En matière d'énergie, « le potentiel national est limité »

En matière d’énergie, « le potentiel national est limité »

Lex Delles, ministre de l’Économie, des PME, de l’Énergie et du Tourisme, explicite les grandes ambitions du Luxembourg vers un approvisionnement énergétique plus durable.

Le Luxembourg importe une grande part de son électricité et de son gaz. L’accord de coalition mentionne un renforcement de cette sécurité d’approvisionnement transfrontalière. Le pays restera donc dépendant de ses voisins belges (gaz) et allemands (électricité) ?

Le Luxembourg dispose d’un certain potentiel pour différentes formes d’énergie, dont l’énergie solaire et éolienne, et décrit dans son PNEC (Plan national intégré en matière d’énergie et de climat, NDLR) comment ce potentiel sera exploité au mieux. Cependant, en raison de sa taille et des conditions météorologiques, le potentiel national est limité. Ainsi, comme pour beaucoup d’autres produits et services, nous collaborons avec d’autres pays, et le Luxembourg est heureusement très bien intégré dans un marché intérieur de l’énergie européen. La Belgique et l’Allemagne sont en effet des partenaires particulièrement importants dans le domaine de la politique énergétique.

Le Luxembourg collabore également avec d’autres pays, dont la Lituanie et le Danemark, afin d’atteindre ses objectifs nationaux dans le domaine des énergies renouvelables.

Quels sont les critères d’achat de ces énergies ? Un accent est-il mis sur la durabilité ?

Au niveau des fournisseurs, un accent est mis sur la durabilité moyennant les garanties d’origines. Ces garanties permettent une comptabilité rigoureuse des quantités d’énergies renouvelables produites et consommées, et peuvent être utilisées par les fournisseurs pour indiquer l’origine de l’électricité fournie.

Comment se compose actuellement le mix énergétique et vers quelle répartition souhaitez-vous aller ? À quelle échéance ? Comment y parvenir ?

Actuellement, le mix énergétique luxembourgeois (en 2022) se compose d’une large part de pétrole (64%), et de 13,7% d’énergies renouvelables.

Comme le décrit le PNEC, la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique devra atteindre 37% en 2030, couplé avec une réduction des émissions de gaz à effet de serre de -55% par rapport à 2005.

Pour y parvenir, toute une série de mesures sera mise en œuvre qui sont décrites dans le PNEC.

  • Déploiement accéléré du photovoltaïque grâce à des appels d’offres et une multitude de mesures règlementaires et économiques
  • Augmentation de l’électricité éolienne par les projets de « Repowering » et l’autorisation de nouveaux sites
  • Recours aux pompes à chaleur pour augmenter la part des énergies renouvelables dans le secteur du chauffage
  • Développement d’une infrastructure pour le transport et le stockage de l’hydrogène renouvelable et utilisation de l’hydrogène dans les secteurs de l’industrie difficilement électrifiables
  • Incorporation de biocarburants, déploiement accéléré de l’électromobilité et utilisation de l’hydrogène et de ses dérivés dans les différents secteurs du transport

L’accord de coalition mentionne des investissements substantiels dans le développement de l’infrastructure de réseau. Pouvez-vous détailler ces projets ?

Afin de continuer à disposer de capacités d’interconnexion électrique suffisantes pour affronter la transition énergétique, que ce soit du côté de la consommation ou de la production décentralisée d’électricité sur base d’énergies renouvelables, différents projets seront mis en œuvre. À part les efforts pour mettre à niveau les capacités de transport permettant d’acheminer la production d’électricité renouvelable du nord du pays vers les centres de consommation du centre et du sud du pays en modernisant les lignes existantes, le projet 380 assurera les interconnexions nécessaires pour l’accès à la zone de marché commune avec l’Allemagne.

Pour le domaine de l’hydrogène, le Gouvernement a publié une stratégie fin 2021. Pour les infrastructures de réseau, différentes analyses sont en cours, en étroite collaboration avec tous les pays voisins, afin de mettre en œuvre la stratégie et pour s’intégrer dans un système d’approvisionnement paneuropéen.

Quels rôles jouent les acteurs privés dans cette transition énergétique ?

Les acteurs privés jouent un rôle central dans la transition énergétique, et ceci main dans la main avec le gouvernement. Dans le cadre de l’initiative « Klimapakt fir Betriber », le gouvernement soutient les entreprises en matière de décarbonation et de transition énergétique à travers le conseil, la mise à disposition d’une boîte à outils, le co-financement d’investissements et la mise en relation avec des acteurs clés et des entreprises.

Afin de motiver les entreprises à accélérer encore davantage leur transition énergétique, des appels d’offres sont également régulièrement organisés, notamment pour promouvoir l’autoconsommation de l’électricité produite à partir de centrales photovoltaïques, ou encore pour accélérer le déploiement de bornes de recharge pour véhicules électriques dans les entreprises.

Et les communes ? Certaines ont déjà investi de manière conséquente dans les énergies renouvelables. Comment inciter les autres à faire de même ?

Les communes ont compris qu’un investissement dans les énergies renouvelables leur permet de réduire leurs coûts d’énergie et d’être moins dépendantes des prix variables de l’énergie du marché. Dans le cadre de leur engagement dans le Pacte Climat 2.0, elles sont d’ailleurs incitées à mettre un accent sur la production locale d’énergie sur le territoire communal. Ceci concerne la production locale d’électricité, mais aussi, par exemple, les réseaux de chaleur à base de sources d’énergies renouvelables, qui sont un élément important dans la décarbonation du bâti existant.

En ce qui concerne l’amélioration de l’efficacité énergétique, une nouvelle directive européenne relative à l’efficacité énergétique, qui est en cours de transposition au niveau national, oblige tous les organismes publics (c.-à-d. l’État et les communes) à réduire leur consommation d’énergie finale d’au moins 1,9% chaque année. L’amélioration de l’efficacité énergétique et le passage aux énergies renouvelables sont la base pour une transition énergétique efficace.

Quelles mesures seront instaurées pour encourager les ménages à investir dans les énergies renouvelables ?

En plus de l’offre de conseil gratuite disponible à la Klima Agence pour accompagner les citoyens dans leur transition énergétique, les ménages bénéficient d’aides financières intéressantes s’ils désirent investir dans les énergies renouvelables : les primes « Klimabonus » contribuent, par un soutien financier, à encourager l’action individuelle en matière de changement climatique et de transition énergétique.

Par ailleurs, les ménages désirant installer des panneaux photovoltaïques peuvent opter pour l’autoconsommation ou l’injection de l’électricité dans le réseau. Dans le premier cas, des aides à l’investissement plus élevées (62,5%) sont proposées, dans le deuxième, on bénéficie d’une aide à l’investissement de 20 % pour la mise en place de panneaux photovoltaïques opérée en « mode injection » et d’un tarif d’injection garanti.

D’autres initiatives existent : ainsi, à Differdange, le projet pilote « zesumme renovéieren » a été mis en place par la Ville de Differdange et Klima-Agence. Ce projet propose des solutions d’accompagnement complètes pour réussir la rénovation énergétique de logements à grande échelle sur tout le territoire de la ville de Differdange.

À cela s’ajoute que le Gouvernement prévoit de faciliter l’accès aux subventions écologiques. Tel qu’indiqué dans l’accord de coalition, le préfinancement des subventions climatiques sera introduit, de sorte à ce que les citoyens n’aient plus qu’à s’acquitter de leur part. Dans ce contexte, le Gouvernement s’assurera également que les entreprises concernées reçoivent les subventions étatiques endéans un délai bref.

Le gouvernement compte-t-il inciter les résidents à modifier leurs comportements en matière de consommation énergétique afin de mener à plus de sobriété ?

Chaque citoyen a un rôle important à jouer dans la réduction de notre consommation énergétique. Voilà pourquoi le gouvernement a lancé, en septembre 2022, la campagne nationale de sensibilisation « Zesumme spueren – Zesummenhalen », destinée à informer les citoyens sur les mesures à mettre en place pour économiser de l’énergie.

En 2023, la campagne a été renouvelée sous le slogan « Ton énergie fait la différence » afin d’inciter les résidents à contribuer par de petits gestes à davantage de sobriété : mieux utiliser le chauffage, utiliser si possible les transports publics, éteindre les lumières dans les pièces non utilisées, etc.

Propos recueillis par Marie-Astrid Heyde
Photo : gouvernement.lu
Cet article est extrait du ➡️ dossier du mois consacré aux transitions et qui a pour titre « Embarquement immédiat »

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Publié le vendredi 29 mars 2024
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