Se mobiliser pour une meilleure mobilité
La troisième séquence du cycle de lunch-debates « Decarbonise Now ! », organisé par Plaidons Responsable by Caritas Luxembourg, était consacrée à la pierre angulaire de notre décarbonation : la mobilité.
Fruit d’un partenariat avec le Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST), le ministère de la protection des consommateurs, le ministère de la coopération internationale, Greenpeace et Infogreen ; le cycle de lunch-debates a pris ses quartiers à la House of Startups. Il entend proposer des solutions concrètes de décarbonation, à court et moyen terme, en s’appuyant sur les données scientifiques des chercheurs du LIST.
Après les chapitres consacrés à la décarbonation de l’énergie et à la décarbonation des biens de consommation, place aux transhumances modernes, périodiques ou quotidiennes.
En 2019, l’empreinte carbone moyenne d’un luxembourgeois s’élevait à environ 13 tonnes de CO2 équivalent (par personne et par an), ce qui en fait l’un des plus mauvais élèves du continent. La faute en incombe d’abord à ses transports, premier pourvoyeur de gaz à effet de serre (hors GES importés).
La mobilité représente le défi premier du Grand-Duché dans sa course aux objectifs de l’Accord de Paris sur le climat, du Green Deal européen et de son propre Pacte Climat. Ce dernier vise, entre autres, une diminution de 55% des gaz à effet de serre d’ici 2030.
« En 2050, pour s’aligner sur l’objectif de +1,5°C, il faudrait que chaque luxembourgeois passe de 13 tonnes à 1 à 2 tonnes d’équivalent CO2 (sur base d’une répartition des émissions de GES de manière égale sur la population mondiale). »
Émissions de gaz à effet de serre : l’effet papillon à répétition
En préambule, une courte présentation d’actions menées au Bangladesh par Caritas tisse le lien entre l’impact carbone des pays développés et les bouleversements climatiques dans des zones de grande précarité. Des effets papillons qui se multiplient de façon exponentielle…
Hannah Lam de Caritas précise néanmoins qu’il ne s’agit en rien de faire jouer le ressort de la culpabilité mais de faire appel à la responsabilité de chacun dans son lien de causalité.
Fruit d’un travail d’Elorri Igos (LIST) et de Thomas Gibon (LIST) qui assurent eux-mêmes des présentations accessibles et rythmées, l’opus dédié à la mobilité rappelle d’abord quelques réalités de l’état des lieux.
Freiner le réchauffement climatique autour de +1,5°C
Un engagement fort avec des efforts extrêmes nous permettrait de limiter le réchauffement climatique entre +1,5°C et +2°C. Des efforts même modérés ne stabiliseraient pas le réchauffement sous la barre des 2°C.
Pour Thomas Gibon, « les pôles et les forêts tropicales sont d’ailleurs déjà entrés dans un scénario à +1,5°C et en subissent les conséquences ».
Aussi lointaines soient ces régions, le Luxembourg n’échappera pas aux effets du dérèglement climatique. Les effets papillons ne tarderont pas à se faire ressentir au-delà du Bangladesh et des zones géographiques atteintes en amont. Les projections du LIST laissent entrevoir des périodes de sécheresse prolongées au printemps comme en été, et des risques accrus d’inondations en hiver.
La route, un colosse au pied de carbone
Au Luxembourg, la voiture monte sur la plus haute marche du podium de l’empreinte carbone moyenne. Elle représente 2855 kg de CO2 équivalent par personne et par an. En comparaison, le train et le bus réunis cumulent 220 kg de CO2 équivalent par personne et par an.
« L’essentiel des émissions de gaz à effet de serre liées au transport sont dues aux routes. Au Luxembourg, comme sur l’ensemble de la planète. »
L’électrique, une réponse éclair mais provisoire
Quelle est la solution à court terme ? L’électrification du parc automobile. Est-ce une solution absolue et dogmatique ? Thomas Gibon concède : « les véhicules électriques sont ceux qui émettent le plus de GES lors de leur fabrication, spécialement en raison de leur batterie. » La production et la fin de vie des véhicules électriques entrent pour moitié dans leur empreinte carbone.
Oui, mais. Par véhicule, au km, le moteur thermique essence atteint 276 g d’émissions de CO2 équivalent. 131 g de CO2 équivalent pour une voiture électrique. Une autre donnée vient amplifier la comparaison. Les émissions liées à l’approvisionnement en électricité décroîtront à mesure que le réseau électrique se décarbonera.
Si l’on excepte l’Estonie, plombée pour le moment par son alimentation en combustible ; pour tous les pays européens, le constat est le même : les batteries électriques émettent moins de carbone, même en rapport de l’électricité qu’elles consomment (production, approvisionnement en combustible, émissions directes, maintenance et fin de vie).
« L’impact au kilomètre est directement lié à l’intensité carbone du mix électrique. L’électrification directe avec des véhicules à batterie est le moyen le plus efficace de ’rouler électrique’. L’hydrogène et l’e-fuel sont beaucoup moins efficaces et n’ont de sens que si l’on dispose d’une abondance de carburants à faible teneur en carbone. Or, ce n’est pas le cas. »
Aujourd’hui, le meilleur moyen de réduire son empreinte carbone est de passer de l’essence à l’électrique. La réduction est d’en moyenne 1500 kg de CO2 équivalent par personne et par an.
Une décarbonation « d’urgence » passe irrémédiablement par la transition électrique des transports, et ce, même si la batterie électrique requiert la plus grande consommation de minéraux et de métaux.
Important : le moteur diesel n’est pas plus vertueux que le moteur essence. Les rejets d’oxyde d’azote, Nox (monoxyde d’azote et dioxyde d’azote) émis principalement par les véhicules diesel ont causé plus de 11 000 morts prématurées en 2015 au sein de l’UE (étude Anenberg, Miller etc. 2017).
Un avion sans grande réaction
Selon les chiffres du LIST, l’effet total des voyages aériens sur le réchauffement climatique est au moins deux fois supérieur à celui des émissions de CO2 provenant de la combustion des carburants, en raison notamment de l’effet de réchauffement des traînées de condensation, les traits blancs que vous avez sûrement déjà observés dans le sillage des avions.
Comme vous pouviez vous y attendre, les transports en commun terrestres représentent la meilleure alternative. Le train affiche les meilleures émissions de CO2 (en kg CO2) par heure de transport. 0,56 kg de CO2 par heure de transport contre 90 kg en moyenne pour l’avion. Un ciel d’écart.
Un marché de l’automobile qui marche sur la tête
Alors que le bon sens d’une décroissance des émissions réclame une utilisation accrue des petites voitures ou des citadines, le marché automobile européen et ses consommateurs ne semblent guère s’en préoccuper.
Entre 2001 et 2021, les ventes des mini voitures sont restées stables quand celles des petites voitures ont diminué pour représenter, en 2021, entre 15 % et 20 % des parts de marché des 27 membres de l’Union européenne. Dans le même laps de temps, les parts des SUV et des 4X4 déclinent à peine pour constituer en 2021, 70 % du marché commun unique.
L’allègement, en vogue chez les constructeurs automobiles consiste à remplacer l’acier par de l’aluminium, du magnésium ou des plastiques renforcés de fibres de carbone. Cette pratique n’offre pas une réduction de l’empreinte carbone significative, en raison de l’augmentation des émissions de la chaîne d’approvisionnement des véhicules. Un coup dans l’eau. La réduction du volume du véhicule est le seul levier probant.
La moitié, pas le double
Pour aligner le Luxembourg sur les objectifs de l’Accord de Paris sur le Climat, le parc de véhicules privés devrait passer de 400 000 à 200 000 unités. Au lieu d’augmenter à 800 000…
Cela signifie revenir à environ 0,2 voiture par personne, comme en 1976. Thomas Gibon illustre alors son propos par une photo de la Grand rue cette année-là, parsemée de quelques 4 roues, avant sa piétonnisation en 1979. Deux époques, deux mobilités. La marche arrière s’apparente quelquefois à une marche en avant, comme le consacre cette expression « reculer pour mieux sauter ».
Comment réduire l’empreinte carbone de votre conduite quotidienne ?
- Privilégier les petites voitures, du moins, adapter votre véhicule à vos besoins
- Éviter autant que possible les accessoires (remorques, coffres de toit, etc.)
- Ne pas utiliser les modes de conduites tels l’Eco-driving, pour leur préférer une conduite responsable (vitesse stable, limitée, sans accélération dans les montées, etc.)
- Restreindre la climatisation
- Changer les comportements de charge des véhicules hybrides plug-in
La mobilité est aussi une question d’urbanisme
Au travers de photographies aériennes de grandes villes comme Barcelone ou Phoenix, le locuteur dessine les contours du problème d’un urbanisme taillé pour la mobilité individuelle et motorisée.
Il poursuit en expliquant que ce n’est pas qu’une question de transition de la mobilité en elle-même, mais également : « à quelle vitesse nous sommes capables de changer l’environnement dans lequel nous vivons ».
Quel profil avez-vous pour quel impact carbone ?
Il vous sera aisé de vous situer dans les 5 profils et de considérer à sa juste valeur votre impact carbone.
Des solutions de décarbonation simples à la portée de chacun
Quelles sont les mesures que je peux prendre immédiatement pour participer à réguler le réchauffement climatique ?
- Opter pour le vélo au lieu de la voiture pour des distances inférieures à 5 km (baisse des émissions de 220 kg de CO2 équivalent par an)
- Prendre le train à la place de l’avion pour les vacances. « La position centrale du Luxembourg en Europe facilite ce choix » (670 kg de CO2 annuel économisés)
- Le covoiturage (750 kg de CO2)
- Passer de la voiture diesel à la voiture électrique (1.500 kg de CO2)
- Remplacer la voiture par le train pour les déplacements domicile-travail (1.780 kg de CO2)
Quand une question fuse à l’intention de Thomas Gibon pour connaître son TOP 3 des dispositions les plus efficaces à prendre localement et rapidement, il propose des prescriptions moins convenues :
- TOP 1 : accroître le télétravail
- TOP 2 : le covoiturage
- TOP 3 : l’électrification des flottes de véhicules professionnels
Il n’occulte pas pour autant cette perspective : si le Luxembourg devait, dès demain, remplacer l’intégralité des voitures thermiques par des voitures électriques, le réseau ne pourrait le supporter.
Le mot de la fin se devait de revenir à la sagacité du conférencier :
« Le futur de la voiture est électrique, mais la voiture, ce n’est pas le futur. »
Le 4e et avant-dernier épisode du cycle de déjeuners-débats, « Decarbonise Now ! Housing » se tiendra le mercredi 7 juin, de 12h00 à 14h00, à la House of Startups de Luxembourg-Ville. Il se concentrera sur l’autre grand émetteur de gaz à effet de serre : le logement. L’inscription est simple, gratuite, ouverte à tous, il vous suffit de cliquer ICI.
Dès à présent, vous pouvez également vous inscrire pour le 5e et dernier volet de cette série d’intérêt général, « Decarbonise Now ! Food » le mercredi 28 juin, toujours gratuit, toujours de 12h00 à 14h et toujours à la House of Startups.
Sébastien MICHEL
Photos : Caritas Luxembourg