La couverture sanitaire universelle au Luxembourg : donner accès aux soins médicaux pour tous

La couverture sanitaire universelle au Luxembourg : donner accès aux soins médicaux pour tous

De nombreuses personnes vivent au Luxembourg sans avoir accès aux soins de santé primaire. Cette situation est incompréhensible dans notre pays. Le Luxembourg a les moyens de soigner tout le monde(1) ? La situation est en totale opposition avec une politique de santé publique efficace et cohérente, et nous incite à demander la mise en place de la Couverture Sanitaire Universelle (CSU) au Luxembourg.

Actifs sur le terrain des soins et de la précarité depuis plusieurs années, nous constatons que des communautés entières sont actuellement exclues des soins de santé au Luxembourg : pour des raisons administratives, financières, culturelles ou sociologiques, elles n’ont pas accès au système national de protection sociale.

Quelques chiffres sont révélateurs de cette situation au Luxembourg :

  • plus de 1 500 personnes sont sans accès aux soins(2) ? 30 % des pathologies rencontrées parmi les personnes sans accès aux soins sont chroniques(3)
  • 200 à 300 personnes consommatrices de drogues n’ont pas accès au traitement contre l’hépatite C et aux programmes de prévention HIV et Hépatites A et B(4)
  • Le taux de couverture CNS est passée de 99 % en 2002 à 95,2 % en 2015 sans que cela ne suscite de questions(5)
  • 100 personnes(6) en demande de soins de santé sexuelle et reproductive n’ont pas de couverture sociale et près de 15 000 cycles de contraception sont distribués gratuitement faute de remboursement adéquat de la contraception(7).

Derrière les chiffres, se retrouvent des situations en totale contradiction avec les droits humains les plus élémentaires :

  • des femmes enceintes qui n’ont pas accès aux soins pré et postnataux
  • des femmes, surtout dans des situations de précarité multifactorielle et à risque de grande pauvreté, n’ont pas accès à tous les services de santé sexuelle, reproductive et psychologique
  • des enfants scolarisés - et parfois nés au Luxembourg - ne peuvent se faire vacciner ni aller chez le médecin
  • des détenus qui sortent de prison et n’ont plus accès à leur suivi médical - souvent pour des pathologies chroniques - et psychologique
  • des personnes sans abri laissées sans soins
  • des personnes contaminées HIV et hépatites qui n’ont pas accès aux traitements médicaux
  • des personnes toxicomanes qui n’ont pas accès aux programmes de substitution ni aux soins de santé primaire

Comment peut-on encore accepter que le second pays le plus riche du monde ne fasse pas bénéficier de la CSU à la population vivant sur le sol luxembourgeois ?

Au Luxembourg, de récentes flambées épidémiques des infections au VIH et au virus de l’hépatite C sont apparues chez des populations vulnérables fortement précarisées et en complète exclusion sociale. L’accès aux soins est un défi journalier pour ces personnes, notre système de santé ne fait que répondre à des cas d’urgence. Une réforme de ce système est nécessaire pour obtenir une rentabilité des ressources allouées au long terme.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, « la CSU représente une stratégie équitable qui renforce la qualité des services de santé et rend leur financement plus durable. Elle représente un instrument clé pour améliorer la santé, promouvoir la cohésion sociale et un développement humain et économique durable pour tous ». La CSU au Luxembourg pourrait s’avérer un important catalyseur social.

La CSU est inscrite depuis 2012 dans la résolution A.67/81 de l’Assemblée générale des Nations Unies en tant qu’objectif de développement durable et inclusif. Le Luxembourg s’en est porté co-auteur dans le cadre d’une politique universelle. Lors de la dernière Journée mondiale de la Santé, le Luxembourg a officiellement rappelé son engagement en faveur de la CSU8 dans 6 des 7 pays partenaires de la Coopération humanitaire. Nous souhaitons vivement que cet engagement devienne une réalité pour toute personne vivant au Luxembourg.

L’accès aux soins est le droit humain le plus universel et le plus essentiel, surtout pour les femmes enceintes et les enfants. Le Luxembourg tolère des lois nationales qui empêchent la couverture vaccinale et les suivis pré et postnataux de femmes et d’enfants vivant sur son territoire. Exclure des services essentiels de soins de santé des groupes de population n’est pas éthique, est coûteux et contraire à toute bonne politique de santé publique.

En conclusion, soutenir le projet d’une CSU au Luxembourg présente un intérêt de santé publique et politique majeur favorisant la cohésion nationale. Les signataires de la lettre comptent sur le futur gouvernement pour agir fermement en faveur d’une politique de santé publique respectant les droits humains fondamentaux et permettant un accès pour tous aux soins médicaux.


(1) Dans son rapport 2017, la CNS annonce un excédent cumulé de 338 millions d’euros
(2) Nombre de personnes suivies dans les centres de soins de MdM au cours des 3 dernières années
(3) Rapport 2017 de MdM : http://medecinsdumonde.lu/wp-conten...
(4) Chiffre du Comité national de surveillance HIV et hépatites
(5) State of Health in the EULuxembourg Profils de santé par pays 2017 rapport comission Europénne https://ec.europa.eu/luxembourg/sit...
(6) Rapport du Planning Familial 2017
(7) Statistiques du Planning Familial pour le Ministère de la Santé (2016)
(8) https://gouvernement.lu/fr/actualit...

Lettre ouverte CSU /Médecins du Monde Luxembourg

Communiqué
Publié le vendredi 14 décembre 2018
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