Un calmar vampire découvert au Luxembourg !

Un calamar vampire découvert au Luxembourg !

Le vampire des abysses a été retrouvé dans les sédiments d’une époque où le Grand-Duché se situait en bord de mer. De nos jours, ce calmar draculéen qui doit son nom à son manteau rouge, est rare, mais erre encore dans les profondeurs sombres des océans.

Bascharage, station balnéaire

La nouvelle espèce de céphalopode de l’ordre des Vampyromorpha a été découverte lors de la « fouille de l’océan perdu » menée par une équipe du Musée nationale d’histoire naturelle, à Bascharage en mai 2022.

Lors du Jurassique inférieur, c’est-à-dire entre 200 et 175 millions d’années, il est fort probable que le Luxembourg étendait ses rivages marins et que les crustacés étaient plus courants que les vaches.

Outre cette découverte, deux nouveaux articles récemment publiés donnent un aperçu d’un phénomène unique et rare : la relation entre proies et prédateurs dans la vie marine préhistorique.

Les chercheurs, Robert Weis et Ben Thuy ont ainsi révélé un écosystème au sein duquel des poissons avalaient des calmars vampires qui étaient eux-mêmes prédateurs de plus petits poissons.

Les poissons mangeaient des calmars qui mangeaient des poissons.

Des poissons plus carnassiers qu’un vampire

Il y a bien longtemps, des poissons ressemblaient à des thons, on les appelait les pachycormidés. Ils peuplaient les mers au début de la période Jurassique.

Une réévaluation d’environ 70 fossiles de ces poissons dans les collections paléontologiques du « natur musée » a conduit à une étonnante découverte. En effet, six de ces poissons renfermaient, dans leur ventre, des restes de coquilles de céphalopodes.

Cette association, jamais documentée auparavant au Luxembourg, suggère donc que ces poissons se nourrissaient intentionnellement de coléoïdes à huit bras, appelés teuthidés, les ancêtres du calmar vampire actuel.

Cette découverte indique qu’ils s’adonnaient à un régime alimentaire appelé teuthophagie. Manger du calmar, c’était une habitude. Par ailleurs, des preuves provenant de dépôts similaires en Allemagne étayent cette découverte.

Les chercheurs ont également trouvé un gladius, un bout de coquille déminéralisée dans le manteau dorsal des coléoïdes octobrachiens, la fameuse cape rouge.

Le gladius appartient à des familles telles les Teudopsidae et les Loligosepiidae. Ces dernières sont les ancêtres des Vampyromorpha actuels.

Specimen JCS n° P39 : Pachycormus macropterus (Blainville, 1818) and Octobrachia indet. ; Serpentinum Chronozone, Dudelange
Specimen JCS n° P39 : Pachycormus macropterus (Blainville, 1818) and Octobrachia indet. ; Serpentinum Chronozone, Dudelange - © MNHN

Lien vers l’étude ➡️ Les poissons pachycormidés se nourrissaient de céphalopodes octobrachiens : nouvelles preuves provenant des « Schistes bitumineux » (Toarcien précoce) du sud du Luxembourg.


Le calmar préhistorique s’appelle Michael

Lorsqu’ils ont déterré les fossiles lors de la fouille Lost Ocean Digging, les chercheurs luxembourgeois ont nommé l’espèce marine jusqu’alors inconnue : Simoniteuthis michaelyi. gen. n. sp.

Le calmar vampire, plus savamment nommé coléoïde vampyromorphe, nous aide à comprendre l’évolution de ces très anciennes créatures des profondeurs.

Le gladius fossilisé et le Simoniteuthis michaelyi comblent le fossé entre les familles Loligosepiidae et Geopeltidae. Pour vous, ce n’est peut-être rien, mais pour un paléontologue, ça veut dire beaucoup.

Simoniteuthis michaelyi n. gen. n. sp., holotype (MNHNL TI024), Lower Toarcian, Serpentinum Chronozone, Exaratum Subchronozone, Bascharage. A–D slab ; E–G counter-slab. A overview ; B camera lucida drawing of A ; C close-up of the head–arm complex ; D same under UV-light showing the weakly illuminating arm musculature ; E overview ; F close-up of the preyed fishes, red colour Specimen 1 (op = opercle ; sop = subopercle), blue colour Specimen 2 (caud = caudal fin ; sop = subopercle ; centra = central vertebra) ; G same under UV-light. Scale bars = 10 mm
Simoniteuthis michaelyi n. gen. n. sp., holotype (MNHNL TI024), Lower Toarcian, Serpentinum Chronozone, Exaratum Subchronozone, Bascharage. A–D slab ; E–G counter-slab. A overview ; B camera lucida drawing of A ; C close-up of the head–arm complex ; D same under UV-light showing the weakly illuminating arm musculature ; E overview ; F close-up of the preyed fishes, red colour Specimen 1 (op = opercle ; sop = subopercle), blue colour Specimen 2 (caud = caudal fin ; sop = subopercle ; centra = central vertebra) ; G same under UV-light. Scale bars = 10 mm - © MNHN

Le fossile luxembourgeois est exceptionnel

D’abord parce qu’il conserve de l’encre et des tissus mous fossilisés du céphalopode comme les tentacules et des yeux. C’est très rare pour un fossile.

Ensuite, parce que le Simoniteuthis michaelyi tenait dans sa gueule, des filaments rétractables, deux spécimens du petit poisson osseux, Leptolepis. Et ça, c’est encore plus rare pour un fossile. C’est un véritable coup de chance qu’un animal soit fossilisé au moment même où il chassait sa proie.

Cela fournit de précieux indices sur les interactions in situ entre le prédateur et les proies et cela remet en cause bien des idées reçues sur le vampire abyssal. Contrairement à son arrière-petit-fils, le Vampyroteuthis infernalis, le vampyromorphe du Jurassique inférieur chassait dans des eaux moins profondes.

Il semblerait que la verticale migration vers le fond des vampyromorphes, probablement associée à un changement de comportement alimentaire, s’est produite au moins depuis l’oligocène*.

Par Sébastien MICHEL
Photos : © MNHN


*NDLR : l’oligocène est une époque géologique qui s’étend de – 34 à – 23 millions d’années.


Lien vers l’étude ➡️ Simoniteuthis, un nouveau coléoïde vampyromorphe avec des proies dans les bras, à l’époque du Jurassique inférieur du Luxembourg

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Publié le jeudi 14 mars 2024
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