Faire évoluer le modèle de l’« automobilité »

L’Automobile Club du Luxembourg (ACL) poursuit son évolution dans un Luxembourg où la voiture est reine, mais où la mobilité évolue aussi… Comme aime à le rappeler le directeur de l’ACL Jean-Claude Juchem, « le club est au service de l’ automobilité, de la mobilité de chacun, individuelle et de plus en plus multimodale ».

Toutes les formes de mobilité individuelle font l’objet de ses attentions, et le rapport d’activités 2021 en témoigne à plus d’une page, à l’image de l’arrivée de la Maison du Motard, de la Maison du Cycliste ou de la Fleet Association for Mobility, « qui s’impose comme un interlocuteur privilégié pour les gestionnaires de flotte d’entreprise », poursuit M. Juchem, pour qui le métier de « Mobility Manager » a de l’avenir dans le monde économique luxembourgeois, avec la sensibilisation pour premier moteur.

Des obstacles vers 2035

Et puis il y a le contexte et l’Europe qui a enclenché la vitesse supérieure : le Parlement a voté à Strasbourg la fin des ventes de voitures neuves à moteurs thermiques, dès 2035. Peu après avoir rejeté la proposition sur la réforme du marché des quotas d’émissions...

Update-NDLR : L’ACL a publié un communiqué de presse vendredi 10 juin à la suite du vote européen. Découvrez-le ici (PDF)

Pour l’ACL, l’électromobilité fait partie du package. Mais le modèle a encore des ratés. Pour le directeur de l’ACL, « les objectifs ambitieux d’arriver à un parc automobile composé majoritairement de véhicules électriques à l’horizon 2035 se heurtent à de nombreux obstacles que nous devrons surmonter tous ensemble. La transition énergétique ne doit pas devenir une ruée vers le tout-électrique, qui se ferait au détriment de toute autre alternative, eFuel, biocarburants, hydrogène, etc.

Il ne faut pas sauter les étapes. Un calendrier détaillé des mesures doit être établi avec précision par les décideurs politiques. En tout cas, une clé de la stratégie est la capacité à tirer parti de chacune des options à disposition… Il faut fédérer tous les acteurs de la mobilité autour d’objectifs communs. L’ACL est prêt à prendre cette responsabilité et restera force de proposition, pour réussir la transition écologique tout en maintenant la mobilité individuelle de chacun abordable ».

Faire bouger l’électromobilité

En préface de la présentation du rapport d’activités 2021, plutôt riche en enseignements divers, l’ACL avait invité un expert allemand, le Prof. Hannes Brachat, journaliste et éditeur de l’influent magazine AutoHaus. Il s’est penché sur la mobilité du Luxembourg à ce fameux horison 2035, servant aussi de focale au plan national qui voit le ministre François Bausch en tournée de conviction dans le pays. En s’appuyant sur quantité de données statistiques et de prévisions micro, macro et socioéconomiques, Hannes Brachat tire des constats et quelques visions.

Il y a notamment ce parc automobile vieillissant, marqué notamment dans la chute des nouvelles immatriculations en 2020, année confinée, pas vraiment rattrapée en 2021. Et puis il y a ce rebond de l’électromobilité, largement encouragée et bénéficiant d’une promotion étatique semblant aller plus vite que l’adaptation des constructeurs. « Il y a des enjeux énormes pour les industriels, qui sont sur tous les fronts technologiques » : full électrique, hybride, nouvelles motorisations, recherche sur les nouveaux carburants, adaptation des modèles, évolution de la voiture partagée et des mentalités, développement des véhicules autonomes … « Il y a beaucoup de mouvements sur le marché et des perspectives différentes, qui doivent tenir compte de l’innovation et du développement économique. L’industrie automobile est en plein boum et à la croisée des chemins ».

Pour le paysage européen, valable aussi au Luxembourg, l’expert allemand souligne une série de besoins, à satisfaire au plus vite, sous peine de voir l’électromobilité buter sur des pierres d’achoppement, à commencer par l’évolution des infrastructures de charge, publiques, domestiques et en entreprises, couplée à une hausse de la production pour assurer celle de la consommation électrique, avec une évolution du mix énergétique pour garantir à terme le 100% vert...

Invitation à la prudence

L’ACL va dans le même sens. Et le club aux 194 641 membres qui assure le service sur les routes connaît l’état des lieux mieux que quiconque : ses patrouilleurs ont parcouru en 2021 l’équivalent de 35 fois le tour du monde pour porter assistance aux usagers. Plus de 1,4 million de kilomètres. Et cela a un côté préoccupant, souligné par le président Yves Wagner et le directeur Jean-Claude Juchem. Les interventions ont augmenté de 10% sur le territoire luxembourgeois, de 20% en dehors.

« Comme on le voit dans les chiffres et les analyses, le parc automobile luxembourgeois vieillit. Et il y a manifestement moins d’investissement dans l’entretien ou la mise en ordre des véhicules ». Et donc, de facto, des vacances ou des déplacements qui se terminent sur le bord de la route : panne de batterie, pneus, accident, perte de puissance (un incident technique de parcours qui fait son apparition dans le top 5) et panne sèche (ou problème de carburant) sont les causes premières d’immobilisations et d’interventions de l’ACL. La plupart des dépannages (88%) permettent de résoudre sur place. Mais 2021 a compté plus de 1500 remorquages en Europe (hors du Luxembourg) sur près de 27 000 en tout. Et près d’un millier de rapatriements (en hausse de 54%) !

Une raison de plus pour inviter à la prudence, avant les départs en vacances. Car en plus, il y a des effets de crise qui peuvent être pervers : pénurie de pièces de rechange, voitures de location rares (surtout en France, avertit l’ACL) ou manque de stations de recharge électrique. Autant le savoir, faire un check-up du véhicule et veiller à des conducteurs en forme, pour garder son automobilité intacte…

Alain Ducat
Photos : Infogreen / ACL