L'idée a germé et une stratégie nationale Urban Farming a éclos !

L’idée a germé et une stratégie nationale Urban Farming a éclos !

Le jeudi 23 mai 2019 s’est tenu la conférence annuelle « Living City » organisée par CDEC et Neobuild, avec le soutien du programme européen Interreg NWE, dans le grand Auditoire de la BGL BNP Paribas à Luxembourg-Kirchberg.

Un sujet d’actualité donc mais surtout un sujet d’intérêt public, qui a rassemblé près de 300 personnes.

Comment verdir la ville pour la rendre plus durable ? La question a été posée et des éléments de réponses, solutions concrètes à l’appui, ont été présentés pour relever un défi à la fois environnemental, sociétal et économique.

La végétalisation des bâtiments, une nécessité et une prise de conscience nationale

Modérée par Francis SCHWALL, Directeur du pôle d’innovation de la construction durable NEOBUILD, la conférence s’est ouverte par la présentation du projet européen « GROOF – Greenhouses to reduce CO2 on rooftops » porté nationalement par le Conseil pour le Développement Économique de la Construction (CDEC).

Projet emblématique de ce que l’urban farming peut apporter à nos villes, il intègre une approche innovante intersectorielle visant à réduire les émissions de CO2 des secteurs de la construction et agricole en combinant partage de l’énergie et production locale d’aliments, installant des serres urbaines sur les toits des bâtiments exploitables. Ainsi installées, les serres permettront de récupérer la chaleur produite et non consommée par les bâtiments support de manière active et passive dans une production de plantes, de recueillir le CO2 produit par les personnes et les activités du bâtiment pour « nourrir » les plantes, mais aussi de réduire les émissions de CO2 des transports en produisant des végétaux localement. Un projet qui s’inscrit donc parfaitement dans la stratégie nationale Urban Farming nouvellement lancée.

Des serres urbaines, il y en a déjà de construites, notamment à l’étranger, comme la « Ferme Abattoir » de BIGH installée en plein cœur de Bruxelles sur le toit du Foodmet. « Créer un écosystème naturel dans un environnement artificiel comme la ville », voilà l’ambition de BIGH et de son fondateur Steven BECKERS, présent à la conférence pour présenter son système d’alimentation mais aussi d’économie circulaire. Il a montré que, intégrées à des bâtiments existants, les serres permettent de valoriser les surfaces imperméabilisées et inexploitées, tout en favorisant la production et la consommation locale.

« L’urban farming c’est de l’acupuncture urbaine » expliquent Patrick MOREUIL et Julien BLOUIN de l’agence française TETRARC. À travers les projets « Climax » à Angers et « 5 Ponts » à Nantes, qui intègrent une dimension sociale et solidaire, TETRARC prône la reconquête de la nature productive dans les villes, une « colonisation du végétal pour reconnecter les urbains avec une agriculture fondamentale »

Le Luxembourg n’est pas en reste en matière d’urban farming. Et, c’est Nico STEINMETZ, du bureau d’architectes et urbanistes SteinmetzDemeyer, qui est venu présenter ses projets luxembourgeois originaux dans lesquels le « végétal est un élément architectural » à part entière. C’est le cas notamment du projet « Urban Forest » qui intègre à ses logements des façades végétales, faisant de ce projet un « repère visuel vivant » et un bâtiment qui évolue au fil des saisons. Nico STEINMETZ a conclu la première partie de la conférence par la présentation de l’ambitieux projet « KI17 Kirchberg » pour lequel c’est véritablement l’architecture qui s’est adaptée à la nature, puisque tous les arbres plantés sur la surface de construction à exploiter ont été préservés. Tous les projets suivants la démarche « cradle to cradle ».

Le Luxembourg, premier pays à se doter d’une stratégie nationale Urban Farming

La conférence Living City a aussi et surtout été l’occasion pour la Ministre Carole DIESCBOURG, qui nous avait fait l’honneur de sa présence, de présenter les bases de la stratégie nationale urban farming, identifiant les lignes directrices d’un plan stratégique national visant à introduire l’agriculture au sein même des zones urbaines et périurbaines luxembourgeoises. Des surfaces encore inexploitées, mais pleines de potentiel, pourraient favoriser non seulement une production et une consommation locales mais aussi s’intégrer dans un schéma d’économie circulaire, tout en créant du lien social et en luttant contre les changements climatiques. Quel défi !

« C’est le point de départ pour des villes plus intelligentes et plus durables » a déclaré Carole DIESCHBOURG. Cette étude stratégique menée pendant plus de 12 mois, grâce à un partenariat stratégique entre le CDEC, NEOBUILD, IMS, CELL, Green Surf et l’Administration du Cadastre et de la Topographie, se présente comme une solution innovante pour réduire de 50% à 55% les émissions de CO2 à l’horizon 2030, mais aussi comme une véritable niche économique qui favorisera les circuits courts et l’économie locale. Et en effet, un sondage TNS Ilres réalisé en juin 2018, montre que 71% de la population est disposée à payer plus cher pour un produit local. Or, la production luxembourgeoise ne couvre que 3% des besoins en fruits et légumes, le reste étant importé de l’étranger, notamment des pays frontaliers, qui ne bénéficient pourtant pas de meilleures conditions climatiques que le Luxembourg. Précisément, 97% de nos besoins légumes feuilles et légumes fruits sont importés, dont 57% proviennent de Belgique et 23% de France.

Les nouveaux espaces cultivés seront aussi de véritables lieux de rencontre et de partage, favorables à l’apprentissage, la réinsertion professionnelle et même à la création de nouvelles filières de formation et de nouveaux emplois. « L’urban farming ne prétend pas remplacer l’agriculture traditionnelle, mais à en être complémentaire », a assuré Carole DIESCHBOURG. Cette mixité des fonctions et des activités agricoles favorisera ainsi une agriculture multifonctionnelle et des opportunités nouvelles.

C’est donc un signal fort que lance le Luxembourg, démontrant sa volonté politique d’aller vers une société plus résiliente et vers une autosuffisance alimentaire.

« L’Urban Farming, un bon exemple de ce qu’une smart nation peut faire », c’est en citant les propos du Premier Ministre Xavier BETTEL énoncés dans le magazine NEOMAG, que Bruno RENDERS, Administrateur Directeur général de CDEC a commencé son intervention, complétant les propos de Mme DIESCHBOURG par une présentation objective des actions stratégiques et opérationnelles prévues dans l’étude Urban Farming. Celle-ci s’appuie sur 7 piliers complémentaires (définition de l’urban farming ; l’aménagement du territoire et des réglementations ; financement ; business models ; synergies et multifonctionnalité ; formation et sensibilisation ; smart mapping urban farming) qui ont notamment permis de faire un état des lieux de la production et de la consommation au Luxembourg, d’identifier les obstacles et les leviers positifs, de formuler des recommandations, mais aussi de mettre en place un « smart mapping urban farming » capable de repérer les zones potentielles pour l’installation de systèmes d’agriculture urbaine au sol et hors sol. Multidimensionnelle, multi-acteurs et multisectorielle, cette stratégie Urban Farming s’est révélée être un projet fédérateur dans lequel tous les acteurs et secteurs sont concernés. Il demande toutefois une adaptation des réglementations et des textes législatifs actuellement en vigueur, un décloisonnement des secteurs et surtout une participation active de tous, et notamment des communes.

Cette approche multidimensionnelle et multiforme que peut revêtir l’urban farming moderne peut se retrouver sous une multiplicité d’implantations infrastructurelles, que ce soit de l’agriculture en toiture, au sol, indoor, etc. Ainsi, l’aménagement multifonctionnel des paysages, l’intégration de l’agriculture, des arbres et des forêts contribuent à accroître la résilience des villes témoins des liens qui se tissent entre agriculture et ville. Cette approche stratégique met donc en évidence de nouveaux modèles économiques intégrés

Ensuite, c’est Mme Candice LELOUP, CEO de Green Surf, qui a pris la parole pour expliquer les différentes typologies de projets, de cultures et même de techniques de production agricoles qui peuvent être concrètement mises en place, affirmant que « la seule limite est celle de notre imagination ».

L’un des piliers de la stratégie repose sur un outil d’aide à la prise de décision interactif, développé par l’Administration du Cadastre et de la Topographie sur le Geoportail, un smart mapping innovant présenté par Mme Danielle HORPER. Il permet notamment d’identifier les toitures et espaces disponibles au Luxembourg, capables d’accueillir des serres urbaines. L’outil est étudié pour prendre en compte diverses typologies de projets allant des jardins sociaux low cost en pleine terre jusqu’aux fermes high tech en toiture, et comprend les pratiques amateurs et professionnelles.

Et, parce que le Luxembourg est dans une dynamique positive, ouvert aux changements et aux opportunités, de nombreuses initiatives et des projets pilotes de serres urbaines voient le jour. Le fonds Kirchberg et les communes de Sanem et de Wiltz ont notamment montré des projets pilotes en cours qui vont encore transformer nos villes.

« Le goût s’est perdu, mais les gens veulent y revenir » c’est ainsi que Sandrine PINGEON, des « Paniers de Sandrine », a expliqué sa démarche de production locale.

Last but not least, l’archibiotecte Vincent CALLEBAUT a fini d’impressionner le public en présentant ses projets aussi fous qu’innovants

Pour « cicatriser les périphéries » mais aussi « lutter contre le monofonctionnalisme des quartiers » Vincent CALLEBAUT a choisi d’intégrer le végétal dans ses projets, tous ses projets. Et il faut croire que c’est une bonne idée, vu l’engouement que suscitent ses créations architecturales végétales, dont l’objectif est certes esthétique, mais surtout de rendre les citadins plus indépendants dans leur gestion de l’énergie et des ressources alimentaires. À travers le biomimétisme, ses projets sont à la fois innovants et spectaculairement techniques.

Si beaucoup le prennent pour un utopiste, la construction de sa tour végétale Tao Zhu Yin Yuan carbo-absorbante d’habitation écologique autonome en énergie, qui va bientôt être inaugurée à Taipei (Taïwan) leur prouvent que les rêves peuvent se réaliser.

L’urban farming au Luxembourg est donc dans une niche « éconologique » qui s’inscrit dans une volonté de développer une production maraîchère plus circulaire, relocalisée et responsable et en phase avec les souhaits des citoyens.

Mélanie DE LIMA - CDEC
Article de notre partenaire IFSB

Photos : Olivier Minaire

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Publié le lundi 27 mai 2019
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