« Enclencher la transformation systémique et durable »

« Enclencher la transformation systémique et durable »

Le CSDD veut « préparer concrètement le Luxembourg aux enjeux écologique, climatique, alimentaire et social ». Et adresse des propositions aux partis politiques à l’approche des élections de 2023.

Résumé exécutif communiqué par le Nohaltegkeetsrot (Conseil supérieur pour un développement durable – CSDD) – Le texte intégral se trouve en PDF ci-contre

Au Luxembourg, s’il est vrai que le développement durable fait désormais partie de notre paysage politique, le court terme et la pensée sectorielle semblent malheureusement toujours dominer l’horizon. Et pourtant, les enjeux auxquels nos prochains gouvernants vont devoir faire face sont immenses et surtout urgents.

Pour le Nohaltegkeetsrot (Conseil supérieur pour un développement durable, ici le “Conseil”), la durabilité est bien plus qu’un principe de gouvernance et elle va plus loin que les pratiques écologiques. La durabilité a pour ambition de mettre en marche une transformation complète, qui respecte les limites écologiques, qui nous mène à la souveraineté alimentaire, qui soit juste d’un point de vue climatique mais aussi d’un point de vue social et intergénérationnel. À cet effet, le Luxembourg a besoin d’un plan sur le long terme.

Quelles transformations ?

A tous les partis politiques, le Conseil demande d’établir une feuille de route qui apporte, sur les 20 prochaines années, des réponses concrètes aux grands défis qui se présentent à notre société, pour :

  • face à la crise climatique, décarboner vite et, en priorité, l’énergie, les bâtiments, les transports, l’industrie et l’agriculture
  • face aux ressources limitées, transformer notre économie linéaire en économie circulaire
  • face à la chute de la biodiversité, adopter une gestion durable des écosystèmes pour les préserver et leur permettre de se régénérer
  • face aux multiples facettes de la fracture sociale, traiter équitablement les personnes tout au long de la chaîne de création de valeur
  • face au défi numérique, faciliter la maîtrise des outils pour participer pleinement à la société, tout en y apportant un regard critique.

Avec quelle approche  ?

De nombreuses initiatives ont vu le jour ces dernières années  ; mais pour la plupart, elles ne présentent pas de liens transversaux et ne sont pas coordonnées dans le cadre d’un système cohérent. Gouverner n’est pas réagir aux problèmes mais se donner une vision claire et une stratégie sur le long terme. Pourtant, ces champs de transformation sont intimement liés et, pour les aborder de manière efficace, la cohérence entre toutes les actions est absolument nécessaire.

Penser de manière systémique dans l’analyse des champs de transformation

  • Concevoir des interfaces entre les systèmes (technologies, marchés et infrastructures, pratiques des utilisateurs, valeurs, instruments politiques) et analyser l’impact de leurs interactions sur la consommation de ressources.
  • Identifier les tendances sociales, les évaluer et y apporter une réponse politique
  • Promouvoir les innovations sociales et institutionnelles, et intégrer de nouveaux acteurs et les citoyens
  • Mettre fin aux pratiques non durables et accompagner cettesortie pour qu’elle ne se transforme pas en rupture
  • Intégrer le facteur «  temps  » dans les politiques…

La combinaison de ces approches permettrait d’enclencher une réelle transformation du pays. Afin d’assurer une cohérence, la durabilité doit être sous la responsabilité du Premier Ministre.

D’autre part, le Conseil demande aux partis politiques de mettre l’accent dans leur programme électoral sur les champs de transformation reconnus au niveau mondial.

Des domaines d’action interministériels pourraient être ainsi définis et la responsabilité commune de l’ensemble des ministres pour relever ces défis serait clairement énoncée.

Dans cette perspective, le Conseil propose une combinaison de ces approches de consultation sur les objectifs 2050 du Luxembourg, au sein d’une assemblée citoyenne telle que le « Biergerkommitee Lëtzebuerg 2050 ». Les conclusions de cette consultation seraient inscrites dans une loi qui engagerait les gouvernements successifs et permettrait ainsi une réelle action à long terme.

Où et comment agir concrètement  ? Quelles pistes d’action  ?

Dans chaque domaine de transformation du pays que le CSDD considère comme les plus importants sont cités quelques exemples d’actions que le prochain gouvernement pourrait concrètement mettre en œuvre (le document complet en comporte bien d’autres et avec plus de détails).

Les leviers essentiels :

Des indicateurs adaptés pour une évaluation réelle

Afin d’avoir une représentation effective et transparente de l’état de la société et du pays, l’indicateur du PIB est insuffisant et peut même être contreproductif. Le Conseil demande ainsi que deux autres indicateurs à suivre trimestriellement, soient ajoutés au PIB  ; le Luxembourg Index of Wellbeing (LIW) et l’empreinte écologique (Footprint).

Une seule planète  : comment réduire l’empreinte écologique par secteur

Agriculture : de 1,3 à 0,5 planètes ! Réduire le cheptel bovin (lait et viande), taxer les importations de soja pour l’alimentation animale, d’engrais artificiels et de produits phytosanitaires.

Construction : de 0,78 à 0,3 planète ! Augmenter les taxes sur la consommation de ressources primaires, les diminuer sur les matières premières secondaires (favoriser le réemploi et la réutilisation ; développer une chaine de valeur complète du bois de construction (plutôt qu’acier ou béton) et créer un pôle d’excellence (formation, plateforme de vente de matières premières, Materialprüfanstalt).

Produits manufacturés : de 1,09 à 0 planète ! Transposer les 7 principes de l’économie circulaire dans chaque secteur de production et adopter un objectif de réduction de 50% de ressources primaires d’ici 10 ans. Mettre en place un indicateur de consommation de matières premières de 6 t par personne d’ici 2050 (comme aux Pays-Bas).

Energie pour les ménages : de 0,85 planète à 0 planète ! Lancer une stratégie nationale de sobriété énergétique ; être plus ambitieux que le PNEC et soutenir les énergies renouvelables décentralisées ; simplifier les démarches pour la rénovation énergétique ; mettre en place une infrastructure pour une production d’énergie concertée et décentralisée (beaucoup de petits producteurs à connecter dans un réseau formant ensemble une centrale électrique).

Energie pour les entreprises  : de 0,66 à 0 planète ! Mieux coordonner l’implantation de zones d’activités économiques en regard de l’impact énergétique et environnemental ; améliorer le raccordement au réseau ferroviaire international pour réduire le fret aérien ; d’ici 2025, abolir les avantages fiscaux liés aux voitures de fonction.

Fret aérien : de 0,49 à 0 planète ! Taxer le kérosène de manière adéquate et développer la production de carburant à base d’énergies renouvelables.

Tourisme à la pompe : de 1,63 à 0 planète ! Abolir l’avantage de taxation sur les carburants, le tabac et l’alcool par rapport aux pays voisins ; réorganiser les recettes de l’Etat pour compenser la perte fiscale liée à l’électrification du transport routier.

Souveraineté alimentaire : comment nourrir le pays de façon durable

  • Faire de la souveraineté alimentaire (pouvoir développer son propre système, sain, culturellement approprié et durable) une priorité transversale dans la politique alimentaire du pays - à ne pas confondre avec auto-suffisance
  • Traduire les exigences de la stratégie « Farm to Fork » en obligations légales
  • Assortir le projet de loi sur l’agrément d’un système de certification des produits agricoles de critères ambitieux et vérifiables (no greenwashing).

Équité et justice entre générations

  • Afin d’assurer une plus grande équité entre générations, créer un cadre légal pour freiner l’évolution des pensions, qui actuellement sont financées par un nombre toujours croissant de cotisants « entrants » dans le système, mais qui eux ne profiteront pas des mêmes bénéfices de retraite – ce qui freinerait aussi la croissance et l’empreinte écologique du Luxembourg (une des plus élevées au monde)
  • Assurer un découplage entre prestations sociales et croissance économique
  • Financer les cotisations de retraite par l’impôt.
  • Utiliser la fiscalité comme levier de la durabilité : réduire la charge fiscale du travail et augmenter la charge fiscale pour l’utilisation des ressources
  • Exonération de TVA sur les activités de maintien de la valeur (réparation, recyclage, refabrication).

Un logement accessible pour tout le monde sans empiéter sur la nature

  • « No land take » ! Avec assez de surfaces scellées disponibles pour abriter un million de personnes, mieux utiliser l’existant, permettre la mixité des zones pour les différents usages, densifier les villes et villages le long des axes ferroviaires
  • Promouvoir l’accès progressif au logement et en finir avec le « ou posséder ou louer »
  • Faciliter l’accès aux terrains (hors zone verte) aux collectifs/coopératives d’habitation.

Changer radicalement l’éducation

  • Intégrer les contenus du développement durable et la pensée systémique au centre du développement scolaire et dans le fonctionnement des établissements
  • Alléger les horaires et programmes pour créer des espaces libres permettant aux jeunes une progression par projet dans la résolution de problèmes liés à la crise climatique, la biodiversité et les défis de la société du futur (Frei-Day ou “Schule anders denken”)
  • Ancrer l’éducation au développement durable dans la formation initiale et continue de tous les acteurs de l’éducation.

Approche systémique : transformer l’action politique

  • Renforcer l’intégration et la coordination entre les stratégies et projets des différents ministères, parfois contradictoires
  • Créer un secrétariat d’Etat à la coordination de la politique nationale de développement durable au sein du ministère d’Etat
  • Assurer un Nohaltegkeetscheck pour les projets de loi, règlements et soumissions publiques suivant des critères transparents et traçables (cahier des charges développement durable), en y ajoutant une partie politesche Kohärenzcheck.

Citoyens : la clé du changement

  • Afin d’augmenter l’acceptation des mesures climatiques et de mobiliser le talent des citoyens, doter les processus de décision d’une forte dimension citoyenne (politiques environnementales, aménagement du territoire, politiques sociales
  • Élaborer des outils de participation citoyenne (comme tirage au sort ou système rotatif), dépassant la simple consultation publique
  • Former des facilitateurs pour participation citoyenne à tous les niveaux de la sphère publique (ministères, administrations, parlement, communes...).

Conclusion

Des changements radicaux nous attendent. Face à l’envergure de ces chantiers de transformation, mesurer l’état de notre société par la seule voie du PIB semble particulièrement dérisoire.

Pour le CSDD, les indicateurs de Bien-être dont s’est doté le Luxembourg pourraient apporter d’autres dimensions permettant d’évaluer l’avancement vers une société plus durable.

Communiqué
Publié le vendredi 15 juillet 2022
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