Trois scénarios pour le pays et son développement

Trois scénarios pour le pays et son développement

Luxembourg Stratégie a flashé sur l’économie réelle. Et dessiné trois champs des possibles pour son développement à l’horizon 2050, lié à la démographie… et inversement.

Comment tracer les contours d’une économie résiliente et développée sur des bases saines et de nouvelles pistes ? C’est, en substance, la mission de « Luxembourg Stratégie ».

La direction de prospective stratégique du ministère de l’Économie doit aussi élaborer des scénarios dessinant autant de champs des possibles pour le développement, durable, de cette économie. Et cet horizon, outre qu’il est fixé à 2050, comme les perspectives d’aménagement du territoire, doit aussi se caler sur des projections démographiques.

Car c’est une évidence historique au Luxembourg : plus l’économie se développe, plus le pays attire ; et plus le pays attire, plus le modèle économique et social peut – doit – évoluer pour y faire face.

Donner une cohérence d’ensemble

Entre quadrature du cercle vertueux et paradoxe à gérer, cela a encore été soulevé à la conférence publique annuelle de Luxembourg Stratégie, qui a réuni plus de 200 participants en ligne et 150 en présentiel à la Maison des arts et des étudiants de Esch-Belval. Son thème en était d’ailleurs le résumé : « L’économie réelle, entre fondations sociales & limites biophysiques ».

En préambule, le ministre Franz Fayot a rappelé la méthodologie mise en œuvre par Luxembourg Stratégie pour scénariser les futurs possibles de l’économie luxembourgeoise : « Plutôt que de partir de théories et de visions préétablies, nous avons préféré construire un éventail de scénarios possibles. Non pas des scénarios souhaités ou souhaitables, mais des scénarios envisageant tous les possibles. L’idée de Luxembourg Stratégie n’est pas de s’immiscer dans les différentes stratégies sectorielles existantes mais de contribuer à leur donner une cohérence d’ensemble. Notre objectif de résilience consiste à transformer notre économie pour construire une économie du bien-être en rapprochant limites environnementales et besoins humains. »

Donc, le processus est en cours, il est participatif et évolutif par nature. Mais trois scénarios se détachent pour guider le travail et ils entrevoient un Luxembourg à respectivement 770.000 habitants, 1,1 million ou 1,2 million de résidents.

Entre Mad Max et La vie est un long fleuve tranquille

Le premier évoque un « statu quo » basé sur la « lancée » actuelle qui donnerait plus d’1 million d’habitants au pays. Pascale Junker, chargée de direction de Luxembourg Stratégie, le résume : « 2050, le Luxembourg attire toujours plus de salariés, avec tout ce qui va avec, notamment la pression sur les déplacements et sur le logement. Et des corollaires connus : des empreintes carbone, matérielles et écologiques qui tendent encore à grimper, une gouvernance à court terme et un modèle tripartite conservé pour parer à cette évolution »… qui n’en est pas vraiment une.

Le modèle « circularité biorégionale » s’appuie sur la responsabilité sociale et environnementale : il voit un Luxembourg qui a freiné, compte quelque 770.000 habitants. « La population et l’économie arrêtent de croître, ce qui détend le trafic et la pression sur le logement, les systèmes de santé et d’éducation, l’environnement et l’eau », observe Pascale Junker. La croissance n’est plus le moteur : les niveaux de salaire, de pensions et de couverture sociale stagnent et le pays recourt davantage à la démocratie participative. Dans ce scénario, l’Union européenne est resserrée et est devenue leader mondial de la transition énergétique...

Une forme de « libéralisme techno-digital » domine la troisième image virtuelle du pays projetée sur l’écran de 2050 : la population atteint 1,2 million d’habitants, les marchés du logement et de l’emploi sont précarisés, tout est digitalisé, jusqu’au système éducatif. La croissance quantitative maintenue sur le PIB, au rythme d’environ 4,5% par an, a permis un équilibre relatif des caisses de pension et de la sécurité sociale. Mais la concurrence mondiale est effrénée, c’est la lutte pour l’accès aux ressources, dans un « village global » où le réchauffement planétaire a dépassé les + 2 °C préconisés par l’Accord de Paris.

Entre Mad Max et La vie est un long fleuve tranquille, ces scénarios radicaux peuvent se réorienter vers un film alternatif. « À ce stade, les scénarios en construction tiennent compte de différentes bifurcations possibles. Il y a des incertitudes à long terme qui peuvent être influencées par de nouvelles formes de gouvernance, l’émergence de modèles “écolonomiques” ou l’accélération technologique notamment numérique », précise Franz Fayot.

Plus de chances...

Les prochains ateliers de travail, qui se poursuivront jusqu’en mars prochain, affineront les tendances. Des « sous-mégatendances » auront un impact sur l’avenir, relativement prévisible : vieillissement de la population, influence des réseaux sociaux, raréfaction des ressources, évolutions technologiques, surprises géopolitiques… Et rappelons que, dans le processus, citoyens, entreprises ou communes seront consultés (entre décembre et février prochain) et que leur avis sera intégré aux lignes tracées en pointillés par les experts et les données recueillies.

Lors des journées à Belval, les experts internationaux ont d’ailleurs eu la parole. Et les thèmes ont été explorés et analysés, tantôt avec optimisme, tantôt avec froideur, pour « Identifier un axe de développement juste et sûr pour l’humanité et la planète » : résilience, risques, transitions, énergies, low-tech, limites planétaires, décroissance… On a parlé synergies possibles aussi, transversalité des politiques et bonnes pratiques, en matière d’économie du partage, de coopération, de mobilité ou d’aménagement du territoire.

Et les avis semblent converger sur plusieurs points. Une approche prospective a une plus-value évidente dans la préparation de nos sociétés et de nos économies à des futurs possibles. Et, vu des intervenants extérieurs, le Luxembourg a peut-être plus de chances que d’autres de réussir une transformation raisonnée vers une économie résiliente, voire un modèle exemplaire.

Alain Ducat
Photos : MECO/Shutterstock

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Publié le lundi 24 octobre 2022
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