
Changer d’alimentation pour préserver le climat et nourrir l’humanité
Le climat dérègle l’agriculture mondiale, mais notre alimentation dérègle aussi le climat. Tout comme le GIEC, l’Observatoire de la politique climatique (OPC) appelle à transformer en profondeur notre système alimentaire. Cela commence dans nos champs, dans nos politiques… et dans nos assiettes.
Les changements climatiques compromettent la capacité de la planète à nourrir l’humanité. Sécheresses, canicules, inondations, maladies : les effets s’intensifient, comme le rappellent les derniers rapports du GIEC. Au Luxembourg, l’Observatoire de la politique climatique (OPC) montre que notre sécurité alimentaire est d’autant plus vulnérable que nous dépendons largement d’importations, de chaînes logistiques longues, et d’intrants fossiles (engrais, pesticides, carburants).
Mais notre alimentation est aussi une cause majeure du dérèglement climatique : elle représente environ un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Le Luxembourg dépasse de loin son « espace de fonctionnement sûr », notamment en matière de consommation de viande et de produits laitiers, selon le rapport 2024 de l’OPC. Une alimentation plus végétale, plus locale et comportant moins de gaspillage est donc une priorité pour atténuer notre impact.
L’OPC recommande une stratégie alimentaire nationale intégrée, liant santé, climat, biodiversité et résilience. Cela implique notamment :
- une réduction progressive des cheptels et de l’usage des engrais de synthèse ;
- la promotion de cultures diversifiées, résilientes et riches en nutriments ;
- un soutien accru au maraîchage local ;
- et des incitations à la gestion agroécologique des sols et de l’eau.
Les objectifs sont ambitieux mais essentiels : dédier 75 % des terres arables à la production d’alimentation humaine plutôt que d’alimentation pour du bétail d’ici 2030, porter la production légumière nationale à 20 %, et faire évoluer l’élevage vers des systèmes plus souples et régénérateurs des sols.
Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) souligne que de tels changements apportent de multiples co-bénéfices : baisse des émissions, amélioration de la santé, réduction des inégalités et renforcement des communautés rurales. L’OPC y voit aussi un élément de réponse aux fragilités du système financier : en investissant dans des systèmes alimentaires régénérateurs, le Luxembourg peut allier souveraineté alimentaire, stabilité climatique et prospérité durable.
Changer nos habitudes alimentaires n’est ni marginal, ni anecdotique. C’est au contraire l’un des leviers les plus puissants pour faire face à la crise climatique et construire un avenir juste. Cela passe par des choix personnels, mais aussi par des politiques cohérentes, alignées sur les limites planétaires, qui facilitent ces choix. L’urgence est là.
Autrice et auteur : Ariane König, professeure assistante à l’Université du Luxembourg (Social Ecological Systems Research) et Jean-Pascal van Ypersele, professeur émérite à l’UCLouvain et professeur invité à l’ULiège, ancien Vice-président du GIEC. Tous deux membres de l’Observatoire de la politique climatique du Luxembourg.
Les membres de l’OPC sont : Sabine Dörry (présidente a.i.), Enrico Benetto, Claire Dupont, Ariane König, Mirjam Kosch et Jean-Pascal van Ypersele
Extrait du dossier du mois « inTERREdépendance »c
Photos fournies par l’OPC