Processus de transformation majeure

Processus de transformation majeure

Visions économiques, croissance démographique, responsabilité individuelle et sociétale, objectifs carbone… Les défis s’annoncent chauds comme le climat.

« De toute évidence, nous entrons dans un processus de transformation majeure et le futur immédiat fera obligatoirement figure de multiples révolutions. Dans la mesure où ces processus sont enclenchés, il n’y a pas de recul possible (…) Les entreprises et les individus devront assumer leur part de responsabilité ; mais la société qui les porte devra jouer son rôle et tenir son rang (…) Si l’humanité comprend et accepte que pouvoir et responsabilité vont de pair, l’utopie est à sa portée. (…) Compte tenu de l’existence de réponses institutionnelles, théoriques et scientifiques aux graves problèmes à résoudre, compte tenu du coût (de l’ordre de 6000 à 10 000 milliards de dollars sur 10 ans) somme toute maîtrisable des investissements nécessaires à la transition vers une économie bas carbone, compte tenu de la dépendance des géants du numérique aux infrastructures publiques, compte tenu de la pression des plus jeunes et du renouvellement des générations en politique et dans les entreprises, il est encore permis de rêver ».

On trouve ces quelques phrases dans un récent ouvrage : ‘’Le temps des Crises’’, édité par la Section des Sciences morales et politiques de l’Institut grand-ducal, est un essai co-écrit par Jean-Jacques Rommes, juriste, ex-directeur de l’ABBL (association des banques) et ex-« patron des patrons » luxembourgeois (administrateur délégué de l’UEL), d’une part, et Michel-Edouard Ruben, économiste à la Fondation Idea, auteur parfois iconoclaste aussi.

Modèle luxembourgeois ou Luxembourg modèle ?

Au fil des 187 pages, on trouve nombre de constats, concepts, scénarios et suggestions, aux confins raisonnables des visions, parfois très différentes mais pas inconciliables, des deux auteurs.

Sous des dehors parfois badins, on retrouve des aspects cinglants, économiquement imparables, politiquement incorrects et inversement. « La place financière a un rôle de premier plan à tenir dans le financement mondial des investissements nécessaires pour accompagner la transition énergétique et permettre d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 », lit-on notamment. « Le grand-Duché pourrait servir de modèle en s’engageant à prendre en considération les compétences réelles au sujet des défis climatiques, au moment de nommer ses représentants dans les conseils d’administration des établissement publics et des entreprises privées ».

Cela étant, les auteurs croient moins dans la « décroissance » ou la « sortie du capitalisme » que dans une « réorganisation du village global ». « Pour réussir au niveau local une refondation du contrat social, il faudra négocier un nouvel ordre – économique, social, technologique, climatique – international, à même de prendre le relais de l’ordre multilatéral post-1945 ».

Réalités locales pour empreinte carbone

La réalité du Luxembourg peut s’avérer contraignante. « Le fait que le pays connaisse une croissance démographique aussi soutenue n’est pas neutre sur le plan des objectifs climatiques », souligne l’économiste Vincent Hein, dans un édito récent pour la Fondation Idea.

Il y a, d’une part, les objectifs : celui qui visait pour 2020 une baisse des émissions de gaz à effet de serre de 20% par rapport au niveau de 2005 a été atteint au Luxembourg, avec le coup de pouce de COVID-19 qui a réduit considérablement les activités humaines. « Mais une forte accélération de l’effort est attendue d’ici à 2030. La comparaison est impressionnante : depuis 2005, les émissions baissaient en moyenne de 0,7% par an (en excluant l’année 2020), alors que le plan climat national ambitionne un recul moyen des émissions de plus de 6% chaque année entre 2021 et 2030. Cette accélération de la trajectoire apparaît d’autant plus ambitieuse que les années 2017, 2018 et 2019 étaient marquées par un retour de la hausse des rejets carbonés au Luxembourg ».

D’autre part, la croissance démographique quasi galopante a des influences mathématiques. « Quand les émissions totales n’ont baissé que de 0,7% par an en moyenne de 2005 à 2019, les émissions par tête ont reculé de 2,7% l’an, passant de près de 22 tonnes équivalent CO2 (teCO2) par habitant à 15 (…) La perspective d’une forte dynamique démographique, qui pourrait déboucher sur un Luxembourg à 760.000 habitants en 2030, revient à comprimer les émissions par tête de l’ordre de 8% par an entre 2021 et 2030, pour les amener autour de 6 teCO2 par tête. Cela représente un triplement du rythme de baisse observé depuis 2005 ».

Vincent Hein souligne : « Vu les projections démographiques d’Eurostat et les objectifs nationaux en discussion depuis le rehaussement des objectifs en juillet dernier, il s’agit là – et de loin – du plus important effort attendu en comparaison européenne ».

Il faudra tenir compte des « estimations à venir de l’empreinte carbone, réellement liée aux ‘’modes de vie’’ et de ‘’production’’ des entités résidentes. Le défi s’annonce (vraiment) considérable », conclut l’économiste.

Alain Ducat
Photos-illustrations : Fondation IDEA / Institut Grand-Ducal
Article tiré du dossier du mois « Transmission en mouvement »

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Publié le jeudi 24 mars 2022
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