
Fast fashion : les producteurs de textile devront assumer le coût du recyclage
Face à l’explosion des déchets textiles, le Parlement européen vient d’adopter une directive contraignant les producteurs à financer le recyclage de leurs produits. La fast fashion, accusée d’inonder le marché européen de vêtements à bas prix et de piètre qualité, est au centre de ce texte qui entrera en vigueur en 2028.
Chaque Européen génère en moyenne 15 kilos de déchets textiles par an. Le recyclage de ces textiles reste marginal, et la majeure partie finit incinérée ou enfouie. Pour inverser cette tendance, l’Union européenne a adopté une directive révisant la législation sur les déchets datant de 2008. Elle introduit un dispositif inédit visant à responsabiliser les producteurs de textile, en particulier les acteurs de la fast fashion.
La fast fashion dans le viseur
L’arrivée massive de colis en provenance de Chine illustre l’ampleur du phénomène. D’après l’UE, « en 2024, pas moins de 4,6 milliards de paquets – soit plus de 145 par seconde – ont été importés, 91 % venant de Chine. Une partie significative de ces biens - comme les vêtements, chaussures et accessoires - provient de plateformes comme Shein, régulièrement critiquées pour leurs impacts environnementaux et sociaux. »
Ces produits à bas prix sont souvent conçus pour être portés quelques fois avant d’être jetés, alimentant un gaspillage estimé à cinq millions de tonnes par an en Europe. Les centres de tri, saturés par ces flux massifs de textiles de mauvaise qualité, peinent à identifier les pièces revendables qui financent leur activité.
Une responsabilité élargie des producteurs
Cette directive repose sur la responsabilité élargie du producteur (REP). Concrètement, « les entreprises commercialisant des textiles dans l’UE devront prendre en charge la collecte, le tri et le recyclage de leurs produits en fin de vie. Cette mesure concernera aussi bien les producteurs européens que les plateformes d’e-commerce basées hors Union. »
Chaque vêtement ou accessoire vendu sur le marché européen sera assorti d’une contribution financière. Son montant, encore à déterminer, pourrait atteindre quelques centimes par article. « Les États membres disposeront de 30 mois pour mettre en place ces régimes REP, tandis que les micro-entreprises bénéficieront d’une année supplémentaire pour se conformer aux règles. »
Le champ d’application est large : vêtements, chaussures, chapeaux, linge de lit et de cuisine, rideaux, voire matelas si les États choisissent d’inclure ce secteur.
Une échéance jugée trop lointaine
Si la directive constitue une avancée majeure, son application n’est prévue qu’à partir de 2028. Un délai que regrettent les associations et les acteurs du recyclage.
Elle pourrait n’être qu’une étape. La Commission européenne étudie actuellement l’instauration d’une taxe de deux euros sur les petits colis bon marché, jusqu’ici exonérés de droits de douane. L’an dernier, 600 avions cargo en moyenne atterrissaient chaque jour en Europe avec à leur bord des millions de vêtements importés. Cette surtaxe viserait à freiner l’afflux massif de produits à bas prix et à réduire la pression environnementale qu’ils génèrent.
Un enjeu environnemental majeur
La production textile représente un coût écologique considérable. La fabrication d’un simple t-shirt en coton exige 2.700 litres d’eau douce. Cette quantité représente l’équivalent des besoins en eau potable d’une personne pendant deux ans et demi. En imposant le principe du « pollueur-payeur », l’Union espère inciter les producteurs à limiter la surproduction et à privilégier des matériaux plus durables.
Avec cette directive, l’Union européenne franchit une étape importante dans la lutte contre les déchets textiles et alimentaires. Si son entrée en vigueur reste lointaine, elle marque un tournant vers une responsabilisation accrue des producteurs et une prise en compte plus stricte des impacts environnementaux de la consommation de masse.
Sébastien Yernaux
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