
Des nouveaux quartiers plus durables et inclusifs grâce à la mobilité
Lorsqu’on conçoit un nouveau quartier, la mobilité est centrale. Comme l’explique Jordan Adans, co-gérant du bureau d’architecture et d’urbanisme E-cone, il s’agit de concilier les intérêts de toutes les parties prenantes du projet et des usagers, mais aussi les exigences légales.
Dans la conception d’un quartier, à quel moment la question de la mobilité se pose-t-elle ?
Jordan Adans : Très tôt, parce que la mobilité est fondamentale dans ce type de projet, elle représente l’ossature d’un nouveau quartier. La première chose sur laquelle nous devons nous pencher, ce sont les voiries d’accès. La topographie du terrain détermine la manière dont nous allons devoir les concevoir, mais il faut aussi prendre en compte les biotopes ou encore les couloirs verts qui traversent le site. Notre but est d’harmoniser au mieux notre implantation. Nous allons forcément artificialiser un site naturel, mais nous cherchons à avoir le minimum d’impact.
Qui détermine la place à donner à la mobilité douce dans un nouveau quartier ?
Évidemment, il y a le cahier des charges du promoteur. Pour un client, nous travaillons par exemple sur un quartier sans voiture. Les habitants ne pourront pas se garer devant leur maison, il faut donc prévoir un endroit où les voitures seront regroupées, mais il faut toujours laisser la possibilité de venir jusqu’aux habitations, ne serait-ce que pour un camion de déménagement ou une ambulance.
Le promoteur s’engage sur le plan économique, mais c’est l’administration communale qui, une fois le quartier construit, va recevoir les infrastructures publiques et devoir les entretenir. En même temps que l’élaboration du PAG, les communes fixent les schémas directeurs pour les zones de développement urbain (PAP), déterminant ainsi les couloirs de mobilité douce à prévoir, ce afin d’assurer une cohérence de développement sur le territoire communal.
Nous devons aussi obtenir des autorisations ministérielles pour les Plans d’aménagement particulier (PAP) que nous élaborons. Nous avons ainsi des discussions avec les ministères concernés (de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement etc.) au sein de la plateforme de concertation. Notre travail est de réussir à concilier les visions de tous ces acteurs.
Quels sont les intérêts que défendent les institutions publiques dans un tel projet ?
Depuis un certain temps, on parle beaucoup plus du bien-être de l’habitant et d’écologie. Dans les années 80, c’était le tout à la voiture : les rues étaient larges et les rayons pour les tournants importants, la circulation n’était pas apaisée. Aujourd’hui, les trottoirs prennent plus de place, on a des espaces partagés où la priorité est donnée à la mobilité douce et les voiries sont globalement moins larges. Tout cela a un impact important sur la dimension totale d’un projet de quartier.
Avec cette évolution de la vision de la mobilité, on libère de la surface pour les espaces verts publics par exemple, qui doivent d’ailleurs être de qualité, pour faire face aux conséquences du réchauffement climatique notamment. C’est-à-dire suffisamment grands, avec une végétation haute et importante pour créer des couloirs d’air frais et des zones d’ombrage.
Pour faciliter la mobilité de tous, vous êtes également soumis à des exigences relatives à l’accessibilité.
Oui, il faut notamment respecter un ratio de places réservées PMR (personnes à mobilité réduite) sur le nombre de places de parking total, ou encore prévoir un marquage au sol et des marquages auditifs pour les personnes avec une déficience visuelle.
Mais ce qui aide les uns n’aide pas forcément les autres. Il y a aujourd’hui une tendance des zones de rencontre sans trottoir, où la circulation est partagée entre tous les usagers, piétons et véhiculés. La bordure du trottoir est pourtant un vrai repère pour les aveugles et malvoyants.
Chaque nouvelle exigence est donc un nouveau challenge ?
Nous sommes soumis à un grand nombre de lois. De nouveaux textes sortent régulièrement et nous obligent à nous remettre en question. Par exemple, la loi sur l’accessibilité des lieux publics, des voies publiques et des bâtiments d’habitation collectifs, ainsi que deux règlements grand-ducaux, mais une sorte de flou persiste quant à leur mise en application dans les espaces rues.
Sur un site à forte déclivité, par exemple, nous devons assurer l’accessibilité d’un espace vert public depuis des habitations situées plus en hauteur. Construire une rampe d’accès n’est pas possible car cela prendrait beaucoup trop de place. L’alternative est d’emprunter la rue adjacente, mais la pente est trop importante pour un fauteuil roulant. Nous avons prévu un rendez-vous avec une personne de chez ADAPTH (asbl de conseil en accessibilité) pour discuter des solutions envisageables. Nous cherchons donc des solutions avec des conseillers en accessibilité (de chez ADAPTH par exemple) afin de minimiser ces obstacles.
Même avec toute notre volonté, nous n’arrivons pas à assurer que 100% de la population ait accès à l’espace que nous allons créer, c’est parfois frustrant pour nous. La solution parfaite n’existe pas aujourd’hui, mais des innovations verront le jour dans le futur, nous y travaillons !
Propos recueillis par Léna Fernandes
Photo de couverture : © Picto
Extrait du dossier du mois « En route ! »