Finance responsable, état des lieux

Finance responsable, état des lieux

Poussé par les directives européennes et les engagements pris en matière de climat, un basculement des mentalités est en train de s’opérer dans le domaine de l’investissement.

Comment définit-on la finance responsable ?

Julie Castiaux, Senior Manager – Sustainability Expert chez Deloitte  : La finance responsable ou sustainable finance reprend tout investissement qui prend en compte non seulement le retour sur investissement, mais aussi des critères environnementaux et sociaux. Les stratégies vont de l’exclusion de certains secteurs comme le tabac ou l’armement (pour éviter les risques notamment réputationnels) à une maximisation de l’impact en optant pour des fonds thématiques ou d’impact.

L’UE est en train d’établir une définition standardisée des sujets et projets entrant dans le cadre de la finance dite verte de manière à orienter les exigences qu’elle aura envers les acteurs du secteur. Pour éviter le green washing ou la vente de fonds d’impact qui n’en sont pas, l’asset manager devra justifier en quoi le fonds qu’il a créé correspond à un fonds durable et comment les dimensions ESG (Environmental Social & Governance) sont prises en compte comme une approche Best-in-class, l’exclusion ou l’impact climatique et ce, dans un objectif de transparence.

Où en est-on au Luxembourg ?

L’exclusion y est pratiquée depuis longtemps et les règles d’investissement sont strictement définies pour certains fonds comme les UCITS. En revanche, pour ce qui est d’intégrer des critères ESG, de faire du Best-in-class ou de sélectionner des investissements à impact positif, les acteurs locaux se lancent doucement car les réglementations de ces dernières années leur ont demandé des efforts conséquents de changement et la finance durable est passée au second plan de leurs priorités. Certains lancent leur propre gamme de fonds, avec leur politique ESG interne. D’autres dupliquent des produits ou stratégies mis en place au sein de leur groupe.

Au travers de la Sustainable Finance Roadmap lancée en 2018, le gouvernement luxembourgeois mise sur l’éducation financière pour que chacun comprenne ce que sont ces investissements, comment ils impactent la société et surtout la nécessité d’investir dans ce type de produits. La crainte est souvent que le retour sur investissement ne soit pas au rendez-vous, or de nombreux index et études ont prouvé que c’est l’inverse qui se produit à long terme.

La finance responsable est-elle amenée à se développer massivement ou restera-t-elle une niche ?

Les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris, les Objectifs de Développement Durable fixés par l’ONU et les réglementations européennes sont là pour changer les mentalités et mobiliser la finance privée. Le temps que cela prendra dépendra de la manière dont le marché va réagir, mais si l’Europe veut réussir sa transition vers une société bas carbone et réduire sa dépendance envers les ressources fossiles, c’est un challenge économique global que chaque pays devra relever avec le support de l’Europe et l’engagement des acteurs du marché financier.

Pourquoi tenir compte de critères extra-financiers ?

Il y a le point de vue de l’investisseur qui souhaite de plus en plus comprendre où va son argent. L’actuelle révision de la directive MIFID a pour objectif d’intégrer les préférences ESG dans les questionnaires d’évolution des attentes des clients. Et il y a celui de l’entreprise qui devra rendre des comptes sur ses performances et la façon dont elle intègre les critères extra-financiers. Ce processus est également lié à la gestion des risques. Si la température, le coût des matières premières ou les évènements météorologiques extrêmes augmentent, l’entreprise devra pouvoir démontrer qu’elle a mis en place des actions pour assurer sa stabilité financière à long terme. Il s’agit d’un véritable changement dans la perception de l’investissement dont l’objectif n’est plus d’obtenir un retour sur investissement rapide, mais d’obtenir un retour financier et non-financier, à plus long terme et avec une meilleure gestion des risques.

Comment les entreprises du secteur non financier seront-elles impactées ?

Les entreprises cotées en Bourse ont des obligations de reporting liées à des directives européennes. Si elles ne mettent pas en place une stratégie de gestion des risques non-financiers et de démonstration de leurs performances non-financières, cela aura un impact direct sur leur attractivité et sur leur valeur boursière. Cette obligation européenne est en train de s’étendre à l’ensemble des acteurs financiers, banques, gestionnaires de fonds, assureurs, …

Les entreprises non-cotées, même si elles n’ont pas d’obligations de reporting, devront rendre des comptes à leurs parties prenantes. Les nouvelles générations étant beaucoup plus attentives à l’impact de leur choix de consommation, si ces entreprises ne démontrent pas l’intégration de dimensions durables dans leur gestion et dans leur façon de fournir leurs produits et services, elles passeront à côté de nombreuses opportunités.

Mélanie Trélat
Article tiré du dossier du mois Infogreen « Actifs alternatifs »

Article
Publié le mardi 6 août 2019
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