Entre cuir et terre, les alternatives dont ne souffre aucune chair

Entre cuir et terre, les alternatives dont ne souffre aucune chair

Selon la RTBF, « tous les ans, 1,4 milliard de peaux de vaches, moutons et chèvres sont transformées en cuir ». Très utilisé dans la mode, ce matériau est conçu aux dépens du bien-être animal, humain, écologique. Des alternatives existent et de plus en plus de designers s’y intéressent.

Une fois retirées, les peaux subissent ensuite 25 à 30 opérations pour être épilées, lavées, tannées, teintes et façonnées. 80 % de cette production de cuir est issue de pays en voie de développement, où les normes environnementales sont beaucoup moins élevées.

Pour les grandes marques de luxe, les chaussures et la maroquinerie – majoritairement réalisés en cuir – représentent jusqu’à 75 % de leur chiffre d’affaires. Faire du profit de masse est impossible sans le cuir. Les principaux grands groupes (LVMH, Kering) ont un code de conduite qui semble exemplaire, mais ne réalisent aucun contrôle auprès des entreprises auxquelles ils délèguent la production. Les sociétés de séchage, telles que Termoplak en Italie, engagent des Sénégalais, plus résistants aux conditions de chaleur, en ne leur proposant que des intérims à longue durée dans des conditions plus que minimalistes : journées de 13 heures, équipement professionnel acheté à charge personnelle, salaires pas toujours attribués, etc. Résultat : en Italie, les chiffres concernant les accidents de travail sont deux fois plus élevés pour les étrangers que pour les Italiens.

Au rayon fourrure, rien de plus glorieux. Toujours en Italie, les employés touchent un salaire de 26 euros/jour et sont contraints de retirer les peaux de lapins encore vivants. Des images et des informations à découvrir dans l’émission « Luxe, les dessous chocs » de Cash Investigation (octobre 2018).

VIDÉO : https://www.youtube.com/watch?v=1IR...

Pour le documentaire d’Andrew Morgan « The True Cost » (2015), le réalisateur s’est rendu à Kanpur, ville située le long du Gange en Inde. Chaque jour, plus de 50 millions de litres de déchets toxiques (chrome hexavalent) venant des 700 tanneries locales sont déversés dans le fleuve et se retrouvent dans les fermes et dans l’eau de consommation. Ici, du cuir bon marché est préparé et livré aux enseignes internationales. Les habitants ont de nombreux problèmes cutanés (rougeurs, furoncles, pustules) et souffrent de jaunisse, de maladies de l’estomac et de cancers dus à ces composants.

Le cuir se végétalise

Dans le meilleur des cas, le cuir est issu d’animaux d’abattoir et traité avec des produits naturels, moins polluants. Mais pour certains designers, le recours aux ressources animales n’est tout simplement pas envisageable. C’est le cas de Stella McCartney, styliste anglaise végétarienne bien connue pour ses convictions et collections écoresponsables. Elle a recours à des alternatives telles que le polyester recyclé (pour la Stan Smith végane, par exemple), le néoprène, la soie d’araignée artificielle, etc.

Des solutions végétales voient également le jour depuis quelques années. La plus connue est Piñatex, un cuir d’ananas. « Sachant qu’il y a 13 millions de tonnes de déchets de feuilles dans la production d’ananas chaque année, si l’on valorisait l’ensemble, le Piñatex pourrait remplacer de moitié le marché du cuir mondial », expliquait Mélanie Broyé-Engelkes, présidente d’Ananas Anam, société qui distribue le Piñatex, aux journalistes de La Croix.

D’autres cuirs végétaux sont créés à partir de champignons, de raisins, de bananes, ou encore le cuir de pomme utilisé par Philippe Starck pour son mobilier. « C’est beau, c’est confortable, un canapé en cuir, mais pourquoi s’arrêter là ? Nous faisons semblant de ne pas entendre la question, mais il faut trouver d’autres solutions. Aujourd’hui, peut-être des pommes nous offrent un début de réponse », expliquait le designer à l’occasion de la sortie de l’installation « Cassina croque la Pomme ».

Une alternative un peu plus polémique est constituée à partir d’ADN humain (qui n’implique toutefois aucune souffrance). Le produit, proposé par Pure Human au Royaume-Uni, est fabriqué à partir de l’ADN contenu dans les cheveux.

Video : https://tinyurl.com/y9c6g2mu

« Design is not just about product. Design is about responsibility. » – Carmen Hijosa, créatrice du Piñatex

Marie-Astrid Heyde
Dossier du mois Infogreen « Les dessous du textile »

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Publié le mardi 26 février 2019
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