L’Agence immobilière sociale : « Notre mission est loin d’être finie »
L’Agence immobilière sociale a ouvert ses portes en 2009. Quinze ans plus tard, son CEO Gilles Hempel revient sur les débuts de cette structure dédiée à la gestion locative sociale, sa raison d’être et ses ambitions pour l’avenir.
L’Agence immobilière sociale fête ses 15 ans cette année. Quels souvenirs gardez-vous du lancement de ce projet ?
La Fondation pour l’accès au logement a été créée en février 2009 et l’Agence immobilière sociale (qui est un département de la Fondation, ndlr) peu de temps après, en septembre 2009. L’idée était de mettre en place ce qu’on appelle la gestion locative sociale : nous louons des logements inoccupés sur le marché privé que nous mettons ensuite à disposition de ménages à revenus modestes.
Ça a tout de suite été un grand succès et le lendemain de l’ouverture, le téléphone n’a pas arrêté de sonner. À l’époque, nous n’étions pas sûrs du succès du projet, mais les propriétaires de logements inoccupés étaient contents de pouvoir louer leurs biens !
Depuis, d’autres associations nous ont suivis dans cette démarche et on a aujourd’hui plus de 30 organisations actives dans la gestion locative sociale. Nous sommes fiers d’avoir lancé ce mouvement et de rester l’acteur majeur de la gestion locative sociale au Luxembourg.
Notre activité s’est vraiment développée en 15 ans. ; nous étions trois dans l’équipe en 2009 et nous sommes aujourd’hui 53. En 2019, nous avons aussi lancé Abitatio, un promoteur social, pour aussi pouvoir mettre à disposition des logements à durée indéterminée. En cinq ans, nous avons construit une cinquantaine de logements sociaux.
Vous avez donc été précurseur sur le marché de la gestion locative sociale.
Il n’y avait personne sur ce marché à l’époque. Il faut savoir que les personnes âgées sont presque toutes propriétaires au Luxembourg et si elles sont placées en maison de retraite ou qu’elles décèdent, leurs biens restent souvent vides pendant longtemps. Elles n’ont pas le réflexe de les mettre en location et elles peuvent aussi avoir des craintes.
« On estime qu’il y a entre 10.000 et 20.000 logements inoccupés au Luxembourg. »
Gilles Hempel, CEO de la Fondation pour l’accès au logement et de l’Agence immobilière sociale
Nous avons donc créé une offre avec laquelle nous proposons aux propriétaires de conclure un bail avec l’Agence immobilière sociale. Ils bénéficient d’avantages fiscaux, nous payons le loyer et ils peuvent récupérer leur logement en cas de besoin - ce que nous pouvons garantir parce que nous avons la possibilité de reloger les personnes en interne, c’est un gros avantage.
Le Luxembourg fait face à une crise du logement et ce depuis de nombreuses années. Comment la situation a-t-elle évolué entre le moment où vous avec lancé l’Agence immobilière sociale et aujourd’hui, 15 ans plus tard ?
La crise n’a cessé de s’aggraver depuis nos débuts. Ce qui a changé, c’est qu’il n’y avait pratiquement pas de logements sociaux en 2009, mais depuis, l’État a mis beaucoup de choses en place. Une nouvelle loi sur le logement abordable est sortie l’année dernière et les deux promoteurs publics (le Fonds du Logement et la Société Nationale des Habitations à Bon Marché) ont été renforcés. Le monde politique a pris conscience du problème du logement et les choses bougent. Il y a toutefois toujours une énorme pression sur le marché de l’immobilier et notre mission est loin d’être finie.
Pouvez-vous expliquer l’importance de votre mission et l’impact que votre travail peut avoir dans la vie des personnes que vous logez ?
Il faut savoir que nous nous occupons de personnes très défavorisées, dans de vraies situations de détresse. Et quand on a un souci de logement, ce problème est tellement intense qu’on ne peut rien faire d’autre. Par exemple chercher un travail ou se faire soigner devient compliqué quand on doit tout le temps gérer sa situation de logement.
C’est quelque chose qui impacte tous les aspects de la vie. Si vous avez un logement inadapté ou insalubre, les enfants ne peuvent pas inviter leurs amis à la maison. Si une famille doit se partager un petit studio, plus personne n’a d’intimité et cela crée du stress.
Nous remarquons que, lorsqu’on donne un logement adéquat à quelqu’un, ça débloque beaucoup de choses : la personne trouve un travail, les choses vont mieux dans le couple, les enfants travaillent mieux à l’école…
« Nous avons créé un dialogue structuré avec le ministère du Logement car il nous tient à cœur de faire avancer les choses au niveau institutionnel aussi. »
Gilles Hempel, CEO de la Fondation pour l’accès au logement et de l’Agence immobilière sociale
Comment allez-vous célébrer votre quinzième anniversaire ?
Nous organisons une conférence internationale sur le logement abordable le 26 novembre au Forum Geesseknäppchen. Des intervenants venus de plusieurs pays vont échanger à propos de leurs situations, de leur façon d’aborder le problème du logement dans leur pays… Le but est d’apprendre les uns des autres.
Comment envisagez-vous le futur de l’Agence immobilière sociale ?
Nous avons du pain sur la planche ! Nous travaillons de plus en plus comme bailleur social pour les communes parce qu’avec la nouvelle loi sur le logement abordable, elles peuvent outsourcer la gestion de leurs logements sociaux. C’est aussi quelque chose qui les motive pour créer plus de logements sociaux, parce qu’elles savent que quelqu’un pourra en assurer la gestion.
Nous focalisons aussi beaucoup notre travail sur les communes avec Abitatio. Elles nous donnent des terrains en emphytéose pour qu’on y développe des projets immobiliers. La Fondation pour l’accès au logement devient un vrai prestataire qui aide les communes dans leur projet de logement.
Actuellement, nous avons une convention avec plus ou moins la moitié des communes du Luxembourg, via leurs offices sociaux. Nous avons développé un modèle avec lequel les communes nous soutiennent financièrement pour que nous renforcions notre activité sur leur territoire. Nous avons aujourd’hui 650 logements en gestion et nous allons probablement passer le cap des 700 avant la fin de cette année.
Propos recueillis par Léna Fernandes
Crédit photo : Picto Communication Partner / Fanny Krackenberger