Les scientifiques sauveront-ils le climat ?

Les scientifiques sauveront-ils le climat ?

Hélène Olivier-Bourbigou, Directrice du département catalyse de l’IFPEN* a présenté une conférence, le mercredi 3 février 2016 sur le Campus Limpertsberg à Luxembourg*, intitulée "Procédés éco-efficients et énergies renouvelables".

Question : Les scientifiques sauveront-ils le climat ?

Des sciences et une industrie en mutation

La démonstration effectuée par Hélène Olivier-Bourbigou sur les possibilités considérables d’amélioration des process industriels dans le domaine de la raffinerie du pétrole est parfaitement stupéfiante.

Ainsi, en prenant un exemple représentatif de la production de matières premières destinées à fabriquer des objets en plastique, Madame Olivier-Bourbigou démontre qu’il est possible à très court terme de révolutionner l’ensemble de la production mondiale, entre autres, par les progrès du travail de recherche sur les catalyseurs*.

Les évolutions majeures dans l’efficacité des traitements de la matière première conjuguées à la diminution drastique des impacts environnementaux permettent d’envisager des gains de productivité pouvant aller d’un facteur dix à un facteur cent.

Ce sont à la fois les démarches de recherche fondamentale et celles de recherche appliquée qui permettent ces progrès. La fondamentale définissant les nouveaux secteurs d’investigation (catalyseurs métalliques, catalyseurs enzymatiques, précédés homogènes ou biphasiques...) et l’appliquée transformant tout cela jusqu’à la mise sur le marché de produits plus vertueux.

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Le champ ouvert par le big data* et la modélisation

Les supercalculateurs interviennent aujourd’hui de façon déterminante dans la rapidité des avancées de recherche ainsi que dans la mise au point des produits finaux. Le big data est l’outil incontournable pour la validation d’hypothèses théoriques mais aussi dans le calcul d’optimisation des processes.

La modélisation informatique est la clé d’un développement plus efficient et d’une amélioration rapide des secteurs les plus polluants et énergivores.

Ainsi, la recherche fondamentale et l’industrie s’appuient bien sur ce qui sera la base de la troisième révolution industrielle, le code et les données, pour effectuer leur transformation et démultiplier les pistes de recherche et les solutions aux enjeux et à l’urgence du changement climatique.

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Vers des ressources renouvelables

Une branche entière est en train de se développer dans cette nouvelle approche tant des combustibles que des matières premières de la chimie : la conversion de la biomasse*.

La biomasse ligno-cellulosique (les matières végétales telles que le bois, les déchets végétaux, les sous-produits agricoles végétaux ou même les papiers et cartons) présente des caractéristiques en tout point comparables aux matières carbonées fossiles. Son avantage est d’être parfaitement renouvelable dans le cadre d’une gestion durable de leur production, elle est aussi sourçable par le recyclage dans le cadre de la mise en place d’une démarche d’économie circulaire.

Dans l’état actuel, la chimie du carbone basée sur la biomasse produit des matières premières intégrables à l’industrie telle qu’elle existe. Cependant l’enjeu des cinq à dix prochaines années est de révolutionner l’ensemble de l’industrie en concevant l’usine du futur basée sur des renouvelables.

Les défis plus larges de la transition énergétique et du réchauffement climatique

Tout ceci serait fort enthousiasmant mais il reste quelques questions à résoudre et elles ne sont pas d’ordre scientifique ou physico-chimique.

Dans un monde où la demande en énergie et produits issus des fossiles devrait croître de 44 % à l’horizon des trente prochaines années, pourrons-nous, avec les progrès scientifiques et technologiques seuls, relever ce défi ?

La diversification des sources de matière première telle la biomasse ou le recyclage ne risque-t-elle pas de rencontrer une forte concurrence d’usage, comme c’est déjà le cas entre les matières agricoles alimentaires et celles destinées aux carburant dits verts ?

Une démarche transversale s’impose, un cadre réglementaire est incontournable

Le marché à lui seul ne s’autorégulera pas, il ne s’apportera pas l’arbitrage nécessaire pour, à lui seul, assurer une refonte des principes qui le guident. Nous avons besoin de choix politiques et d’engagements forts pour orienter ces secteurs clés, nous avons aussi, et de façon cruciale, besoin de frugalité.

Toutes les bonnes volontés, toutes les intelligences doivent être réunies. La recherche et l’industrie doivent coopérer, la société civile doit faire pression sur le marché pour qu’il adopte des pratiques encore plus vertueuses quitte à rogner ses marges. Le politique enfin, à la croisée des chemins doit définir le cadre strict et réglementaire par les normes mais aussi la façon dont il finance la recherche. Il doit coordonner et faire converger chacun des acteurs dans l’intérêt général pour réussir cette fameuse transition énergétique, économique et sociétale.

Pascal Tabary
Spécialiste bois energie
Défricheur low tech

 

*Notes et références :

Catalyseur : Un catalyseur est un agent qui, lors d’une réaction chimique, n’intervient pas directement dans la réaction mais l’influe en accélérant sa vitesse ou en l’orientant dans une direction souhaitée et surtout en diminuant l’impact environnemental, la consommation de matières premières et d’énergie. 80 % des productions chimiques intègrent des catalyseurs.

Big data : Le Luxembourg s’est lancé dans une démarche le propulsant dans le peloton de tête des pays disposant de supers calculateurs et de ferme de données dernière génération.
http://www.wort.lu/de/business/edf-big-data-le-pari-du-luxembourg-564b58b70da165c55dc4d7a5

Biomasse : La biomasse ligno-cellulosique est la première source d’énergie renouvelable en Europe, loin devant le solaire, l’éolien et même devant l’hydro-electricité. Elle en représente près des deux tiers.
http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Renewable_energy_statistics/fr#Production_primaire

 

Conférence organisée par l’Institut français du Luxembourg, en partenariat avec AG2R La Mondiale, Société Générale Bank & Trust, l’Association Victor-Hugo et l’Université du Luxembourg
Institut français du Luxembourg - http://institutfrancais-luxembourg.lu

IFPEN - www.ifpenergiesnouvelles.fr
Université du Luxembourg - http://wwwfr.uni.lu
 

La conférence a eu lieu en présence de messieurs :
Ludwig Neyses, Vice-Recteur Recherche de l’Université du Luxembourg
Massimo Malvetti, Chargé de mission pour la culture scientifique et technique, Université du Luxembourg
Pierre Decker, Premier Conseiller de Gouvernement à la retraite, ministère de de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

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Publié le jeudi 11 février 2016
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