Objectif 2050 : c'est loin et proche à la fois

Objectif 2050 : c’est loin et proche à la fois

L’énergie était au cœur du 1er rendez-vous de la nouvelle série des « lunch-debates » organisés par Ana-Luisa Teixeira et les équipes de Plaidons Responsable by Caritas. Thomas Gibon (LIST) a mis en avant les grands objectifs qui nous attendent d’ici 2050 pour préserver notre planète. Le challenge n’est pas triste.

Ce n’est un secret pour personne. Si nous souhaitons évoluer dans un monde sain et durable, chacun doit prendre ses responsabilités pour adapter notre quotidien afin de préserver le monde qui nous entoure. Il ne faut pas se mentir, l’homme est évidemment responsable de l’impact négatif sur la planète, et notamment le changement climatique.

Selon une étude, si nous arrêtions subitement d’émettre tout gaz à effet de serre, il faudrait malgré tout des centaines d’années pour que la concentration de ces gaz dans l’atmosphère retombe aux niveaux d’avant l’industrialisation. Or, ce n’est pas demain la veille que les usines vont mettre la clé sous le paillasson.

Thomas Gibon, Research & Technology Associate au LIST, était l’orateur invité par Plaidons Responsable by Caritas pour exposer, à l’assemblée, son point de vue sur l’évolution de la gestion de l’énergie, notamment au Luxembourg. « L’évolution est satisfaisante, dans le sens où le Luxembourg avance sur les 3 leviers de la décarbonation à savoir l’intensité carbone de l’énergie. Le Luxembourg fait beaucoup pour développer les sources renouvelables. Nous sommes le 5e pays d’Europe en capacité de solaire installée par habitant. Ensuite l’efficacité énergétique. C’est un axe important de la politique énergétique luxembourgeoise, illustré notamment par la réglementation sur la performance énergétique des nouveaux bâtiments, relativement stricte comparée aux autres pays européens. Enfin, la
sobriété. Avec la crise de l’énergie, la notion de sobriété s’est maintenant imposée et fait l’objet de certaines mesures, par exemple la Stratégie nationale de réduction de la demande d’énergie.
 »

En termes d’empreinte carbone, le Luxembourg fait des efforts mais n’est pas le meilleur élève de la classe pour autant. Avec 13 tonnes CO2eq par personne et par an mesurées en 2019, l’emprunte grand-ducale est plus élevée que celle de ses voisins (Allemagne, 11 tonnes - France et Belgique, 8,6 tonnes). La raison principale est que le Luxembourg est un pays riche et que ses habitants sont plus susceptibles de posséder de grandes maisons, plusieurs voitures ou encore de prendre l’avion au moins une fois par an.

Le défi est donc important en vue de l’horizon 2050 puisque, pour s’aligner sur l’Accord de Paris signé en 2015 visant à limiter le réchauffement climatique à 1,5°, il faudrait que chaque personne ait une empreinte carbone annuelle de 1 à 2 tonnes d’équivalent CO2. Thomas Gibon est optimiste, mais également réaliste. « Nous observons que les changements actuels sont ceux qui n’altèrent pas nos comportements (électrification du parc de véhicules, des modes de chauffages, …). Ce sont les plus faciles à mettre en place. Si on veut tenir nos objectifs de limiter le réchauffement en-deçà des 2 degrés d’ici 2050, changer nos comportements sera inévitable, que ce soit au Luxembourg, en Europe, ou ailleurs dans le monde. Cela implique de modifier nos habitudes de mobilité, d’alimentation. Donc, notre mode de vie. Le principal défi est d’offrir un futur désirable afin que nous nous orientions naturellement vers des comportements bas-carbone. Je suis optimiste dans le sens où c’est faisable, mais je reste réaliste quant à l’ampleur de la tâche. Le plus compliqué reste à faire. »

Le Luxembourg sur la bonne voie

Un effort collectif est donc impératif, principalement dans deux domaines : les transports et le logement. « Au Luxembourg, les transports représentent la majorité de nos émissions de gaz à effet de serre, que ce soit en inventaire (= les ventes de carburants au sein du territoire) ou en empreinte (= la consommation des résidents). La voiture est aujourd’hui bien plus qu’un mode de transport, c’est un symbole, un marqueur social, mais c’est aussi environ 3 tonnes de CO2 par an par résident. Un plafond qu’il ne faudrait pas dépasser pour l’ensemble de nos activités sur une année. Il y a donc un vrai débat public à organiser autour de la place de la voiture à l’heure où nous devrions justement en réduire l’usage (qui augmente), et en diminuer le poids (qui augmente) et le nombre (qui augmente). Même les médias les plus libéraux commencent à se poser la question de la place du SUV dans le parc automobile. Et l’électrification ne sera pas suffisante, puisqu’à usage constant, on ne réduirait l’empreinte par personne de la voiture à une tonne, voire 1,5 t de CO2. La question de la sobriété et des modes de transport alternatifs doit être posée. »

Quant aux logements… « Le Luxembourg détient deux records européens : la surface habitable la plus élevée par personne (après Chypre, 131 m2), et le taux d’hydrocarbures dans le chauffage le plus élevé (79%), ce qui conduit mécaniquement à une empreinte carbone du chauffage élevée. Les actions à entreprendre sont d’améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments, et de remplacer les modes de chauffage fossiles, ainsi que d’intensifier l’usage des bâtiments. »

Certaines mauvaises langues diront que les efforts luxembourgeois sont déjà une bonne chose mais ne représentent qu’une goutte d’eau par rapport à des nations comme l’Inde, la Chine ou encore les Etats-Unis. Là encore, Thomas Gibon a son avis sur la question et met avant l’argument baptisé familièrement « à-quoi-bonisme » ou le « whataboutisme ».

« Il y a plusieurs contre-arguments. Tout d’abord, le Luxembourg et l’Europe héritent d’un passé très carboné, puisque notre révolution industrielle date de plus d’un siècle, ce qui fait qu’environ un quart du CO2 émis historiquement est européen et donc, une responsabilité importante. Ensuite, une part importante de notre empreinte carbone est à l’étranger (environ 1/3). Notre responsabilité s’étend donc au-delà des frontières luxembourgeoises. C’est même bien plus si on comptabilise les émissions de carbone liées aux actifs détenus/enregistrés/gérés au Luxembourg. Troisièmement, en tant que pays riche nous avons valeur d’exemple. Quel message envoie-t-on au reste du monde si on montre que même avec un capital important, on ne peut pas changer les choses ? Enfin, l’investissement dans les solutions bas-carbone bénéficie à tout le monde. L’Energiewende de l’Allemagne a permis de rendre le solaire et l’éolien abordables pour tous. Les efforts de quelques-uns, même des plus petits, peuvent donc bénéficier à tous. »

Le 2e lunch-débat est programmé le 19 avril (12h00-14h00), toujours à la House of Startups – The Big Bang, à Luxembourg. Il aura pour thème « Consumption Goods ». Pour obtenir plus d’informations et s’y inscrire gratuitement, cliquez ici.

Sébastien Yernaux
Photos : ©Infogreen

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Publié le lundi 3 avril 2023
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