La serre, une seconde peau qui réutilise la chaleur perdue d'un bâtiment

La serre, une seconde peau qui réutilise la chaleur perdue d’un bâtiment

L’installation d’une serre sur le toit donne non seulement la possibilité de construire une ferme urbaine fiable et à l’épreuve du temps, mais elle permet également d’économiser de l’énergie tant dans le bâtiment lui-même que dans la zone entourant la serre.

L’urbanisation a augmenté de façon constante au cours des 100 dernières années. Alors que de nouveaux espaces à vivre sont en permanence construits, de nombreux bâtiments, dans les zones urbaines en Europe, datent des années soixante et soixante-dix. Ils respectent rarement les normes d’isolation des constructions modernes et sont une source importante d’émissions de CO2.

Le World Green Building Council estimait, en date du 23 septembre 2019, que les bâtiments et la construction étaient responsables de 39 % des émissions mondiales de carbone. L’atténuation de leur impact est donc un volet essentiel pour atteindre l’ambitieux objectif de l’UE de zéro émission nette en 2050.

Une part importante des émissions est générée par les pertes de chaleur par la toiture. L’air chaud monte, réchauffant le toit qui perd de l’énergie par rayonnement transmissif ou est activement refroidi par le vent, qui est d’autant plus fort que le bâtiment est haut. Selon différentes sources, les pertes par le toit varient entre 25 et 35 %, les bâtiments anciens perdant encore plus d’énergie (1) (2). Pour les réduire, des mesures souvent coûteuses, comme la rénovation de l’isolation, sont nécessaires.
Le projet GROOF examine les possibilités et opportunités d’une serre sur le toit pour réduire le CO2 dans un contexte urbain. Il s’agit d’un projet interdisciplinaire visant à examiner les synergies entre la production alimentaire en serre et le bâtiment support.

L’un de ces aspects est la serre servant de couverture de toit. Elle permet non seulement de réduire les pertes de chaleur, mais aussi d’utiliser cette chaleur de manière positive dans une application à l’épreuve du temps. La production alimentaire est un système énergétique en soi : l’utilisation de l’énergie permet d’économiser de l’argent et a un effet positif sur le climat.

Dans ce cas, la serre constitue une seconde peau pour le bâtiment et peut réutiliser les pertes transmissives de la toiture. Comme la serre est un environnement essentiellement fermé pendant les périodes de l’année où les pertes de chaleur sont les plus importantes, la chaleur sera piégée (la ventilation est réduite dans une serre en hiver). Même un espace non chauffé, sans circulation d’air interne, constituera en général une couche d’isolation supplémentaire et contribuera donc à l’isolation totale du bâtiment.

D’autre part, la serre sur le toit elle-même a des propriétés différentes par rapport à une serre standard au sol, puisque le toit du bâtiment support constitue une bien meilleure isolation qu’un terrain. EBF a réalisé des simulations pour une serre chauffée à 15 °C d’une surface de 200 m2 : les pertes sont plus élevées d’environ 53 % que pour une serre sur le toit.

Il faut en tenir compte lors de la planification de la serre sur le toit afin de maximiser le bénéfice net du projet. Dans la plupart des cas, les plantes et les locaux techniques importants sont situés sur le toit, ce qui facilite le raccordement à la serre. Et ce n’est pas seulement le cas pour les bâtiments de soutien plus anciens.

La plupart des nouveaux bâtiments peuvent également bénéficier d’une serre sur le toit, puisque les pertes de chaleur des systèmes de CVC et des autres sources d’énergie du bâtiment peuvent être atténuées.

Cela est particulièrement vrai pour les bâtiments hautement mécanisés à toit plat. Les flux d’air du système de ventilation, la chaleur perdue des appareils de refroidissement ou des cuisines peuvent être directement soufflés dans la serre.

Malgré l’utilisation de systèmes de récupération de la chaleur, l’air évacué sera encore suffisamment chaud pour garder la serre à l’abri du gel et même permettre au système de fonctionner toute l’année, selon l’emplacement et le choix des cultures.

En outre, le système de chauffage lui-même peut être utilisé de manière plus efficace. Le refroidissement du flux de retour et l’utilisation de la chaleur excédentaire dans la serre augmenteront l’efficacité, en particulier dans les chaudières à condensation modernes ou les systèmes de cogénération.

En parlant de chaleur perdue, certains bâtiments disposent de systèmes de chauffage surdimensionnés qui perdent plus d’énergie que nécessaire en hiver. Selon le système, l’air évacué peut être utilisé directement dans la serre, surtout si le gaz est la source de chaleur. D’autres sources, comme le pétrole, peuvent nécessiter des techniques de nettoyage coûteuses pour atténuer les effets négatifs sur la qualité des aliments.

Le secteur des services et l’industrie lourde sont également intéressants pour les serres sur toiture. Généralement installées sur des halls à toit plat, elles sont spacieuses et, selon l’utilisation, offrent beaucoup d’énergie. L’industrie à forte intensité énergétique rencontre même souvent le problème de l’excès de chaleur résiduelle. Dans ce cas, il serait possible de soutenir une serre de fruits tropicaux ou au moins une exploitation passive pendant une année entière. Cependant, il faut tenir compte du fait que les toits plats ne sont souvent pas conçus pour supporter une charge suffisante. La planification des futurs parcs industriels doit donc adopter de nouvelles approches pour mettre directement en œuvre l’aspect de l’agriculture urbaine. Cela est aussi particulièrement important pour la planification future des datacenters où beaucoup de chaleur résiduelle est accumulée.

La création d’un espace supplémentaire au-dessus d’un bâtiment peut également être un inconvénient pour l’ensemble du bâtiment car, s’il doit être chauffé également, cela peut même réduire l’efficacité du bâtiment. Il est donc important d’être clair sur la portée et les objectifs du projet de serre sur le toit. Si la chaleur résiduelle est abondante, cela change les perspectives. Et pour certains projets à proximité de grands puits de chaleur, une serre peut être utilisée de manière passive, ce qui est une perspective bienvenue.

Il n’y a donc pas de règle générale qui fasse d’une serre sur le toit un projet d’économie d’énergie. Souvent, le fait de ne pas utiliser les flux d’énergie à l’intérieur du bâtiment peut même rendre le projet non rentable, comme l’ont déjà montré plusieurs projets qui ont échoué.

Néanmoins, l’énergie et les flux d’énergie deviennent de plus en plus importants à l’approche des futures tâches visant à résoudre la crise climatique. En être conscient est un aspect essentiel pour être en avance dans nos efforts.

(1) Babenko, Maryna & Kosiachevskyi, Dmytro & Savytskyi, Mykola & Schmidt, Michael & Pereginets, I. (2017). The main insulation parameters for the design of nzeb from biosourced materials. Construction, materials science, mechanical engineering. 99. 95-100.
(2) Johansson, Pär & Wahlgren, Paula & Eriksson, Petra. (2020). Interior super insulation in heritage buildings : Challenges and possibilities to conserve heritage values and increase energy performance.

Reportage GROOF

Article tiré du NEOMAG#35
Plus d’informations : http://neobuild.lu/ressources/neomag
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Crédit photo Frédéric Paillet

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Publié le vendredi 12 février 2021
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