« On a besoin de radicalité »

« On a besoin de radicalité »

Rencontre à la Maison de l’Économie sociale et de l’Innovation sociale avec Nicolas Hazard, entrepreneur parisien qui promeut l’impact positif dans le monde et pour la planète.

« Appel à la guérilla mondiale ». C’est le titre du dernier ouvrage de Nicolas Hazard. Entrepreneur social et essayiste, il assume le propos provocateur. Nicolas Hazard est passé par Luxembourg, à l’invitation de la MeSIS(Maison de l’Économie sociale et de l’Innovation sociale).

Encore trentenaire, ce pur produit de grande école de commerce et de Sciences Po a fait de l’économie sociale son cheval de bataille. Entre autres, il organise Impact, le « Davos de l’entrepreneuriat social » à Paris. Il aligne les awards et les titres mais préfère matérialiser son action. Sa société, Inco, en est le fer de lance.

Entreprise française créée il y a 8 ans, elle a essaimé dans le monde, occupant 250 personnes : un fonds d’impact investing, des incubateurs (dans une quarantaine de pays, quelque 500 start-up soutenues), un organe de formation pour 20.000 personnes/an, et des passerelles entre acteurs, qui favorisent les synergies, façon petit ruisseau menant aux grandes rivières. « Inco est une source d’inspiration pour le modèle luxembourgeois », souligne Nadine Muller, administratrice déléguée de 6Zero1, pilier de la MeSIS et partenaire d’Infogreen.

La transition écologique tue

Pourquoi être un entrepreneur social ? « Le business est un levier qui peut changer le monde mais il a ses limites », dribble Hazard. « Je vise l’intérêt général. La politique, j’en suis revenu. Donc, j’ai voulu combiner l’efficacité de la logique d’entreprise et l’apport de valeur à l’intérêt général. Avec Inco, nous avons créé des outils. »

Les tendances ont évolué mais se complètent, entre vouloir un monde plus juste et sauver la planète. « La jambe sociale marche avec la jambe environnementale. Et je considère que nous avons une mission ». Les entreprises sociales sont aussi politiques… « On est dans une urgence climatique indéniable, un effondrement écologique qui élimine les espèces et détruit le milieu. Démographiquement, on sera 10 milliards d’humains d’ici 20 ans. Et les instances politiques parlent de se donner des objectifs pour améliorer les choses, genre en 2050. En France, le gouvernement annonce qu’il va bannir le plastique d’ici 2040. On se fiche du monde… Pour moi, la transition écologique tue… On attend, on reporte, des êtres souffrent et meurent. On n’est plus dans la transition. On est dans l’action. Et les solutions technologiques existent. On a besoin de radicalité, pour changer drastiquement le modèle ».

Dire qu’il n’y a pas d’alternative, c’est criminel

Radicale, comme une guérilla mondiale ? « On pourrait espérer une révolution politique, qui donne des accents aux politiques nationales, européenne, etc. Mais on est plus dans la réaction que dans l’innovation. Je pense que l’on peut repartir des initiatives locales, des choses qui fonctionnent sur le terrain, à petite échelle. La guérilla, c’est la stratégie des faibles contre les forts. Chacun peut avoir sa vision, c’est un peu le bordel. Mais on peut monter de « petits maquis », imaginer des réseaux, contre les modèles dominants. Je n’ai pas dit que c’était facile…

Mais dire qu’il n’y a pas d’alternative, c’est criminel et c’est faire preuve d’ignorance crasse. C’est faisable parce que les solutions existent. Elles sont citoyennes, parce que le monde économique et politique n’est pas prêt. Donc l’idée, et le livre cite des exemples, c’est de s’organiser dans les communautés, de retrouver des réflexes locaux, des modèles faisant appel à un changement d’imaginaire économique ».

Alain Ducat

Photo Fanny Krackenberger

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Publié le lundi 16 décembre 2019
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