Éthique et IA : que reste-t-il de l'humain ?

Éthique et IA : que reste-t-il de l’humain ?

Début avril, The House of Ethics™ a tenu sa première conférence interdisciplinaire consacrée à l’éthique de l’intelligence artificielle.

Organisée à Luxembourg, cette demi-journée d’échanges a réuni six intervenants internationaux pour aborder, chacun depuis son domaine, une question essentielle : que devient l’humain dans un monde façonné par des intelligences artificielles toujours plus présentes, plus rapides et plus puissantes ?

Dès l’ouverture, le ton était donné. Un jumeau numérique de Katja Rausch, fondatrice de The House of Ethics™, s’est affiché à l’écran, proclamant être « 100 % pleinement productif, fiable et robuste »… avant de s’arrêter net. Une mise en scène ironique, suivie de l’intervention de Katja Rausch elle-même, venue rappeler avec clarté : « C’est exactement pourquoi nous avons toujours besoin d’humains derrière l’intelligence artificielle. Pour assurer, contrôler et orchestrer. »

C’est dans cet esprit que s’est ouverte la conférence, avec en point d’orgue l’intervention à distance de Dr Susie Alegre, juriste et autrice de Human Rights, Robot Wrongs. Depuis Londres, elle a plaidé pour une utilisation raisonnée de l’IA, partageant un exemple personnel marquant : son livre Freedom to Think a été utilisé sans autorisation pour entraîner une IA. Cette anecdote a illustré les tensions entre innovation, respect de la propriété intellectuelle et droits fondamentaux. Pour elle, dans un contexte où la solitude grandit, il faut s’interroger non seulement sur ce que l’IA permet, mais sur ce qu’elle remplace : la relation, la créativité, l’altérité.

Ces préoccupations ont trouvé un écho dans l’intervention de Claudia Becker, qui a abordé l’IA générative comme un tournant culturel et philosophique. Elle a souligné que ces modèles, loin d’être neutres, sont porteurs de visions spécifiques du monde, influencées par les biais du langage et des données. L’émergence de ces outils nous oblige à reconsidérer ce que nous entendons par vérité, par connaissance, par conscience.

Dans le prolongement de cette réflexion, Giannis Stamatellos a rappelé que l’éthique ne pouvait se limiter à des cadres techniques. Il a proposé une approche enracinée dans la philosophie de la vertu, où la justice, en tant que disposition morale, joue un rôle central. Une IA digne de confiance ne se construit pas seulement avec des règles, mais avec une sagesse pratique et une conscience éthique incarnée.

La conférence a également abordé les implications institutionnelles et juridiques de ces technologies. Dr Stefano Rossa, professeur de droit, a alerté sur les dérives possibles dans les services publics automatisés. Il a insisté sur l’importance du droit à l’interaction humaine et d’une transparence algorithmique renforcée, notamment dans les processus administratifs, afin de préserver la confiance des citoyens.

Cette notion de confiance était au cœur de l’intervention de Prof. Dr. Ingrid Vasiliu-Feltes, en direct de Miami. Elle a mis en lumière la fragilité de nos identités numériques dans un monde phygital — à la fois physique et digital. Face à la fragmentation de ces identités, elle a appelé les dirigeants à recalibrer leurs stratégies digitales autour de cadres cyber-éthiques résistants au quantique et de modes de gouvernance adaptatifs, indispensables pour bâtir une résilience partagée.

Enfin, la conférence s’est conclue par une table ronde animée par Daniele Proverbio, directeur de la recherche interdisciplinaire. Le débat s’est ouvert sur la polémique Ghibli autour de ChatGPT, reflet des tensions culturelles autour de l’IA, avant de s’élargir aux enjeux de gouvernance collective.
« L’éthique n’est pas un luxe philosophique. C’est un facteur de cohésion sociale et un moteur de confiance. Elle donne du sens aux interactions entre développeurs, régulateurs et utilisateurs, et permet une adoption responsable des technologies », a-t-il conclu.

➡️ Le cycle de réflexion se poursuit le 15 mai 2025 au Kinepolis, avec Carissa Véliz, autrice de Privacy is Power, en invitée d’honneur. L’événement sera également retransmis en ligne. Informations et inscription ici.

Communiqué
Publié le mardi 6 mai 2025
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