
Transition énergétique : 70 % des entreprises de la Grande Région engagées
70 % des dirigeants de la Grande Région francophone ont défini des objectifs de transition énergétique. Pression client, innovation technologique et anticipation des coûts façonnent une dynamique nouvelle, où performance économique et responsabilité environnementale convergent.
Les entreprises de la Grande Région francophone affichent une maturité croissante face aux enjeux climatiques. Une enquête exclusive menée par Picto Communication, avec le soutien d’Enerdeal, IMS Luxembourg, Agoria, ELN et Intraco Consulting, révèle que 70 % des dirigeants ont fixé des objectifs de transition énergétique. Parmi eux, 42 % disposent déjà d’une feuille de route claire et formalisée, tandis que 28 % sont en phase de structuration.
La pression client, moteur inattendu du changement
L’un des résultats les plus marquants de l’étude réside dans l’origine des pressions qui poussent les entreprises à agir. Contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les régulateurs ni les investisseurs qui orientent le plus la transition, mais bien les clients. Avec 45 % des réponses, la demande du marché dépasse largement les collaborateurs (20 %), les actionnaires (17 %) et les régulateurs (14 %). Les banques et financeurs, souvent perçus comme acteurs clés via les critères ESG, n’arrivent qu’en dernière position (9 %).
« Cette hiérarchie des pressions révèle que le marché pousse plus efficacement que la réglementation vers la transition énergétique », explique François Neu, General Manager d’Enerdeal Luxembourg. « Les clients votent avec leur portefeuille pour des solutions plus vertes. »
Une dynamique constructive confirmée
Pour François Neu, cette étude vient aussi clarifier une perception personnelle :
« Depuis plusieurs années, j’entends des discours très positifs de la part de nos clients – des CFO, CEO, COO – qui élaborent des stratégies claires de transition énergétique. Ce discours est parfois en décalage avec ce que l’on entend dans les médias, sur les réseaux sociaux ou dans certains discours politiques. Nous avons voulu objectiver ces impressions par une enquête représentative dans la Grande Région. »
François Neu, General Manager d’Enerdeal Luxembourg
Les résultats montrent en effet une structuration progressive : 16 % des entreprises sont encore en cours de définition de leurs objectifs, et seules 14 % n’ont pas encore entamé la démarche. Parallèlement, 75 % des dirigeants anticipent une hausse du prix de l’énergie dans les dix prochaines années, dont un tiers prévoit une forte augmentation. Pour 55 % des répondants, une hausse supérieure à 50 % mettrait en péril leur activité.
Quand rentabilité et climat s’alignent
L’étude illustre aussi un basculement dans les priorités entrepreneuriales. La maîtrise budgétaire à moyen et long termes (58 %) devance désormais la réduction des émissions de CO₂ (47 %). Cette hiérarchisation traduit une approche pragmatique, où rentabilité et durabilité avancent de concert. L’image RSE (23 %) et la réduction des coûts (44 %) jouent également un rôle central, confirmant que la durabilité devient un levier de compétitivité pour 77 % des entreprises.
« La participation de plus de 106 organisations entre juillet et septembre 2025 permet de dresser un panorama solide. La majorité des répondants appartiennent à la direction générale (53 %), ce qui donne un poids décisionnel fort aux résultats. Nous constatons que la pression vient d’abord des clients et des collaborateurs, bien plus que des banques ou des actionnaires. Les priorités affichées – budget et CO₂ – montrent que l’économie et l’écologie ne sont plus perçues comme antagonistes. »
Frédéric Liégeois, fondateur et directeur de Picto, et coordinateur de l’enquête
L’innovation comme levier décisif
L’innovation technologique se confirme comme outil majeur pour réussir la transition. Près de la moitié des entreprises (48 %) misent sur l’intelligence artificielle pour optimiser leurs performances énergétiques, et 37 % l’intègrent déjà dans leurs objectifs à moyen terme.
La mobilité électrique connaît également une progression rapide : 66 % des entreprises ont engagé l’électrification de leur flotte, dont 35 % ont déjà électrifié plus de la moitié de leurs véhicules. Les principaux freins restent l’autonomie des batteries (49 %) et les coûts (34 %).
Des ambitions chiffrées et différenciées
L’étude met en évidence des ambitions concrètes :
- 37 % des entreprises visent une réduction d’environ 10 % de leur consommation d’énergie dans les trois prochaines années,
- 11 % ambitionnent jusqu’à 20 % de réduction sur la même période,
- 20 % des plus volontaristes visent plus de 30 % de réduction des émissions de CO₂ d’ici cinq ans.
Ces objectifs s’accompagnent d’attentes vis-à-vis des pouvoirs publics. 60 % des dirigeants privilégient des incitations financières a posteriori, plutôt que des subsides préventifs. La logique est claire : valoriser les résultats atteints plutôt que financer les démarches initiales.
Une gouvernance énergétique en mutation
La transition énergétique s’installe désormais au cœur de la gouvernance. Dans 53 % des cas, la direction générale pilote directement ce sujet. Le reporting environnemental se professionnalise également : 57 % des entreprises réalisent un bilan carbone et 50 % s’appuient sur des certifications reconnues comme ISO ou BREEAM.
« Les résultats de cette enquête témoignent de la maturité croissante du tissu entrepreneurial régional face aux enjeux climatiques, où performance économique et responsabilité environnementale convergent vers un modèle d’entreprise plus résilient. »
Frédéric Liégeois, fondateur et directeur de Picto
Ceratizit : la durabilité comme moteur industriel
A la suite de la présentation de cette enquête, Frank Thomé, membre du Directoire de Ceratizit, a présenté son entreprise et les nombreuses actions mises en place pour réduire leur empreinte carbone. « Nous sommes un groupe industriel spécialisé dans le carbure de tungstène (7.000 collaborateurs, 30 usines mondiales). Nous avons fait de la durabilité un pilier stratégique. Dès 2019, l’entreprise a choisi d’anticiper les Accords de Paris en visant la neutralité carbone dès 2040, soit dix ans avant l’échéance internationale. »
Entre 2020 et 2025, Ceratizit a déjà réduit de 35 % son empreinte carbone, sur une base de 300.000 tonnes de CO₂. « La société a développé un outil de calcul certifiable ISO permettant de mesurer l’empreinte carbone de chaque produit et d’offrir à ses clients une totale transparence.
La circularité est au cœur de la stratégie : 95 % du tungstène utilisé provient désormais du recyclage, réduisant les émissions de 15 à 60 fois par rapport au minerai brut. Ceratizit propose ainsi des produits 100 % recyclés, avec une empreinte carbone 85 % plus faible que les standards du marché. »
L’entreprise investit aussi massivement dans l’énergie verte – photovoltaïque, hydrogène vert via le projet LuxHyVal – et continue de renforcer son attractivité auprès des talents et de ses clients. Pour Ceratizit, la durabilité est une opportunité économique, environnementale et humaine.
Changements de priorités
La soirée de présentation de la grande enquête s’est clôturée par une table ronde à laquelle ont participé Nancy Thomas (IMS), Frank Thomé (Ceratizit), Samuel Gillessen (Klima-Agence) et Baptiste Fosséprez (PEPITe).
D’un avis général, contrairement à certaines affirmations politiques ou médiatiques, la transition énergétique reste une priorité pour de nombreuses entreprises. Les attentes du public sont fortes, et les crises climatiques récentes renforcent la pression pour agir.
Au Luxembourg, des ateliers menés par le ministère de l’Environnement ont réuni des dizaines d’entreprises, confirmant une réelle mobilisation. Si la transition passe parfois au second plan derrière la compétitivité, elle demeure essentielle pour renforcer la résilience, notamment face à l’instabilité des prix de l’énergie depuis la guerre en Ukraine. Pour les industriels, la variabilité des coûts représente un risque majeur pouvant menacer leur survie.
Les approches divergent selon les régions : ralentissement aux États-Unis pour des raisons politiques, mais accélération en Chine grâce à des investissements massifs dans les renouvelables. Partout, l’argument économique supplante désormais le discours culpabilisant : la transition s’impose quand elle améliore la rentabilité et la compétitivité. L’intelligence artificielle joue ici un rôle, capable d’optimiser les procédés industriels et de générer des gains énergétiques significatifs.
Enfin, la RSE devient un levier stratégique d’attractivité, notamment pour les jeunes générations, et un facteur de différenciation durable pour les entreprises.
Sébastien Yernaux
Photos : Enerdeal