Derrière l'industrie du chocolat, encore le travail des enfants !

Derrière l’industrie du chocolat, encore le travail des enfants !

Fairtrade fait le bilan, 20 ans après l’engagement d’éradiquer le travail des enfants dans le secteur du cacao, qui affronte aussi beaucoup d’autres problèmes, comme la pauvreté, la déforestation massive, la dépendance aux pesticides, des violations des droits humains élémentaires… Pour l’ONG, s’appuyant sur des études indépendantes, les promesses de l’industrie du chocolat restent lettre morte.

Avez-vous bien acheté vos chocolats de Pâques ? Les avez-vous digérés ? Changeriez-vous quelque chose si vous connaissiez les dessous de la filière cacao ?

L’ONG Fairtrade s’engage depuis des années dans ce secteur mondialisé qui fait souffrir au Sud. Et ses messages sont régulièrement relayés par les articles d’Infogreen et 4x3 (encore à l’approche des fêtes de fin d’année 2020 par exemple).

L’association vient de relancer un pavé, en forme de bilan et de cri d’alarme. Geneviève Krol et Jean-Louis Zeien, respectivement directrice et président de Fairtrade Lëtzebuerg, dressent un bilan sans fard de deux décennies d’interventions volontaires… et de promesses non concrétisées par l’industrie chocolatière.

Le contexte et les chiffres parlent. « En 2001 aux États-Unis, le travail des enfants et la traite humaine dans les plantations de cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana défraient la chronique. Les consommateurs sont sous le choc et se demandent si le cacao de leur chocolat est cultivé par des esclaves. La réaction politique ne se fait pas attendre, puisque selon l’Organisation internationale du travail (OIT), la traite des enfants est une forme d’esclavage. Elle fait partie des pires formes de travail des enfants qui, selon la Convention n° 182 de l’OIT, doivent être éliminées immédiatement. Un énorme lobbying perfide de l’industrie du chocolat, alors en pleine croissance économique, se met en place pour une approche volontaire contre une réglementation contraignante. C’est dans ce contexte que le Protocole Harkin-Engel voit le jour et est signé en octobre 2001 par huit multinationales du cacao. Les signataires s’engagent à prendre des mesures concrètes pour identifier et éliminer le travail des enfants et à mettre en place un système de certification efficace. L’échéance étant fixée à 2005. Échéance qui a sans cesse été repoussée. L’histoire du Protocole Harkin-Engel dure depuis maintenant 20 ans et se résume effectivement à des promesses non tenues, à des échéances manquées et à des objectifs revus à la baisse ».
Les raisons sont multiples et surtout économiques. L’accord reposant sur une base volontaire, aucun contrôle n’est effectué. « Des efforts ont été certes réalisés par des entreprises dans le secteur du cacao, mais ils ont été largement insuffisants pour résoudre les problèmes. En plus, les entreprises ne sont pas sujettes à des sanctions pour non-respect de l’accord », souligne Fairtrade.

1,5 million d’enfants impliqués !

Le NORC (National Opinion Research Center) de l’Université de Chicago a mené une évaluation sur le travail des enfants dans la production de cacao dans les pays d’Afrique de l’Ouest.

Comme les 2 précédentes études indépendantes parues depuis ces dernières années, les résultats publiés au dernier trimestre 2020 indiquent que ce travail des enfants est encore très répandu dans les zones de production de cacao de Côte d’Ivoire et du Ghana.

Quelque 1,56 million d’enfants étaient impliqués, la plupart (1,48 million) dans un travail dangereux. « Et ce chiffre ne couvre pas le travail forcé, l’esclavage ou la traite des enfants », notent les ONG.

On connaît le cœur du problème : la grande majorité des quelques 2 millions de cacaoculteurs en Afrique de l’Ouest ne gagne pas assez pour vivre dans la dignité. « Mais l’industrie et les négociants continuent de tirer les prix des fèves de cacao vers le bas pour générer d’énormes profits, ce qui freine tout progrès. Pourtant un prix juste et équitable est un des remparts les plus efficaces contre le travail des enfants ».

La quête du commerce équitable

Le mouvement Fairtrade et sa quête du commerce équitable s’engagent depuis longtemps, avec des standards et des programmes mis en place par les réseaux de producteurs, matérialisés par des produits certifiés, accessibles dans les circuits de distribution.

« Le commerce équitable interdit l’emploi d’enfants de moins de 15 ans et aucun enfant de moins de 18 ans ne peut être engagé dans un travail dangereux ou compromettant sa santé, son éducation ou son développement. Si la législation nationale fixe un âge minimum plus élevé pour le travail des enfants, alors le commerce équitable exige que les producteurs respectent la législation nationale ».

Le respect des standards est vérifié par FLOCERT, une société indépendante, certifiée ISO, et comprend des audits annoncés et inopinés des organisations de producteurs certifiées et des exploitations de leurs membres. Une violation des droits de l’Homme entraîne la suspension et le retrait immédiat de la certification. Et des mesures sont mises en œuvre pour protéger les enfants, avec l’appui des agences nationales de protection de l’enfance et/ou les organisations de défense des droits de l’enfant, afin d’assurer un bien-être à long terme.

« Fairtrade est le seul système de certification qui a une exigence de prix minimum représentant un filet de sécurité pour les producteurs, ce qui offre déjà une différence significative sur les revenus des producteurs. Le prix minimum Fairtrade a connu une augmentation de 20% pour le cacao conventionnel depuis le 1er octobre 2019. En plus du prix minimum, les coopératives reçoivent une prime de développement de $240 par tonne qui bénéficie tant aux producteurs qu’à leurs communautés – la prime a aussi connu une augmentation de 20% depuis le 1er octobre 2019. Cette prime est destinée à financer des projets collectifs bénéficiant à l’ensemble de la communauté. Elle est distribuée aux coopératives de producteurs qui décident démocratiquement de son utilisation en fonction de leurs besoins et de leurs priorités. La prime de développement peut financer des initiatives locales pour améliorer les conditions de vie des communautés : accès à la santé, à l’éducation, accès à l’eau potable... »

Une approche durable, un appel aux gestes forts

Des projets pilotes ont été lancés dans différents pays du monde. L’approche est particulièrement durable, car les jeunes sont formés au sein des organisations de producteurs et des communautés et participent activement au processus.

Aujourd’hui, environ 323 000 producteurs et productrices de cacao regroupés en 323 coopératives bénéficient des conditions du commerce équitable. La majorité des coopératives de cacao Fairtrade se trouvent en Côte d’Ivoire avec 190 000 producteurs et productrices regroupés dans 208 organisations.

Fairtrade utilise tous les leviers à sa disposition. Avec des standards renforcés, des stratégies fortes pour l’autonomisation des femmes. « Le mouvement Fairtrade agit de manière systémique et holistique pour améliorer les conditions de vie de milliers de producteurs de cacao. Une voie qui devrait être adoptée par tous ».

Et Fairtrade Lëtzebuerg de conclure par un appel clair à des gestes forts : « Face à l’échec des initiatives volontaires des acteurs de l’industrie du cacao, il est temps que les politiques prennent leurs responsabilités. 20 ans ont été perdus pour montrer que l’autorégulation des fabricants de chocolat ne fonctionne pas ! L’introduction d’un devoir de diligence contraignant dans la législation avec la mise en place de règles et de sanctions efficaces pour les entreprises qui ne se conforment pas aux obligations, semble désormais être une voie concrète qui renforcera le respect des droits humains, surtout au niveau de l’abolition du travail des enfants ».

Alain Ducat

Avec Fairtrade Lëtzebuerg, partenaire Infogreen

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Publié le mardi 6 avril 2021
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