L'architecture et le biomimétisme : construire comme un arbre et concevoir les villes comme des forêts

L’architecture et le biomimétisme : construire comme un arbre et concevoir les villes comme des forêts

Quel bâtiment est proportionnellement haut, solide et stable, construit avec des matériaux entièrement recyclables, puise l’eau et capte l’énergie nécessaire à son fonctionnement, fournit une protection et produit de la nourriture pour ses hôtes ? L’arbre. De surcroît, toutes les informations permettant de construire cette merveille de technologie durable tient dans un contenant de la taille… d’une graine.

Les éponges ayant inspiré la structure du bâtiment Gherkins
Les éponges ayant inspiré la structure du bâtiment Gherkins - 1

L’arbre, en plus d’être un matériau de construction, peut aussi servir de modèle, de mesure et de mentor. Il existe de nombreux exemples de constructions inspirées par la nature. Les colonnes des temples égyptiens étaient déjà inspirées du palmier.

L’architecture biomimétique est une nouvelle approche scientifique qui propose des solutions durables en imitant le vivant et les processus naturels afin de créer de nouvelles technologies ou d’améliorer celles qui existent déjà. Cette approche multidisciplinaire suit des principes de fonctionnement plutôt que les codes d’un style.

La nature a inspiré des inventeurs, ingénieurs, architectes et scientifiques des siècles passés et provoque un intérêt croissant parmi nos contemporains. En effet, le biomimétisme intéresse de plus en plus les chercheurs et les industriels car la nature apporte des réponses à deux des problèmes les plus cruciaux du moment : la préservation de l’environnement et la gestion de l’énergie.

Le biomimétisme peut être appliqué à 3 niveaux : forme, processus et système. Une autre manière de voir ces 3 niveaux correspond à l’organisme, son comportement et son écosystème. Réaliser des bâtiments au niveau de l’organisme imite simplement un organisme spécifique. Cependant, cela peut ne pas être suffisant au niveau de son intégration au sein de son environnement car, comme un organisme, il interagit et fonctionne dans un contexte plus large : son comportement. Au niveau écosystème, le bâtiment s’inspire des processus naturels et des cycles de l’environnement au sens large. Un écosystème est dépendant de la lumière naturelle ; optimise les systèmes et ces composants ; est à l’écoute et dépend des conditions locales ; est diversifié dans ces composants, relations et informations collectées ; crée des conditions favorables à une vie durable ; s’adapte et évolue à différents niveaux et à des vitesses différentes. Concrètement, cela signifie qu’un écosystème est constitué de composants et de processus qui travaillent ensemble plutôt que l’un contre l’autre, afin que l’écosystème fonctionne de manière harmonieuse.

Au niveau organisme, l’architecture s’inspire d’un organisme en appliquant sa forme et/ou sa fonction à un bâtiment. La Norman Foster’s Gherkin Tower (2003, London, UK) a une peau hexagonale inspirée d’une éponge de verre, Euplectella aspergillum. Cette éponge se trouve dans un environnement sous-marin avec de forts courants d’eau et son exosquelette en forme de treillis ainsi que sa forme arrondie aident à disperser les contraintes. Le Projet Eden (2001, Cornwall, UK) est une série de biomes artificiels avec des dômes modelés d’après des bulles de savon et des grains de pollen. Grimshaw Architects s’est inspiré de la nature pour construire une forme sphérique efficace. Les bulles hexagonales géodésiques sont gonflées à l’air et la superstructure finale pèse moins que l’air qu’elle contient. La Tour Eiffel a été inspirée par des structures osseuses et pèse, elle aussi, moins que la colonne d’air dans laquelle elle est contenue.

Au niveau comportemental, le bâtiment imite la façon dont l’organisme interagit avec son environnement pour construire une structure qui s’intègre harmonieusement. L’Eastgate Centre (Harare, Zimbabwe) conçu par l’architecte Mick Pearce en collaboration avec les ingénieurs d’Arup Associates n’a pas d’air conditionné ou de chauffage, mais régule sa température avec un système de refroidissement passif inspiré par les monticules auto-refroidissants des termites africains. La structure ressemble à une termitière pour fonctionner mais s’inspire esthétiquement des bâtiments zimbabwéens indigènes. Le Qatar Cacti Building est un projet de construction qui utilise la relation du cactus avec son environnement désertique comme modèle de construction. Les processus fonctionnels sont inspirés par la façon dont les cactus se maintiennent dans un climat sec et brûlant grâce à un système d’ombrage astucieux.

Construire au niveau écosystème consiste à imiter comment de nombreux composants d’un environnement travaillent ensemble et tendent à s’intégrer dans un projet plus vaste constitué d’éléments multiples. Le projet Cardboard to Caviar, fondé par Graham Wiles à Wakefield (Royaume-Uni), est un exemple de système cyclique utilisant des déchets comme élément nutritif. Le projet paie des restaurants pour leur carton, le déchiquète et le vend à des centres équestres comme litière à cheval. Ensuite, la litière souillée est mise dans un système de compostage, qui produit des vers. Ces vers servent à nourrir des esturgeons, qui produisent du caviar, qui est vendu aux restaurants. Cette idée de déchet utilisé comme nutriment, peut être transposé au niveau des villes. En effet, les villes peuvent être vues comme des organismes à part entière avec des flux de matière et d’énergie qu’il s’agit d’optimiser. Le Sahara Forest Project conçu par l’entreprise Exploration Architecture est une serre qui vise à utiliser uniquement l’énergie solaire pour fonctionner comme un système zéro déchet. Le projet fonctionne au niveau de l’écosystème parce que ses nombreuses composantes travaillent ensemble dans des systèmes cycliques et que le surplus d’eau permet d’inverser la désertification.

L’avenir de l’architecture sera-t-il biomimétique ? Difficile de ne pas l’espérer.

Stephan Hoornaert

Illustration : Gherkin tower, London

Source : NEOMAG

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Publié le vendredi 19 mai 2017
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