Des enfants contraints à la rue faute d'enregistrement d'asile

Des enfants contraints à la rue faute d’enregistrement d’asile

L’association Passerell dénonce la multiplication des refus d’enregistrement de demandes d’asile au Luxembourg. Depuis juin 2025, vingt-et-un cas ont été recensés, dont plusieurs enfants et mineurs isolés. Des familles se retrouvent ainsi sans abri, en violation du droit fondamental à la protection.

Il y a quelques jours, le gouvernement luxembourgeois publiait un communiqué dans lequel il se disait « engagé pour une politique d’immigration à la fois humaine et responsable ». Mais Passerell constate avec indignation que des personnes se voient régulièrement refuser l’enregistrement de leur demande d’asile par les autorités luxembourgeoises. Les conséquences de cette pratique sont dramatiques.

En 2020 déjà, nous alertions sur ces violations régulières des droits humains. Nous nous désolons de voir que, cinq ans plus tard, des pratiques continuent d’entraver le droit fondamental de demander l’asile : exigences injustifiées de présentation d’un document d’identité, pressions exercées sur des personnes se déclarant mineures pour qu’elles se reconnaissent comme majeures, ou encore discours dissuasifs affirmant qu’elles « n’ont aucune chance » en raison du règlement Dublin III. Ces pratiques, qui visent à décourager les personnes en quête de protection, sont contraires au droit international et européen, et bafouent les principes essentiels de l’accueil des demandeurs d’asile.

Depuis juin 2025, Passerell a recensé 21 refus d’enregistrement de demandes de protection internationale au Luxembourg, dont deux mineurs non accompagnés et quatre familles avec des enfants mineurs. Il ne s’agit que des personnes qui ont pu se rendre dans nos bureaux pour demander notre aide : le chiffre réel est vraisemblablement beaucoup plus élevé.

Ces refus privent les personnes concernées de tout accès aux conditions matérielles d’accueil, notamment à un hébergement, les laissant sans solution ni protection. Nous venons d’être confrontés à un cas particulièrement alarmant, survenu le 16 octobre 2025 :

Une famille comprenant cinq enfants âgés de 10 mois à 7 ans, s’est vue refuser l’enregistrement de sa demande de protection internationale par la Direction Générale de l’Immigration. Bien qu’aucune décision formelle n’ait été prise sur leur demande d’asile, une interdiction de site a été émise par l’Office national de l’accueil (ONA), les empêchant d’accéder au Centre de primo-accueil Tony Rollman.

La famille s’est retrouvée contrainte de passer la nuit dehors, avec ses cinq enfants, dont un nourrisson. Malgré nos interpellations auprès des autorités sur la mise en danger manifeste de ces enfants, aucune réponse ni réaction ne nous est parvenue. Le lendemain, accompagnée par une membre de notre équipe, la famille s’est de nouveau présentée à la Direction Générale de l’Immigration. Face à la situation d’extrême vulnérabilité de ces enfants, la seule réponse fut : « nous ne sommes pas un hôtel ».

Ce cas n’est malheureusement pas isolé. En dépit des communications publiques du ministre de l’Intérieur, « il est de plus en plus difficile de voir de l’humanité dans les pratiques de la direction générale de l’Immigration ». Celle-ci émet de plus en plus souvent des interdictions d’hébergement en fin de journée ou de semaine, sans se soucier du devenir immédiat des familles concernées.


« Ces pratiques exposent des enfants à la rue, dans des conditions indignes et dangereuses, contraires aux engagements internationaux du Luxembourg. »

Catherine Warin, présidente de Passerell

Concrètement, quelle que soit leur situation administrative, les personnes souhaitant solliciter l’asile doivent pouvoir déposer leur demande et recevoir une décision officielle - positive ou négative - contre laquelle elles peuvent, le cas échéant, exercer un recours. Dans l’attente de cette décision, elles doivent avoir accès aux conditions matérielles d’accueil, et notamment à un hébergement.


« A l’approche de l’hiver, nous sommes d’autant plus inquiets que les conditions d’accueil des exilé·es se sont fortement dégradées de façon générale. »

Clara Bertrand, juriste chez Passerell

A l’époque de notre première alerte, les personnes souhaitant déposer une demande de protection internationale étaient au moins hébergées dans un centre primo-accueil avant leur passage à la Direction de l’Immigration. Désormais, c’est le passage devant les autorités et la délivrance d’un « papier-rose » qui ouvrent le droit aux conditions matérielles d’accueil.

Passerell appelle les autorités à revoir très sérieusement leur fonctionnement pour garantir un accueil et des procédures dignes. L’association continuera bien sûr d’agir aux côtés des plus vulnérables pour garantir que leurs droits fondamentaux - y compris celui de chercher la protection au Luxembourg – soient pleinement respectés.

Communiqué par Passerell
Photo : Licence CC

Communiqué
Publié le jeudi 6 novembre 2025
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