Semer des idées et les faire pousser

Semer des idées et les faire pousser

La production alimentaire se réinvente, l’urbanisation et les bâtiments aussi. L’agriculture urbaine, plus qu’une intersection entre ces deux ensembles, est un pont jeté vers un avenir résilient et durable, avec une alimentation produite localement et de qualité. La clé : décloisonner les secteurs et s’appuyer sur un bâti aux fonctions nobles et multiples.

Le Luxembourg s’est doté d’une stratégie nationale pour la promotion de l’Urban Farming. Il y a 2 ans, une conférence « Living City : urban farming & végétalisation des bâtiments » en dressait les contours, déjà très précis. Derrière l’initiative étatique, on retrouvait notamment le Conseil pour le Développement économique de la Construction (CDEC).

Son administrateur-directeur général, Bruno Renders, est toujours aux avant-postes en la matière. « Nous sommes dans une logique de diminution et de maîtrise de l’impact CO2 des bâtiments. Quand on agit pour le développement durable, il faut le faire avec un esprit décloisonné et créatif. Quand on réfléchit aux évolutions de l’urbanisation et à tout ce que le bâti peut apporter à l’environnement et au bien-être des citoyens, c’est pareil. Et il est clair que l’on peut aisément jeter des ponts entre les concepts d’alimentation durable et résiliente d’une part, de fonctions nobles des bâtiments de l’autre. https://www.infogreen.lu/la-valeur-... L’agriculture urbaine fait ainsi partie des fonctions nobles des bâtiments au même titre que la production et le stockage d’énergie ». https://www.infogreen.lu/Les-batime...

Fonctions nobles et nouveaux modèles

Sur le plan sociétal, une « agriculture urbaine » peut être un levier multidimensionnel pour créer du lien social, faire (re)vivre des espaces, apporter un mieux-être aux habitants, servir de lieu de formation ou d’intégration... « Si l’on considère que les méthodes de production agricole tendent vers un souci d’alimentation durable, de préservation de la biodiversité et de production écoresponsable, on voit que faire pousser ce dont on a besoin pour vivre dans un quartier par exemple remplit également de nombreuses fonctions écologiques. Les surfaces « vertes » participent à la régulation du climat, à la purification de l’air et au stockage du carbone, améliorent la percolation des eaux de pluies et l’écoulement… Dans un ensemble bâti, on voit tout de suite l’effet bénéfique d’une isolation grâce aux murs et toits végétalisés. Et ces surfaces peuvent aussi être productives ».

Voici une des (multiples) fonctions nobles des bâtiments, pensés comme positifs. Là où d’aucuns opposent encore l’aspect économique à une approche biodynamique de la production agroalimentaire, Bruno Renders voit « les effets bénéfiques, circulaires, à l’échelle locale, avec une économie stimulée par de nouvelles activités, le développement de circuits courts, une économie plus endogène où la monnaie reste plus longtemps dans le circuit local, et avec création de valeur car les surfaces auparavant inexploitées sont transformées pour produire des aliments de qualité… »

On retrouve cette idée de stratégie intégrée du secteur de la construction, chère à Bruno Renders : « Dans l’émergence de nouveaux modèles économiques durables, le décloisonnement des secteurs d’activités donne un rôle-clé au bâtiment, avec pour moteur les fonctions nobles dans la conception de bâtiments et dans l’interaction entre eux ». Le bâti peut se thermoréguler, produire, stocker et distribuer de l’énergie, et la logique de multifonctionnalité et de production partagée peut aller beaucoup plus loin. Il y a des solutions pour l’épuration de l’air, la récupération de chaleur, la ventilation naturelle, l’hygrométrie… « Le bon exemple, c’est l’eau, dont l’usage peut être domestique ou alimentaire. On peut très bien adapter et séparer les circuits de distribution, de récupération, de traitement, donc la qualité de l’eau selon la destination que l’on souhaite lui donner ».

Des surfaces mais pas de cloisons !

Cette gestion intelligente et circulaire de l’eau place le bâti urbanisé comme source de production alimentaire, que l’on parle de jardins partagés à l’échelle d’un quartier ou encore de serres, en toiture ou adossées aux immeubles où elles peuvent puiser leur énergie verte.

La problématique des surfaces disponibles pour la production alimentaire dans le pays est un argument de plus en faveur de l’utilisation rationnelle des espaces urbanisés. La culture hors sol en hydroponie permet d’accélérer le processus de maturation des fruits, légumes, fleurs, plantes médicinales… On fait pousser le nécessaire dans un substrat autre que la terre arable, en irriguant des seuls nutriments indispensables à la croissance des différents végétaux.

Cette culture régulée et qualitative est aussi naturelle. On se fonde sur la qualité des plants, on exploite la présence dans le sol des différents nutriments nécessaires et on réunit les meilleures conditions : le taux d’hygrométrie, la luminosité, la température. Autant d’éléments que peut gérer un bâtiment durablement pensé dans toutes ses fonctions impactantes… « Ces fonctions nobles se placent dans un principe de solidarité entre secteurs économiques et ce type de projet se justifie à la fois par ses bénéfices circulaires et en termes d’empreinte carbone. Le décloisonnement des secteurs économiques est un axe fort au profit d’une économie plus circulaire et plus transversale ».

Oui, pour récolter davantage de qualité pour la société, il faut semer les bonnes idées... et les faire pousser.

Alain Ducat, avec IFSB-CDEC Partenaire Infogreen
Photo : Fanny Krackenberger

Article tiré du dossier du mois « De la Terre à la terre »

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Publié le mardi 20 juillet 2021
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