Pour un changement de paradigme économique

Pour un changement de paradigme économique

Le dérèglement climatique est de plus en plus au cœur de l’actualité et particulièrement dans notre pays.

De nombreuses initiatives encouragent les citoyens à avoir des pratiques plus responsables (lutte contre le gaspillage, réduction des emballages, tri des déchets, alimentation plus écologique, locale et moins carnée, utilisation réduite de sa voiture et de l’avion, etc.). Curieusement (?), les initiatives concernant le secteur économique à proprement parler concentrent moins l’attention (RSE, croissance verte), et elles ne remettent pas en cause le dogme de la croissance infinie.

Dans le mouvement de la transition écologique citoyenne, mis en réseau autour du Centre for Ecological Learning au Luxembourg (www.cell.lu, www.reconomy.lu), nous avons entrepris d’engager une réflexion sur nos modèles économiques, avec la ferme intention de promouvoir des initiatives économiques concrètes qui montrent qu’une autre économie est possible.

Des théories économiques peu remises en cause et pourtant discutables

L’économie orthodoxe, autrement dit néoclassique, qui guide la grande majorité des choix de politiques économiques, repose sur l’homo oeconomicus (l’être humain est rationnel et cherche exclusivement son propre intérêt). Cette théorie considère que l’ensemble des actions individuelles des acteurs économiques, guidées uniquement par l’intérêt personnel de chacun, contribue à la richesse et au bien commun (théorie de la main invisible). Elle se concrétise dans une économie de marché (confrontation libre de l’offre et la demande) fonctionnant dans un système capitaliste basé sur la propriété privée et la libre concurrence (un des principes sur lequel s’est fondée l’Union européenne).

Le capitalisme est une construction sociale qui a pris son essor au milieu du 19e siècle avec la révolution industrielle. La bourgeoisie défend ses intérêts pour contrer les aspirations du prolétariat à partager la richesse produite et à s’émanciper (à travers les mouvements associationniste, coopérativiste et mutualiste). L’État redistributeur est alors apparu pour rendre le système soutenable. Puis à partir des années 1980 (les années Reagan/Thatcher), les pouvoirs publics ont suivi une voie de désengagement, ce qui a accentué les écarts sociaux et donc les crises sociales. La mondialisation s’est instaurée causant des catastrophes écologiques irréversibles. Ce rapide historique est là pour rappeler que nous sommes dans une voie sans issue, mais qu’il y en a d’autres que l’on peine à explorer tant ce système a cannibalisé toute autre forme de pensée, le fameux TINA (There Is No Alternative) de Thatcher.

Des alternatives sont possibles

Pourtant dès le milieu du 20e siècle, Karl Polanyi(1) soutient, qu’à l’opposé de la société de marché, toute société humaine est encastrée dans les relations sociales. Ce que développe également Marcel Mauss dans son « Essai sur le don » montrant que ce sont les relations humaines qui régissent les comportements humains. Avec la crise écologique des auteurs comme Tim Jackson(2) montre que la croissance économique infinie est impossible et qu’il faut introduire un facteur écologique en plus du travail et du capital. Patrick Viveret dans son rapport « Reconsidérer la richesse » proposait en 2002 de travailler sur d’autres indicateurs que le Produit Intérieur Brut pour mesurer la richesse.

Notre système économique est dans une impasse totale. La planète ou du moins ses habitants ne peuvent plus à (assez court) terme continuer à vivre dans un système en crise où les solutions proposées ne sont que sparadraps sur jambes de bois et provoquent la dramatique irruption des politiques populistes, excluantes et ravageuses.

La REconomy comme changement de paradigme

Dans la transition, nous proposons de revenir à des conceptions économiques qui reposent sur la satisfaction des besoins des communautés, basées sur la solidarité, le respect de l’environnement, la relocalisation de l’économie, la démocratie et une reconnexion avec la « Mère Nature » (Pachamama).

C’est le concept de REconomy. On n’a pas inventé l’électricité en améliorant la bougie et de la même façon on ne sortira pas de nos crises sans changer de paradigme économique. Il faut créer un nouvel imaginaire économique. Faire confiance au pouvoir d’innovation sociale, de créativité des citoyen.ne.s. C’est l’horizon qui guide nos actions dans la REconomy. Modestement mais avec envie. Sans certitude mais avec conviction.

Éric Lavillunière, Responsable du projet REconomy du CELL
Article tiré du dossier du mois Actifs alternatifs

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Publié le jeudi 25 juillet 2019
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