Photovoltaïque de grande taille : retours d’expériences et perspectives

En introduction, Frédéric Liégeois, fondateur et CEO d’Infogreen et modérateur de cette soirée, a dressé un état des lieux de la situation en matière de photovoltaïque au Luxembourg. « L’énergie fossile domine encore, mais les émissions de gaz à effet de serre qu’elle génère contribue lourdement au réchauffement climatique. De même, les techniques d’extraction posent des risques environnementaux significatifs : marées noires, contamination des nappes phréatiques... L’énergie solaire photovoltaïque et thermique représente une alternative prometteuse, mais l’intermittence de la production, le stockage de l’énergie ou encore la robustesse des infrastructures et le déploiement de technologies de gestion intelligente de la production / consommation constituent des défis. Les coûts en baisse et l’amélioration des rendements rendent l’énergie solaire de plus en plus viable, positionnant cette technologie comme un pilier essentiel de la transition énergétique », a-t-il indiqué.

François Neu, Manager d’Enerdeal Luxembourg, filiale du groupe EDP, était le premier intervenant. Sa société propose des solutions solaires de grande envergure, de plus en plus intelligentes et clés-en-main, aux entreprises, en investissement propre ou en tiers investissement, installées en toitures, en façades, au sol ou sur des carports. Ces solutions comprennent la construction, l’exploitation et, si besoin, le financement d’installations photovoltaïques. Ces 15 dernières années, la société a installé plus de 3 millions de m² de panneaux photovoltaïques (soit une production de 250 MWc) au Luxembourg, en Belgique et jusqu’en Afrique, permettant ainsi d’épargner 120 000 tonnes de CO2. « Un panneau suffit à produire de l’énergie pour rouler 2000 km/an », a-t-il rappelé. Et ce « pour un coût en autoconsommation 2 à 3 fois moindre que celui de l’électricité du réseau et une installation rentable au bout de 7 ans ».

Parmi les projets réalisés, les bureaux d’Enerdeal à Bruxelles incarnent ces valeurs avec 300 panneaux solaires, 12 bornes de recharge et 130 kWh de capacité de stockage pour une émission nette nulle, une mobilité 100 % électrique et autonome à 80 % sur l’année.

Autre projet, la pose de panneaux photovoltaïques sur un carport de 500 véhicules, en tiers investissement. Ce projet s’inscrit dans les démarches de l’entreprise Ceratizit, basée à Mamer, pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2035. La production annuelle est évaluée à 1,3 GWh, pour une capacité de 1 320 KWc. Chez Streff, à Windhof, toutes les surfaces exploitables l’ont été pour déployer une installation d’une capacité de 700 KWc, en investissement propre. Chez Tontarelli à Bascharage, ce sont 20 000 m² de toiture plate qui ont été couverts de panneaux pour une production de 2 740 KWc. Luxlait, à Bissen, autoconsomme la totalité des 1 360 KWc installés sur le toit de son usine. L’installation en toiture du parking Biohealth à Esch/Alzette produit 250 MWh/an, soit l’énergie nécessaire pour parcourir 1,2 millions de km/an en véhicule électrique. Il a également mentionné l’installation en cours de la plus grande toiture solaire du Luxembourg chez Guardian à Bascharage, avec plus de 11 000 panneaux, dont l’intégralité de la production sera autoconsommée. François Neu a encore cité d’autres projets, notamment pour Delhaize en Belgique, mais aussi pour la ville de Manono au Congo en 2015, un défi logistique qui a permis à Enerdeal de développer une expertise solaire et batterie en autonomie.

Il a conclu sur le fait que les subsides arrivent à leur fin et que la législation en Europe et dans les pays voisins se durcit. L’implantation de systèmes solaires sur tous les bâtiments commerciaux sera obligatoire à l’horizon 2026 en Europe. En France, par exemple, l’implantation de panneaux photovoltaïques sur au moins 50 % de la superficie des ombrières des parkings extérieurs de plus de 1 500 m² est rendue obligatoire à compter de 2026. Et en région flamande, tous les bâtiments consommant plus de 1 000 MWh par an devront avoir mis en service des installations de production d’énergie renouvelable à partir du 30 juin 2025 sous peine de fortes amendes.

Joe Malago, directeur immobilier et opérations chez Sales-Lentz, est ensuite revenu sur les 20 ans d’expérience dans le solaire enregistrés par sa société et sur sa stratégie d’expansion dans l’électromobilité. Près de 200 bus parmi ses 850 véhicules sont déjà alimentés par de l’électricité verte. Avec 2 200 panneaux installés, 240 points de charge et une puissance maximale de charge de 350 kW, l’autocariste vise une flotte électrifiée à 90 % pour 2030 et une alimentation au dihydrogène pour les 10 % restants. L’objectif est de produire 10 GWh via des panneaux solaires d’ici là.

« L’électromobilité a complètement changé notre façon de fonctionner  », a-t-il indiqué. Au-delà de remplacer les bus par leur version électrique, il a fallu multiplier les dépôts et les points de charge, et se réorganiser.

Pour optimiser l’utilisation des ressources, Sales-Lentz mise sur la convergence technologique entre les équipements de production, les équipements de stockage et les outils de monitoring et de régulation. « Le solaire, on y croit, mais ça ne suffira pas, il faut tabler aussi sur l’éolien, l’hydrogène, le stockage et la digitalisation qui nous permettra de charger et de partager nos infrastructures de manière intelligente ».

Enfin, Bernard Moreau, CEO de LabGroup, PME active historiquement dans l’archivage et aujourd’hui dans la gestion et la protection des données, accompagné de Noémie Stablo, responsable RSE et manager de l’environnement, a partagé sa vision et témoigné de son expérience dans le déploiement de sa stratégie RSE, qui intègre la mise en place d’une installation de panneaux solaires sur les 2 500 m² de toiture de son bâtiment écoresponsable à Grass. Les panneaux solaires étaient une évidence dans la mesure où la volonté, dans le cadre du développement de ce nouveau projet immobilier, était de consommer de l’énergie verte, locale et, si possible, de créer de la valeur ajoutée. 1 392 panneaux solaires ont donc été posés, qui ont une production annuelle moyenne de 450 000 kWh (soit le double de la consommation actuelle de l’entreprise), ainsi qu’une trentaine de bornes de recharge pour véhicules électriques et, en complément, des dalles actives. En parallèle, LabGroup investit dans une flotte de véhicules électriques.

« Pour nous, les panneaux photovoltaïques représentent un moyen de mesurer ce que notre activité consomme, de participer aux efforts pour atteindre la neutralité carbone, de privilégier les circuits courts et, puisque nous produisons plus d’énergie que nous n’en consommons, nous souhaiterions pouvoir bientôt partager cette énergie avec d’autres entreprises présentes sur la zone », a souligné Noémie Stablo.

Au-delà du photovoltaïque, la société a investi dans une pompe à chaleur, une cuve de récupération des eaux pluviales et des espaces verts pensés pour favoriser la biodiversité avec 46 espèces d’arbres et de plantes, un potager, une serre et des ruches. LabGroup vise la neutralité carbone pour 2035.

Les présentations ont été suivies d’une session de questions et de réponses animée par Frédéric Liégeois. « Les enjeux de l’énergie renouvelable et de l’électromobilité ne se limitent pas à la réduction des coûts ou à l’amélioration de l’image de marque. Ils touchent à des aspects fondamentaux de notre société, comme la préservation de l’environnement, la santé publique et la création d’emplois verts. Le Luxembourg, grâce à ses initiatives pionnières et à l’engagement de ses entreprises, montre la voie vers une économie plus verte et plus résiliente », a conclu ce dernier.

L’évènement s’est refermé avec un networking cocktail donné sur le rooftop du bâtiment Solarwind.

Mélanie Trélat