Paradise Papers : le Luxembourg doit agir face aux failles du système fiscal international

Paradise Papers : le Luxembourg doit agir face aux failles du système fiscal international

À l’occasion de la publication des Paradise Papers qui ont mis en avant les schémas d’optimisation fiscale utilisés par des personnes privées et des multinationales privant les États de milliers de milliards de recettes fiscales, le Cercle de Coopération des ONGD du Luxembourg, agissant en collaboration avec Action Solidarité Tiers Monde et le Collectif Tax Justice Lëtzebuerg, appelle le Luxembourg à réaliser une étude de l’impact de sa politique fiscale sur les pays en développement. Ils demandent également au Luxembourg à soutenir la mise en place de « rapports pays par pays » (country-by-country reporting) publics et obligatoires concernant les activités des multinationales pour que tous les acteurs concernés, y compris la société civile, puissent y avoir accès. Ces recommandations font partie du 3e baromètre Fair Politics du Cercle de Coopération, qui sera publié en décembre. Il met en lumière le manque de cohérence des politiques pour le développement au Luxembourg.

Les Paradise Papers montrent qu’il existe toujours de nombreuses failles dans le système fiscal international dont les experts en optimisation fiscale n’hésitent pas à profiter.

Si ces pratiques concernent à la fois les pays développés et les pays en développement, les économies des pays en développement seraient 30 % plus touchées que celles des pays de l’OCDE du fait de conventions fiscales désavantageuses et d’administrations défaillantes.(1)

En outre, depuis plusieurs décennies, les pays en développement ont connu des pertes substantielles dans leurs recettes publiques à la suite de la baisse des tarifs douaniers entraînée par l’introduction des programmes d’ajustement structurel et, plus récemment, par des accords de libre-échange régionaux ou bilatéraux. Selon des rapports de la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED), ces pertes n’ont été que très partiellement compensées par l’introduction de nouvelles taxes, comme la TVA.

La fiscalité est une source essentielle de financement du développement et elle est la clé de la construction d’États aptes à remplir leurs missions. Il est donc important qu’elle soit organisée au niveau international de façon à ce qu’elle ne prive pas les pays en développement de la possibilité de mobiliser des ressources domestiques.

Légalité vs Justice sociale

L’optimisation fiscale, même quand elle est menée à outrance, est considérée par certains comme une activité légale mais il ne s’agit certainement pas d’une pratique juste et équitable. Son impact sur les vies de millions de personnes, notamment dans les pays en développement, doit être pris en considération. C’est pourquoi les ONG œuvrent pour que la question de la fiscalité soit perçue comme une question de justice sociale et de respect des droits humains. La justice fiscale est essentielle pour réduire les inégalités et garantir l’accès aux droits humains.

En 2014, l’affaire Luxleaks a mis en lumière les montages fiscaux des multinationales pour transférer leurs profits au Luxembourg où elles pouvaient bénéficier d’importantes exonérations grâce à des décisions anticipées accordées par l’administration fiscale autorisant des techniques d’optimisation fiscale particulièrement agressives. Un procédé qui a permis aux grandes entreprises d’éviter de payer des impôts dans des pays où elles faisaient leurs profits, y compris dans des pays en développement.(2) Or, l’évasion fiscale des entreprises multinationales est particulièrement néfaste pour ces derniers étant donné que l’impôt sur le revenu des sociétés représente en moyenne un plus grand pourcentage des budgets nationaux dans les pays en développement que dans les pays européens.(3)

Par conséquence, cette pratique prive les pays en développement d’importantes sources de revenus qui auraient pu être utilisées pour garantir l’accès à des droits économiques et sociaux fondamentaux tels que les droits à l’alimentation, à la santé et à l’éducation. Par exemple, au Kenya, selon Oxfam, les pertes fiscales s’élèvent à 1,1 milliard de dollars, soit près de deux fois le budget de l’État pour la santé, dans un pays où la probabilité pour la mère de mourir en couches est de 1 sur 40.(4)

Notes :
(1) Le Conseil économique et social rend son avis sur les mécanismes d’évitement fiscal et leur impact sur la cohésion sociale, http://www.lecese.fr/content/le-cese-rendu-son-avis
(2) https://www.icij.org/project/luxembourg-leaks/explore-documents-luxembourg-leaks-database
(3) Survival of the richest. Europe’s role in supporting an unjust global tax system, Eurodad, 2016 : http://www.eurodad.org/files/pdf/1546667-survival-of-the-richest.pdf
(4) https://www.oxfam.org/sites/www.oxfam.org/files/bp-race-to-bottom-corporate-tax-121216-en.pdf

Communiqué par le Cercle de Coopération

Communiqué
Publié le lundi 20 novembre 2017
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