« Quel consommateur voulons-nous être ? »

« Quel consommateur voulons-nous être ? »

Lët’z Refashion, le concept store by Caritas au cœur de Luxembourg, vient d’être inauguré. La démarche de ce magasin pas comme les autres s’inscrit dans une sensibilisation plus générale, très engagée pour une société plus équitable. Rencontre avec Ana-Luisa Teixeira, coordinatrice de projets chez Caritas Luxembourg.

Lët’z Refashion s’inscrit dans le programme Rethink Your Clothes, et c’est aussi un élément de la lutte que mène Caritas contre les injustices sociales et en faveur de la planète. L’industrie textile est particulièrement ciblée, pourquoi ?

« J’ai grandi au Portugal. Les cours de couture et de broderie faisanet encore partie du parcours scolaire à l’époque. Mais les droits sociaux n’existaient pas encore. Cela semble révolu de ce côté-ci de l’Europe. Mais aujourd’hui, les jeunes du monde entier doivent à nouveau sortir dans la rue, et ils ont placé l’urgence climatique et les injustices sociales au cœur du débat public. La mode y a sa part de responsabilité. On estime que 1,2 milliard de tonnes de carbone sont libérées uniquement par l’industrie textile ! C’est plus que tous les vols internationaux et le transport maritime combinés.

La Fast Fashion a mis en place un modèle de croissance qui exige une production rapide, symbole des excès de la mondialisation et de la délocalisation ; la maximisation des marges met sous pression les employés des usines et fait ignorer le plus souvent les coûts sociaux et environnementaux.

Cette industrie-là porte préjudice à notre environnement et aux droits humains, aux générations futures et en particulier aux populations les plus vulnérables. »

Comment en est-on arrivé à cet espace ?

« La campagne Rethink Your Clothes, menée conjointement avec Fairtrade, joue un rôle très important. Il s’agit de sensibiliser la population aux problèmes sociaux et environnementaux de l’industrie textile. Et de susciter, au Luxembourg, une demande et une consommation plus éthiques et durables de la mode. En 2018, au début de cette campagne, nous avions produit un court métrage qui a gagné le prix Best Documentary Screenplay au Shorts International Film Festival en Inde. Le film s’affiche jour et nuit dans notre vitrine et il fait encore partie de nos ateliers dans les Lycées.

L’espace Lët ‘z Refashion s’inscrit dans le fil de ces actions. J’aimerais saluer ceux qui l’ont rendu possible. D’abord une personne qui a soutenu l’idée et s’est impliquée dans ce projet : le regretté Andreas Vogt, ancien Directeur de Caritas Accueil et Solidarité…. Puis il a fallu une équipe compétente, engagée et passionnée par son travail : Sophie Garnier, Sophie Joly et Michelle Schmit. Et je tiens aussi à remercier, pour sa confiance, le nouveau directeur en place, Marc Crochet ».

Comment voyez-vous cet espace Lët’z Refashion ? Comme un espace militant ?

« Oui. Il ne s’agit pas de culpabiliser les consommateurs mais plutôt de poser les questions : quelle société souhaitons-nous, et quel consommateur voulons-nous être ? Un être passif soumis sans cesse à une multitude de publicités qui créent de nouveaux ‘’besoins’’ ? Ou un citoyen informé et conscient des conséquences de ses achats, un consommateur acteur et responsable ? C’est aussi sur cette base de réflexion qu’une collaboration avec le ministère de la Protection des Consommateurs se développe et devrait se concrétiser dans les mois à venir.

Lët’z Refashion avait ouvert quelques semaines avant l’inauguration officielle. Un premier bilan ?

« Depuis l’ouverture, il y a 2 mois, nous avons un minimum de 50 visiteurs par jour, pour la majeure partie d’entre eux prêts à écouter nos messages. Nous avons vendu presque 250 pièces et plus de 200 personnes se sont inscrites pour participer à nos ateliers. C’est un début de succès. Cela montre que les citoyen-ne-s sont réceptifs. Cela montre aussi le réel potentiel de développer une économie locale, circulaire et plus juste. Cela se dessine peu à peu.

Ouvert à tous, Lët’z Refashion by Caritas rassemble les initiatives et les solutions pour une mode plus éthique et durable en présentant des vêtements upcyclés par des créateurs locaux, une sélection de vêtements de seconde main, des vêtements labellisés Fairtrade… et toute initiative qui va dans le sens d’une économie circulaire. Dans notre démarche de sensibilisation, nous informons aussi les visiteurs sur les problèmes écologiques et éthiques de l’industrie textile. Nous formerons également bientôt à la couture et à l’upcycling. En fait, dans ce format attrayant de concept store, nous concentrons sur une même surface la création, la sensibilisation et la formation ».

Propos recueillis par Alain Ducat
Photos : Caritas Luxembourg

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Publié le mercredi 29 septembre 2021
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