
Management durable : pourquoi et comment s’y mettre ?
Toutes les entreprises sont concernées par les objectifs de neutralité carbone et jouent un rôle dans la réduction de l’impact environnemental global. En accompagnant les PME dans cette démarche, le groupe CDEC leur montre que l’adoption de pratiques durables peut devenir un levier de compétitivité et un moteur de changement à grande échelle.
Interview d’Alexis Sikora, directeur de l’IFSB, et Jean-Michel Ludwig, directeur général adjoint du CDEC.
Dans le cadre de la feuille de route construction bas carbone du CNCD (Conseil National de la Construction Durable) le CDEC intervient depuis début 2024 auprès de 25 entreprises au Luxembourg sur la collecte de données et la réalisation de bilans carbone pour les volets entreprise et chantiers de construction Quels constats tirez-vous de ce travail ?
Jean-Michel Ludwig : Une dizaine de bilans ont déjà été finalisés. Le principal constat est que, quelle que soit leur taille, les entreprises ne sont pas préparées à collecter et analyser des données environnementales. Cela pose un problème, car sans données fiables, il est difficile de dresser un état des lieux précis, de définir une stratégie ou d’identifier des axes d’amélioration.
Pourquoi est-il important qu’elles le fassent ?
JML : Un des grands défis est de faire comprendre aux entreprises que la gestion de la durabilité nécessite une approche structurée, au même titre que la gestion financière. Avec l’entrée en vigueur de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) en 2026 (reporting sur les données de 2025, les entreprises de plus de 500 salariés devront établir un reporting extra-financier, une exigence qui concernera progressivement les plus petites. Les sensibiliser dès maintenant à mettre en place des outils et à allouer des ressources (humaines) leur permettra non seulement de se préparer, mais aussi d’améliorer leur performance économique et leur compétitivité.
En quoi la collecte de données environnementales est-elle complexe pour les entreprises ?
Alexis Sikora : De nombreuses entreprises sont en transition vers la digitalisation mais n’ont pas encore pleinement intégré des outils comme les ERP. Celles qui ont franchi ce cap se sont soit dotées de solutions sur mesure, coûteuses mais parfaitement adaptées à leurs besoins, soit ont adopté des ERP standard pour centraliser leurs données. Cependant, ce processus reste un défi, notamment pour les PME, qui rencontrent souvent des difficultés à s’engager dans cette transformation digitale.
Comment aidez-vous vos entreprises membres à franchir ce cap ?
AS : Le groupe CDEC et l’IFSB ont engagé une transition digitale, intégrant notamment un ERP pour centraliser les données et optimiser leurs processus, ainsi qu’un nouvel outil pour gérer les formations des stagiaires de manière plus efficace. Ce processus, bien qu’exigeant en temps et en réflexion, nous permet de soutenir les entreprises dans leur digitalisation en partageant notre retour d’expérience, notamment lors de conférences comme les Meet & Build qui ont lieu tous les mois et où la digitalisation est une thématique transversale, ou via des formations adaptées.
Nous proposons aussi des formations sur la construction bas carbone et sur la CSRD, et menons le projet Coach Carbone, soutenu par le Fonds Social Européen, le ministère du travail et la Chambre des Métiers, qui vise à accompagner les PME dans la réalisation de leur bilan carbone et dans l’identification des mesures visant à diminuer leur impact environnemental.
Pouvez-vous détailler en quoi le programme Coach Carbone consiste ?
AS : Il repose sur trois axes : des conférences qui permettent de sensibiliser un large public aux enjeux du bilan carbone et à l’impact environnemental de leurs activités professionnelles, du coaching en entreprise qui permet aux participants de bénéficier d’une formation combinant théorie et accompagnement pratique pour faire émerger des solutions ciblées, et la mise à disposition d’un outil gratuit qui permet aux entreprises d’évaluer leurs émissions sur les scopes 1 (émissions directes) et 2 (énergie consommée) du bilan carbone.
Les frais d’inscription aux formations sont entièrement pris en charge par le FSE. De plus, pour chaque journée de formation, l’entreprise reçoit une aide de 135 euros par personne et par jour.
Ce projet permet de déclencher le déclic initial, essentiel pour amorcer cette transition. Une fois qu’elles sont informées et sensibilisées sur les enjeux économiques et écologiques, les entreprises se montrent souvent motivées et efficaces dans la mise en œuvre des changements.
Le manque de ressources n’est-il pas un frein pour les PME ?
JML : C’est une question de priorité. Dans les petites entreprises, les ressources sont souvent concentrées sur le cœur de métier, ce qui est normal, surtout dans le contexte de crise que nous connaissons dans le secteur de la construction. Cependant, il est essentiel que certaines personnes soient dédiées, au moins partiellement, aux activités liées au développement durable.
Cela deviendra une norme, et de plus en plus de donneurs d’ordre exigeront des informations sur le management de la durabilité, je pense notamment aux maîtres d’ouvrages ou encore aux organismes financeurs de projets. Les projets devront être durables, tout comme les entreprises qui les réalisent. De même, les jeunes talents portent de plus en plus d’attention à ces critères lorsqu’ils choisissent un employeur.
Quelle sera la place de l’intelligence artificielle dans la transition digitale ?
AS : En quelques mois, nous avons vu une accélération importante, et des outils comme ChatGPT sont désormais intégrés dans de nombreuses entreprises, devenant presque une norme. Ces technologies évoluent rapidement et induisent des changements d’habitudes. Je suis convaincu que les entreprises qui ne s’adaptent pas, en intégrant le digital et l’intelligence artificielle dans les deux prochaines années, risquent de perdre leur compétitivité sur le marché.
Notre rôle est d’offrir des formations et un accompagnement pour les aider à adopter ces nouveaux outils. Ce besoin ne concerne pas seulement le secteur de la construction, mais l’ensemble des activités économiques.
Propos recueillis par Mélanie Trélat
L’innovation comme vecteur de compétitivité
Le mot de Luc Meyer, ingénieur technique et directeur de Neobuild :
« L’innovation est la composante principale de l’ADN de Neobuild. Une gestion éclairée est indispensable pour transformer les idées novatrices en succès tangibles. Dans un contexte où l’innovation est un levier majeur de compétitivité, notre rôle est de créer un cadre propice à la créativité, d’encourager une prise de risque maîtrisée et de promouvoir une culture d’amélioration continue. Le management de l’innovation devient alors un atout stratégique et indispensable qui nous permet de développer et de déployer des solutions adaptées aux défis et aux ambitions de nos partenaires et clients.
L’open innovation est au cœur de cette démarche. Cette approche repose sur l’ouverture vers l’extérieur pour accélérer les processus d’innovation et enrichir notre écosystème. En collaborant avec des start-ups, des instituts de recherche, des offreurs de solutions, des organes publics, des clusters, etc., nous dépassons les limites des ressources internes pour exploiter au mieux les compétences et les idées de notre réseau externe de partenaires. Ce modèle collaboratif nous permet de codévelopper des produits, des services et des processus innovants, tout en optimisant les délais de mise sur le marché. Notre approche de l’open innovation repose sur la mutualisation des ressources et des compétences, renforçant ainsi l’efficacité de nos initiatives de recherche et développement.
Nous incarnons ce rôle de facilitateur telle une plateforme d’expérimentation dédiée à la construction durable. Nous mettons notre expertise technique et technologique au service des entreprises, auteurs/acteurs de projets, promoteurs, etc., tout en ouvrant nos portes et notre savoir-faire pour la cocréation, la coopération, le testing et la validation de nouvelles technologies et pratiques. Cette posture de guide nous permet de cultiver un écosystème dynamique où les acteurs du secteur se rassemblent pour identifier, tester et implémenter des innovations.
Dans ce cadre, la gestion des risques est essentielle. Prendre des risques de manière pondérée nous permet de tirer le meilleur parti des opportunités créatives, tout en respectant les réalités économiques et opérationnelles. Nous veillons à prioriser les projets à fort potentiel, en orientant judicieusement les ressources et en minimisant les risques d’échec(s). Cette stratégie se traduit par une mutualisation des risques avec nos partenaires, nous permettant de relever ensemble les défis techniques et financiers inhérents aux projets novateurs. Ainsi, nous accélérons la transformation du secteur autour de la construction durable, en assurant une sécurité accrue pour les investissements grâce au partage de compétences et de ressources ».