Techniques anciennes pour solutions d'avenir

Techniques anciennes pour solutions d’avenir

Et si les nouvelles générations de bâtisseurs remettaient à l’honneur des matériaux un peu oubliés par les générateurs de rentabilité ? Le défi de Marc Neu (Naturbaustoff)

Marc Neu, fondateur de Naturbaustoff à Redange, est un « militant-bâtisseur ». S’il ne tient pas à relancer la énième querelle des anciens et des modernes, il a son idée sur la transmission des techniques et matériaux de construction. « Je crois qu’il faut avoir une vision holistique sur la durée de vie, les conditions de production, la disponibilité, les limites des ressources, la réutilisation, l’impact à long terme... Cela vaut la peine de discuter des avantages et inconvénients de chaque élément, tout en ayant une vision d’ensemble sur une construction, les besoins de ses occupants, les performances énergétiques évidemment, etc. »

Pour Marc Neu, qui a 25 ans d’expérience et a vécu un début de carrière dans l’ingénierie et l’audit en construction traditionnelle (https://www.infogreen.lu/une-selection-100-naturelle.html#dossier-du-mois/article-14312), « il ne faut pas oublier les matériaux anciens - argile, chaux, bois, pierre, paille… Leurs propriétés ont traversé le temps. Des chercheurs du MIT s’intéressent par exemple à la longévité de bâtiments remarquables, comme les cathédrales. D’ailleurs, les technologies s’inspirent de plus en plus de la nature ».

Il cite notamment des recherches sur des matériaux anciens aux propriétés naturelles mais techniquement imparfaites. Comme la chaux utilisée dans le mortier de maçonnerie… qui a pu contribuer à stabiliser des failles souterraines et rendre l’ensemble plus résistant aux secousses à travers le temps.

« Quand je suis du côté de Strasbourg, je suis toujours admiratif de ces vieilles bâtisses, qui ont plus de 7 ou 800 ans et qui, question statique comme esthétique, tiennent la comparaison avec des immeubles modernes. Elles sont faites de bois, d’argile, de torchis, de matériaux locaux. »

Devoir de réhabilitation

Marc Neu se défend de toute vision passéiste ou d’anti-technologies contemporaines. Il plaide juste pour une sorte de devoir de mémoire et de prolongation par la réhabilitation, au nom de la durabilité sous toutes ses formes, y compris économique et sociale.

Pour lui, le contexte lié aux crises mondiales et aux « besoins » de la croissance recherchée par des générations « de bâtisseurs de fortune » rappellent les vertus de l’indépendance par rapport aux marchés globalisés ou aux ressources lointaines. « Dès lors, il y a un intérêt multiplié pour l’utilisation de matériaux qui ne subissent pas de transformation préalable à la mise en œuvre, disponibles un peu partout dans le monde et le cas échéant localement, réutilisables ou qui peuvent être rendus à la nature pour re-nourrir le processus circulaire, produits dans le respect de l’environnement et de l’être humain… Et ces matériaux nobles ont aussi d’excellentes capacités techniques ».

Les solutions anciennes, souvent inspirées voire fournies directement par la nature, ont, paradoxalement peut-être, encore leur jeunesse à faire. « Mais ces techniques se transmettent et ces matériaux connaissent un regain d’intérêt, de la part d’ingénieurs ou d’architectes qui adoptent une vision durable de la façon de construire et d’urbaniser, dans une vue holistique qui prend tout en compte. Par exemple, dans la course aux économies d’énergie et à l’isolation, des maîtres d’ouvrage ont tout misé sur les solutions high-tech, au risque d’oublier la production d’énergie grise, les transports, la logistique d’acheminement, sans même parler des pénuries internationales. Alors que des solutions locales et circulaires, dans l’esprit de la production, du recyclage ou de la réutilisation sur place, ont une empreinte quasi nulle. »

Alain Ducat
Photos : Naturbaustoff / Licence CC
Extrait du dossier du mois « Génération ? Présente ! »

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Publié le lundi 13 février 2023
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