
6.279 victimes de mines en 2024 : le chiffre le plus élevé depuis 2020
« Mes enfants méritent de pouvoir mettre un pied dehors sans peur. » Nada Ali Al Shathi est mère de dix enfants. Elle est revenue dans son village avec sa famille. Quelques jours plus tard, son fils a été grièvement blessé par un engin explosif.
Publié le 1ᵉʳ décembre, le Landmine Monitor 2025 recense au moins 6.279 victimes de mines et de restes explosifs de guerre en 2024 – le chiffre annuel le plus élevé depuis 2020, et une hausse de 9 % par rapport à l’année précédente (5.757 victimes en 2023) – dans un contexte de vives inquiétudes après l’annonce par six États de leur intention de quitter ou de suspendre le Traité d’Ottawa.
Alors que les États se réunissent à Genève du 1ᵉʳ au 5 décembre pour la conférence annuelle sur les mines antipersonnel, Handicap International les appelle à réaffirmer leur engagement envers le Traité, à empêcher tout État partie d’y mettre fin et à réaffirmer leur ferme condamnation de tout emploi de mines, à tout moment et par quelque acteur que ce soit.
Le nombre de victimes civiles reste alarmant
Les chiffres atteignent leur niveau le plus élevé depuis cinq ans : 6.279 personnes ont été tuées ou blessées par des mines et des restes explosifs de guerre en 2024 (1.945 tuées et 4.325 blessées).
Pour la dixième année consécutive, le nombre de victimes reste dramatiquement élevé — en grande partie en raison de la multiplication des conflits armés, comme en Ukraine et au Myanmar, et de l’usage généralisé de mines improvisées dans des pays comme la Syrie.
Plus d’un tiers de l’ensemble des victimes sont dues à des mines improvisées. Le nombre de victimes de mines antipersonnel manufacturées a triplé entre 2020 et 2024, atteignant son plus haut niveau depuis 2011. En 2024, des victimes ont été recensées dans 52 pays et territoires, dont 36 États parties au Traité d’interdiction des mines antipersonnel. Les pays comptant le plus grand nombre de victimes sont : le Myanmar (2.029), la Syrie (1.015), l’Afghanistan (624), l’Ukraine (293) et le Yémen (247).
Les civils représentent 90 % de l’ensemble des victimes recensées, et les enfants près de la moitié (46 %) des victimes civiles. Anne Héry, directrice du plaidoyer chez Handicap International, commente : « Année après année, nous voyons des milliers de civils tués ou mutilés par des mines et des restes explosifs de guerre. Au Myanmar et en Ukraine, les forces armées continuent d’utiliser ces armes à grande échelle. Même lorsque les combats cessent, ces tueurs invisibles restent actifs pendant des décennies et continuent de détruire des vies longtemps après la fin des hostilités. Les États parties doivent respecter leurs obligations au titre du Traité d’interdiction des mines antipersonnel : condamner, dans les termes les plus forts, tout usage de mines antipersonnel, par tout acteur et en toutes circonstances. »
Un soutien mondial à l’éradication des mines en danger
Le Traité d’interdiction des mines antipersonnel (également connu sous le nom de Traité d’Ottawa) est aujourd’hui menacé. L’Estonie, la Finlande, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne ont entamé en juin 2025 la procédure de retrait du Traité de 1997.
L’Ukraine a également annoncé son intention de suspendre l’application du Traité d’Ottawa – une démarche que le Traité ne permet pas à un État engagé dans un conflit armé international.
Par ailleurs, dans un contexte de coupes budgétaires globales dans les secteurs du développement et de l’humanitaire, le financement de l’action contre les mines montre des signes préoccupants de désengagement de la part des États donateurs : le financement international de l’action contre les mines a diminué de 5 % par rapport à 2023, pour s’établir à 761 millions de dollars en 2024. Le Landmine Monitor souligne également que les financements dédiés à l’assistance aux victimes ont, eux, chuté de 23 % en 2024.
Handicap International appelle les États parties à soutenir l’action contre les mines, y compris l’assistance aux victimes, et à éradiquer les mines antipersonnel. Ils doivent également élever la voix contre toute tentative d’un État de se retirer du Traité d’interdiction des mines.
Témoignage de Syrie
Nada Ali Al Shathi est mère de dix enfants. Elle est revenue dans son village avec sa famille. Quelques jours plus tard, son fils a été grièvement blessé par un engin explosif. « Nous avons vécu pendant des années dans une tente, dans le camp de Khashab, après notre déplacement. En juin dernier, nous avons décidé de rentrer chez nous, dans le village de Mura’ya. Mais ce retour a tourné au drame.
Mon fils de cinq ans jouait devant la maison lorsqu’il a trouvé un reste explosif de guerre. Il ne connaissait pas le danger. L’engin a explosé dans ses mains. Des éclats ont pénétré sa tête et son bras a dû être amputé. Nous avons entendu l’explosion et nous nous sommes précipités dehors : il baignait dans son sang. Il est maintenant hospitalisé à Damas avec son père.
Ici, la contamination est massive. Chaque jour, nous vivons dans la peur. Nos enfants ne peuvent pas sortir librement. Nous avons l’impression d’être prisonniers dans notre propre maison, terrifiés à l’idée qu’un nouvel accident se produise.
Je veux que mes enfants puissent jouer, rire, vivre sans que l’ombre de la mort plane sur eux. Le besoin le plus urgent est le déminage. Rien n’est plus important que cela. Sans dépollution, nous ne pouvons pas reconstruire nos vies ni nous sentir en sécurité chez nous. Mes enfants méritent de pouvoir mettre un pied dehors sans peur. Ils méritent un avenir dans lequel ils peuvent vivre et jouer en sécurité. »
Texte et photo de Handicap International Luxembourg
Photo : ce qu’il reste du village de Nada, à côté de Raqqa, au nord de la Syrie © Noor Bimbashi / HI























