La transition du paradigme social

La transition du paradigme social

Le « Rapport Meadows » a 50 ans. Sa récente réédition reste critique : notre monde basé sur la croissance court à sa perte.

L’effondrement est une réalité, précise dans cet entretien le chercheur émérite Dennis Meadows, coauteur du texte. Pour lui, « vivre avec moins » est primordial.

Les idées du rapport de 1972 «  les limites à la croissance  », plus connu sous le nom de « Rapport Meadows » ou encore « Rapport au Club de Rome » n’ont pas été reprises ou très peu par les dirigeants. Ce rapport démontrait pour la première fois en 1972 que l’économie tel qu’on la connaît soit le capitalisme néolibéral, ne pouvait continuer à croître indéfiniment dans un monde fini.


« Le déclin de notre civilisation est inévitable » Dennis Meadows

Pourquoi ?

« Dans l’économie de marché, il n’y a pas de projet pour l’Humain » Bruno Colmant

Pour tenter de répondre à cette question, nous nous sommes intéressés entre autre, à l’article et à la série du podcast de la RTBF de Arnaud Ruyssen, qui traite du sujet et dont nous avons extrait certains passages.

D’après Kennett Bertrams :

Le néolibéralisme est une idée politique portée par une série d’intellectuel libéraux initiés à la fin des années 1930 et qui s’est développée après la fin de la 2e guerre mondiale.

Cette idée qu’il faut un nouveau libéralisme avec le marché comme valeur cardinal et un état veilleur pour en protéger le fonctionnement, va surtout s’imposer à la fin des années 70, début des années 80 au départ des USA et de la Grande Bretagne.

Ce mouvement est un mouvement réactionnaire aux politiques [*] d’État-providence menée depuis la fin de la 2e guerre mondiale.

Comment se manifeste alors concrètement ce Néolibéralisme ?

  • Par des politiques de rigueur budgétaire
  • Des réductions des dépenses publiques
  • Stimulation de l’offre via des allègements fiscaux
  • Des réductions de cotisation sociale
  • Promotion du libre échange et de la déréglementation
  • Favorisation au maximum de la concurrence et l’amélioration continue de l’efficacité du marché

Ce système Néolibéral va prévaloir sur le capitalisme libéral et s’étendre dans une bonne partie du monde. On peut le résumer de la manière suivante :

«  L’état veille au grain d’un marché toujours plus puissant  » Kennett Bertrams

Le modèle Néolibéral n’est-il pas en crise ?

Le modèle Néolibéral n’est-il pas en opposition, en collision frontale avec les défis majeurs d’aujourd’hui : la protection de l’environnement, la lutte contre le dérèglement climatique ou encore la résorption des inégalités devenues gigantesques dans certains pays développés ?

  • Crise énergétique
  • Crise climatique
  • Crise sociale

Est-il responsable des problématiques d’aujourd’hui ?

D’après Isabelle Ferreras : «  On peut dire que le modèle Néolibéral a aggravé, a accentué le problème…  »

Quel est le problème ?

  • Modèle de développement extractif
  • L’idée d’aller chercher des ressources, même des moyens Humains pour le tirer à son propre profit
  • Constitution d’institution (par ex. SA) qui permette à certain d’exploiter des ressources d’autrui, du bien commun comme : la planète, les travailleurs, pour générer un profit et se l’approprier légitimement.

En d’autre terme : le Néolibéralisme aggrave le problème en dépossédant les états et les citoyens de moyen d’agir et de réagir face à ce capitalisme extractif. On donne plus de place au Marché, pour réduire les moyens qu’à l’état de s’emparer des enjeux communs, ce qui aggrave le problème d’après Isabelle Ferreras.

D’après Bruno Colmant : «  le Néolibéralisme subordonne la nature, l’humain, l’état au fonctionnement des marchés financiers  »

« L’économie de marché est fondée sur le fonctionnement des marchés. Et les marchés fonctionnent par anticipation des flux. Ce qui veut dire que l’on négocie un marché sur le futur…  »

En d’autre terme : le Néolibéralisme équivaut au capitalisme d’aspiration du futur.

«  Nos élites conçoivent la croissance comme la solution à tous les problèmes  » Denis Meadows

Conséquences ?

  • Aujourd’hui en Europe, on constate l’incompatibilité du Néolibéralisme avec le maintien d’un état social
  • Le Néolibéralisme veut dépouiller l’état de quasi toutes ses fonctions dont la gestion des soins de santé, de l’éducation…
  • Les idées sont instrumentalisées par certain au profit de la conservation des pouvoirs existants
  • Une grande partie de la population ne se reconnaît plus dans le modèle économique d’aujourd’hui

Actions ?

  • Nous faisons face à un enjeu démocratique de fond c’est-à-dire la restauration d’une véritable démocratie comme condition sine qua none d’un changement vers un modèle qui remettrait l’état au centre du jeu
  • Avoir une réflexion ouverte au sein de chaque pays pour déterminer le projet de société futur et déterminer les choix en réponse au marché
  • Il faut un consensus citoyen (démocratique)
  • Créer une communauté politique mondiale, nécessaire pour faire émerger un modèle démocratique

Comment ?

«  Il est impossible de comprendre le débat sur les limites à la croissance sans réaliser à quel point celle-ci est bénéfique à court terme aux pouvoirs en place. Cela leur donne de la puissance politique et de la richesse financière. Lorsque quelqu’un propose une alternative, ils pensent donc instinctivement que cela leur fera perdre leur pouvoir et leur richesse. Et bien évidemment, ils y résistent. Beaucoup de dirigeants ont lu les Limites à la croissance, et l’ont perçu comme juste  » Denis Meadows

  • Croire aux stratégies de résilience locales pour pouvoir continuer à vivre malgré les chocs et les surprises (exemple : créer des réseaux cyclables à grande échelle, politique de gestion des ressources en eau douce, stratégie énergétique, politique de gestion du bâti et de l’urbanisme…)
  • Actions locales et citoyennes : soutenir l’engagement social et individuel, acteur du changement
  • Création de synergies entre acteurs locaux : citoyens, politiques et entreprises (soutenir et développer l’artisanat local, soutenir l’agriculture locale par des modèles de financement [**]CSA par exemple, soutenir l’économie circulaire …)
  • Sensibiliser, informer, mise en place de stratégies participatives et citoyennes
  • Soutenir les entreprises qui s’engagent dans la réflexion et la mise en place d’un management durable
  • Mise en place d’une stratégie mondiale d’un mode de vie durable
  • (…)

Le futur ?

Comme piste de réflexion et en guise de conclusion, nous aimerions vous partager une partie des propos tenu par Bruno Colmant dans l’article de La Libre « Combattons l’affaissement du sentiment européen », qui nous semble tout à fait d’à-propos et complémentaire.

«  Devant ces inquiétudes, il ne faut pas sombrer dans le pessimisme ou l’accablement. Si, face à l’obsolescence désastreuse d’une discipline individuelle au service de l’intérêt général, le monde occidental traverse une véritable crise morale, alors le temps nous est compté. Il faut réengager les citoyennes et les citoyens dans un contrat social solidaire, car ce qui est en jeu, c’est la paix et la bienveillance sociales. Nous ne parviendrons pas à vivre dans des mondes hermétiques. Il faut ouvrir nos esprits individuels et le débat sociétal avec une vision profondément humaniste. Nos gouvernants doivent écouter les malaises populaires et agir de manière apaisante plutôt que de s’étourdir dans des tourbillons médiatiques narcissiques et cacophoniques. Il s’impose de quitter l’immédiateté pour un projet de société  ».

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Sources

Reporterre_ Entretien – Climat par Hotense Chauvin : Dennis Meadows : « Le déclin de notre civilisation est inévitable »

Article RTBF – 4e épisode du podcast Déclic by Arnaud Ruyssen Bruno Colmant : « Dans l’économie de marché, il n’y a pas de projet pour l’humain »

Article La Libre – « Combattons l’affaissement du sentiment européen »

[*]État providence : Suivant la définition du dictionnaire Le Robert : Forme d’État qui intervient activement dans les domaines social et économique en vue d’assurer des prestations aux citoyens.
[**]CSA = community supported agriculture : L’agriculture soutenue par la communauté ( modèle CSA ) ou le partage des cultures est un système qui relie les producteurs et les consommateurs au sein du système alimentaire plus étroitement en permettant au consommateur de souscrire à la récolte d’une certaine ferme ou d’un groupe de fermes. C’est un modèle socio-économique alternatif d’agriculture et de distribution alimentaire qui permet au producteur et au consommateur de partager les risques de l’agriculture. Le modèle est une sous-catégorie de l’agriculture civique qui a pour objectif primordial de renforcer le sens de la communauté par le biais des marchés locaux.

Bibliographie

Kenneth Bertrams est Professeur à l’Université libre de Bruxelles où il enseigne l’histoire économique et l’histoire des sciences et des techniques. Membre du Centre de Recherche Mondes Modernes & Contemporains, ses travaux portent sur les interactions entre science, industrie et États et sur l’histoire des entreprises. Dans ce dernier domaine, il a publié des livres sur l’histoire du groupe chimique Solvay (2013), le groupe chimique et pharmaceutique UCB (2018) et le brasseur multinational AB-InBev (2019). Ses recherches portent actuellement sur les réseaux philanthropiques entre l’Europe et les États-Unis et sur l’internationalisme scientifique au cours de la première moitié du 20e siècle ;

Isabelle Ferreras Maître de recherche FNRS professeure. Isabelle Ferreras est une sociologue, Maître de recherches du Fonds national de la recherche scientifique (F.N.R.S., Bruxelles). Elle est professeur de sociologie à l’Université catholique de Louvain (Louvain-la-Neuve, Belgique) où elle enseigne au Département des sciences sociales et politiques, à l’Institut des sciences du travail et à l’Ecole d’économie de Louvain. Elle est aussi chercheuse associée à Harvard et membre de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, Classe Technologie et Société.

Bruno Colmant est ingénieur commercial et Docteur en Sciences de Gestion. Il enseigne l’économie appliquée dans plusieurs institutions universitaires belges et étrangères. C’est un financier, fiscaliste, auteur et économiste belge. Membre de la Classe de Technologie et Société de l’Académie royale de Belgique, il conseille aussi des gouvernements et des chefs d’entreprises dans le domaine de l’économie.

Dennis L. Meadows est un scientifique et professeur émérite de l’Université du New Hampshire et co-auteur, avec trois scientifiques du MIT2, du Rapport de Meadows paru en 1972, qui met en avant le danger pour l’environnement planétaire de la croissance démographique et économique de l’humanité. Membre honoraire du Club de Rome, il a reçu — avec l’Américain et « père de la tomographie » David E. Kuhl — le Japan Prize en 2009

Photo Istock by metamorworks

Article
Publié le mercredi 20 septembre 2023
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