Brique par brique, manager pour décarboner et économiser

Brique par brique, manager pour décarboner et économiser

Bruno Renders est un convaincu de la « valeur carbone ». Le bilan carbone tel que l’IFSB le pratique depuis 10 ans est un puissant outil d’aide à la décision. Pour assumer les enjeux de la lutte climatique et de l’efficience « éconologique ». Et ça marche !

« Peut-on à la fois réduire son empreinte carbone et ne pas toucher au chiffre d’affaires de l’entreprise, voire faire des gains économiques mesurables ? Oui, sans aucun doute ». Bruno Renders, le patron du CDEC (Conseil de Développement Economique de la Construction) - qui intègre l’Institut de formation sectoriel du bâtiment (IFSB), COCERT (spécialisée dans la certification énergétique et carbone) et Neobuild, le pôle d’innovation technologique du secteur de la construction durable – est bien placé. « Nous allons avoir 20 ans et cela fait 10 ans que l’on fait notre bilan carbone sans concession. C’est un outil d’aide à la décision, qui permet de pratiquer un management adapté, pour prendre des mesures responsables. Appliquées au quotidien, elles donnent, brique après brique, une cohérence et une valeur à l’ensemble. »

Le bilan carbone IFSB (« scope 3 », le plus complet, intégrant toutes les données, input et output, de l’activité de l’entreprise) affichait (en 2020) 1099 tonnes de CO2 équivalent. 14% proviennent des immobilisations (le bâtiment était déjà basse énergie en 2007), 20% des déplacements, 16% de l’énergie, 48% des intrants, dont une grosse part de matériaux de construction liés à l’activité de formation. L’IFSB est dans une situation hybride, à la fois entreprise de services mais aussi entreprise de construction (avec la partie formation construction).

Agir partout où l’on peut

« On voit clairement où il faut agir. Il faut le faire, partout où l’on peut ». Pour l’énergie, on cherche l’impact significatif, la réduction de consommation, l’investissement intelligent et la circularité aussi. Concrètement ? « Notre chaudière au gaz à condensation a 15 ans et fonctionne toujours parfaitement, assurant 80% de nos besoins en énergie en association avec une chaudière biomasse (pellets) produisant les 20% restants. Cette dernière va cependant être remplacée mais, démontée, reconditionnée, elle pourra être remise en route ailleurs dans une logique de réemploi. Nous allons ainsi intégrer 2 nouvelles chaudières à pellets plus performantes. Cet investissement durable, réalisé avec les aides étatiques, assurera au minimum 90% de nos besoins et devrait permettre de réduire l’impact CO2 de 67% sur le poste chauffage. On peut le faire, c’est possible en 2022 ».

Même approche pour l’électricité. « D’abord produire un maximum ici ; et priorité à l’autoconsommation ». Toutes les toitures disponibles seront ainsi équipées en panneaux photovoltaïques, couvrant environ 40% des besoins. « Le focus se met désormais sur les façades, notamment dans le cadre d’un projet européen emmené par Neobuild sur le BIPV (Building Integrated Photovoltaïcs), qui s’appuie sur la recherche, les nouvelles générations de capteurs solaires ». Tous les leviers sont bons à actionner pour faire des bâtiments productifs aux nobles fonctions des lieux qui peuvent vivre sans puiser ni injecter dans le réseau (production, partage, stockage en batterie…), , jusqu’à explorer des pistes inédites, avec des partenaires industriels, notamment la biométhanisation recyclant des effluents organiques humains…

Le volet « déplacements et mobilité » est important, entre personnel, visiteurs et stagiaires de l’IFSB. « On regarde toutes les actions possibles. Une approche pragmatique du télétravail pour le personnel en fait partie. Mais attention : nous restons une entreprise de formation, de terrain, on ne gagne rien en rognant sur la qualité ; d’ailleurs, il ne faut surtout pas croire que le gain carbone se fait au détriment du chiffre d’affaires. » Le management a aussi agi sur la promotion de la navette électrique, gratuite et régulière, qui dessert la zone d’activités depuis la gare de Bettembourg ; sur la mutation de la flotte de véhicules en hybrides ou full électriques, avec extension de 4 à 10 bornes de recharge, à prix étudié pour les visiteurs. Et une étude de mobilité complète permet de savoir où, quand, pourquoi on se déplace et donc quels sont les besoins réels.

Ubérisation décarbonée

« De même, nous incitons nos stagiaires aux transports en commun, au co-voiturage depuis une même entreprise ou une même zone ; si les formations à distance sont possibles, on les propose. Si chacun fait un pas, chacun soigne le bilan carbone de l’autre. Imaginons que la valeur carbone soit ‘monnayable’ et puisse servir de compensation locale des émissions incompressibles, pour par exemple baisser le prix d’une formation en regard de l’effort fourni sur l’impact déplacement ».

La formule d’ « ubérisation décarbonée » peut s’appliquer à la logistique opérationnelle, à imaginer en collaboration avec d’autres occupants de la zone d’activités, en groupement d’achats par exemple. Quant aux intrants, qui font leur poids dans le bilan carbone annuel, ils s’améliorent sur les détails stratégiques : politique d’achats durables, gestion intelligente des « zones déchets » (il n’y a plus de poubelle individuelle au bureau par exemple), réutilisation et circularité pour les « chantiers » de formation (démontage, concassage sur place, recyclage), adaptation des situations pédagogiques, le cas échéant en complétant le réel de parties virtuelles (grâce à la réalité augmentée) pour éviter de monter des murs « inutiles » à l’apprentissage…

Encore un exemple concret ? « On a remplacé les bonbonnes d’eau par des distributeurs d’eau de ville potable. On évite la manutention de vidanges, le transport et ses coûts… C’est du management au quotidien, fait de mesures simples mais réfléchies, qui peuvent avoir un double impact. Tout mis bout à bout, cela devient très intéressant. C’est une forme d’évidence décarbonée ».

Alain Ducat
Photos : Fanny Krackenberger / Infogreen,

Extrait du dossier du mois « Petits pas, grandes avancées »

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Publié le vendredi 29 juillet 2022
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