Nous espérons que le Luxembourg fera partie des pays qui défendent une législation ambitieuse sur le devoir de vigilance des entreprises. »

Solomon Boateng, manager général de Kuapa Kokoo

Cette initiative pourrait également inspirer d’autres coopératives agricoles à travers le monde. En multipliant ces échanges équitables, les producteurs renforcent leur autonomie et créent des opportunités de croissance locale, favorisant une agriculture plus durable et résiliente face aux crises économiques et climatiques.

- © infogreen.lu

Une dynamique de croissance et de nouvelles perspectives

Ce partenariat entre producteurs de cacao et éleveurs laitiers ouvre la voie à d’autres initiatives similaires. Aujourd’hui, 14 entreprises luxembourgeoises sont actives au Ghana, et de nombreuses autres pourraient suivre.


« Il est essentiel d’explorer de nouvelles opportunités de coopération, en renforçant les liens entre entreprises luxembourgeoises et ghanéennes. »

Valérie Heyman, Ministère des Affaires étrangères et du Commerce extérieur

De son côté, Francis Boakye, premier secrétaire à l’ambassade du Ghana à Bruxelles, insiste sur la nécessité de pérenniser ces efforts : « Ce partenariat ne profite pas seulement aux producteurs. Il favorise un modèle économique durable et respectueux des droits humains. »

L’objectif à long terme est de faire évoluer la relation commerciale entre le Ghana et le Luxembourg vers une approche encore plus intégrée, en développant de nouvelles filières équitables et en renforçant les engagements des acteurs politiques et économiques.


« Si tous les agriculteurs avaient un revenu équitable, beaucoup de choses pourraient être améliorées pour leur bien-être et offrir de nouvelles perspectives à la jeune génération. »

Danielle Warmerdam-Frantz, présidente de Fairkoperativ

Le commerce équitable pourrait aussi être une réponse aux crises mondiales. Dans un monde où la volatilité des marchés menace la stabilité des revenus agricoles, favoriser un modèle plus équitable permettrait d’atténuer ces effets et de garantir une sécurité économique à long terme.

Un commerce équitable, un avenir solidaire

L’histoire de ce partenariat entre le Ghana et le Luxembourg illustre la capacité du commerce équitable à transformer durablement les filières agricoles.

En garantissant des prix justes, des conditions de travail dignes et une solidarité entre producteurs, ce modèle prouve qu’un commerce plus humain est possible. Que ce soit pour les producteurs de cacao au Ghana ou les éleveurs laitiers au Luxembourg, Farmer&Farmer montre la voie vers une coopération Nord-Sud basée sur l’équité, la justice et la durabilité.

Sébastien Yernaux
Photo de groupe : Fairtrade Lëtzebuerg

Article
Publié le mardi 4 février 2025
Partager sur
Avec notre partenaire
Nos partenaires