« Protégeons les civils contre les restes explosifs de guerre »

« Protégeons les civils contre les restes explosifs de guerre »

Handicap International a fait de la lutte contre les mines antipersonnel et contre les bombes à sous-munitions son cheval de bataille. Malgré les avancées réalisées grâce à deux traités d’interdiction, le travail est loin d’être terminé. La problématique de la protection des civils dépasse en effet ces deux types d’armements et les équipes de terrain se trouvent aujourd’hui de plus en plus souvent confrontées à des engins plus conventionnels, mais utilisés de manière indiscriminante, sans que distinction soit faite entre civils et militaires.

Handicap International a remporté une grande victoire en 1997 grâce à la Campagne internationale pour interdire les mines (ICBL) lancée de concert avec cinq autres organisations internationales et qui a été couronnée par un prix Nobel de la paix pour avoir abouti au premier traité d’interdiction d’armement porté par la société civile : le Traité d’Ottawa ou, de son nom officiel, Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction. Même combat au début de la décennie 2000, mais cette fois contre les bombes à sous-munitions. Même succès puisque le Traité d’Oslo est né fin 2008.

« Les mines antipersonnel et les bombes à sous-munitions ne constituent que la partie émergée de l’iceberg », selon Martin Lagneau, directeur de Handicap International Luxembourg, qui explique que les équipes de Handicap International présentes sur le terrain se trouvent de plus en plus souvent confrontées à d’autres types d’engins aux effets similaires. Quel que soit le type d’explosif, les effets sont tout aussi dramatiques. D’abord pour la victime elle-même : douleurs physiques, souffrance psychologique et limitation des capacités physiques peuvent l’empêcher de jouer un rôle au sein de sa communauté, avec comme corollaires le risque de marginalisation et de perte d’estime de soi. Les conséquences sont également terribles pour les proches, qui doivent assumer la charge d’enfants parfois lourdement handicapés ou qui se retrouvent privés du soutien d’un chef de famille, avec les conséquences sociales et économiques que cela peut engendrer dans les pays en développement qui sont les plus concernés par le problème. L’onde de choc est bien plus large encore. Au-delà d’affecter directement des cercles familiaux, les restes explosifs de guerre représentent indirectement un véritable désastre économique et environnemental. En barrant par exemple l’accès à certains points d’eau potable ou en condamnant des hectares entiers de terres agricoles, les restes explosifs constituent un obstacle à la réinstallation des populations après les combats et peuvent pousser les populations à défricher de nouvelles zones de forêt dans le but d’être exploitées pour la culture.

Plus de 500.000 survivants d’accidents

Des progrès ont néanmoins été accomplis suite aux deux traités d’interdiction, notamment au sujet des mines antipersonnel. On est, par exemple, passé de 12.000 à 4.000 morts liées aux mines, bombes à sous-munitions et autres restes explosifs entre 2000 et 2012 et le Mozambique, qui était un des pays les plus contaminés, sera probablement déclaré « libre de mines » l’année prochaine grâce au travail réalisé par les ONG présentes sur place.

Le problème n’est pas enrayé pour autant. 73 pays sont toujours pollués par des mines, le nombre de personnes gravement blessées et mutilées demeure effrayant : on compte aujourd’hui plus de 500.000 survivants d’accidents, et, chaque année, les bombes à sous-munitions et les mines antipersonnel, pourtant interdites respectivement par 83 et 161 pays, sont utilisées dans un nouveau conflit emblématique : hier, la Libye, aujourd’hui la Syrie. 

Les autres restes explosifs de guerre constituent, par ailleurs, pour les populations civiles une menace qui ne cesse de grandir puisqu’ils polluent les terres des décennies même après la fin des conflits.

Sans distinctions

C’est pourquoi, Handicap International a décidé d’élargir sa campagne qui sera, cette année, intitulée Protégeons les civils contre les restes de guerre. Car l’objectif est bien de lutter contre tous types d’armes explosives non discriminantes (qui ne font pas la distinction entre un civil et un combattant), ce que deviennent les engins plus conventionnels comme les grenades ou les mortiers s’ils n’explosent pas au contact du sol. Ces armes frappent, sans distinction, les combattants et les civils, et même en majorité les civils, bravant ainsi toutes les conventions régissant la guerre. Les mines antipersonnel, par exemple, font une victime toutes les deux heures, dont 72% sont des civils et 42% sont des enfants. Handicap International dénonce l’utilisation délibérée d’explosifs en zones peuplées, voire sur des infrastructures publiques. C’était le cas lors des derniers grands affrontements en Irak, en Afghanistan, au Liban, au Soudan, en Libye et, depuis juillet 2012 en Syrie où des bombes à sous-munitions ont été utilisées de façon avérée par l’État syrien dans le nord du pays, plus particulièrement à Idlib et à Latanmeh. « Nous devons prendre conscience que ce qui se passe en Syrie est plus grave que ce qui s’est passé au Kosovo, en termes de population affectée, de nombre de morts, de déplacés internes, de contamination des sols ou de risques de régionalisation du conflit. Les civils sont aujourd’hui directement visés par des armes explosives destructrices : on bombarde les hôpitaux, les écoles, les quartiers résidentiels, faisant fi de toutes les règles légales et morales de la guerre. Il est criminel d’utiliser des moyens qui tuent des civils à 90%. De plus, on sature le territoire de bombes qui, si nous ne faisons rien, resteront en place pendant des décennies », souligne Martin Lagneau.

Pour pouvoir poursuivre son travail d’universalisation des Traités d’Ottawa et d’Oslo, et renforcer ses actions en faveur de la protection des civils - éducation aux risques liés à ces armes, dépollution des terres contaminées, destruction des stocks existants, assistance aux victimes- et relayer son message auprès des pouvoirs politiques, Handicap International a besoin de l’appui du public à travers la signature de pétitions ou encore en déposant symboliquement ses chaussures lors de la Pyramide de Chaussures qui aura lieu demain, samedi 5 octobre, à Luxembourg Ville sur la place d’Armes de 10h à 17h.

Photo Marlene Soares pour LG Magazine

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Publié le jeudi 3 octobre 2013
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