Une pilule difficile à avaler

Une pilule difficile à avaler

Une étude récente démontre qu’aucune rivière n’est épargnée par la présence de médicaments. Pire, dans plus de 25 % d’entre elles, le taux dépasse le seuil de dangerosité pour l’être humain !

Si les pollutions visibles – plastiques, déchets, algues, hydrocarbures… - sont toujours interpellantes, il est également important de rappeler que nos cours d’eau contiennent aussi beaucoup d’éléments invisibles mais nuisibles pour notre santé. C’est notamment le cas des produits pharmaceutiques.

Quel que soit l’endroit du globe, aucune rivière n’est épargnée par ce phénomène. Selon une étude, publiée dans la revue de la Pnas (Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America), 25 % d’entre elles contiennent des substances médicamenteuses à des niveaux supérieurs à ceux considérés comme sans danger pour les humains et les organismes aquatiques. Une étude réalisée sur 258 rivières présentes dans 104 pays. Toutes les zones ont été visées, des forêts aux montagnes, en passant par les déserts.

Parmi les lieux les plus pollués, on retrouve Lahore (Pakistan), La Paz (Bolivie, Addis-Abeba (Éthiopie) et Madrid (Espagne). Selon les scientifiques, il existe un lien entre le statut socio-économique d’un pays et son niveau de pollution pharmaceutique. Parmi les substances, on retrouve notamment des bétabloquants, des antiépileptiques, des antihistaminiques, du paracétamol, ou encore de la caféine, des analgésiques et de la nicotine.

Des médicaments, mais pas que…

Un cocktail détonnant qui côtoie malheureusement d’autres sources de pollution. En effet, selon le Dr Anna Schleimer, présidente d’Odyssea et biologiste des populations, les cours d’eau accueillent également de déchets en tout genre.

« On retrouve des métaux lourds, des PCB (polychlorobiphényles), des pesticides, des fertilisants et des plastiques. Nos cours d’eau cheminent vers le Rhin qui rejoint ensuite la mer des Wadden. » Il s’agit de la zone côtière de la baie Allemande en mer du Nord. Délimitée par les îles de la Frise, elle s’étend sur 450 kilomètres du Helder aux Pays-Bas à Esbjerg au Danemark, en couvrant une superficie d’environ 10000 km2.

« S’il est difficile de trouver des données sur chaque cours d’eau luxembourgeois, on sait par contre que le Rhin est un des fleuves les plus pollués par les microplastiques. On estime par ailleurs que chaque jour, 190 particules de microplastique flottent dans la mer du Nord. Il est certain que le Luxembourg contribue à cette pollution, même si son impact n’est pas précisément quantifiable. »

La culture des sols contribue également à une certaine pollution. « Les fertilisants qui coulent de nos rivières vers les océans provoquent d’importantes floraisons d’algues très consommatrices d’oxygène, privant d’autres espèces qui meurent. Dans la mer des Wadden, on a relevé une diminution de la quantité d’herbes marines, qui sont importantes puisqu’elles agissent comme puits à carbone. Les PCB, qui sont maintenant bannis, sont très tenaces, très résistants. Même s’ils ont été produits dans les années 60, ils continuent à polluer nos rivières. Ils causent des problèmes de fertilité chez les phoques et certaines espèces d’oiseaux. »

Et les plastiques alors ? « La solution reste la réduction de l’usage des plastiques à usage unique. Les nouveaux plastiques biodégradables ne le sont que dans certaines conditions, souvent à une température de 60° qui n’est jamais atteinte dans les mers et océans. Ce sont des plastiques qui se dégradent dans des conditions industrielles »

On l’a bien compris, la lutte contre toutes ces pollutions est loin d’être terminée.

Sébastien Yernaux
Article paru dans le dossier du mois « Bouteille à la mer ! »

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Publié le mardi 31 mai 2022
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