
« Mettre mes compétences et mon énergie au service d’un changement concret »
Investie depuis près de vingt ans au sein de l’ONG Aide à l’Enfance de l’Inde et du Népal (AEIN), Françoise Binsfeld a toujours été portée par la volonté d’agir de façon tangible pour changer des vies. Dans son rôle de directrice depuis bientôt neuf ans, elle poursuit cet engagement avec passion.
Vous êtes directrice d’AEIN depuis bientôt neuf ans. L’aide au développement était une vocation pour vous ?
Diplômée en sciences commerciales – management international à HEC Liège, j’ai toujours été animée par la conviction que l’économie peut et doit servir le bien commun. Ce sens de l’engagement m’a menée, après plusieurs expériences dans le secteur bancaire au Luxembourg, à m’impliquer dans cette ONG luxembourgeoise avec laquelle je suis engagée depuis maintenant 19 ans, d’abord comme bénévole, puis comme directrice.
Quelles sont les principales missions d’AEIN ?
Depuis plus de 57 ans, AEIN œuvre aux côtés de partenaires locaux en Inde et au Népal pour améliorer les conditions de vie des enfants, des femmes et des communautés rurales. Une part importante de notre travail vise aujourd’hui à soutenir des entrepreneurs engagés : des femmes qui lancent des activités artisanales, des jeunes qui transforment l’agriculture locale, ou encore des communautés qui s’organisent pour créer des modèles économiques durables et solidaires. AEIN et nos partenaires locaux les accompagnent dans la durée, à travers des formations, des outils adaptés et un suivi de proximité.
Vous vous rendez régulièrement sur le terrain, pour suivre les projets. Les avancées que vous y découvrez, vous confortent-elles dans vos choix professionnels ?
Lors de ma récente visite au Népal, j’ai vu comment nos bénéficiaires lancent avec fierté leurs propres activités : culture maraîchère, tissage de Dhaka, production d’encens ou élevage de bétail… Derrière chaque mini-entreprise, il y a une histoire de résilience, de dignité retrouvée et d’engagement local.
Ce qui me touche dans nos projets, c’est qu’ils résonnent profondément avec mon propre parcours. Depuis mes études à HEC Liège, j’ai été fortement marquée par la pensée du professeur Muhammad Yunus. Son approche de l’entrepreneuriat social m’a convaincue qu’un autre modèle économique est possible — un modèle ancré dans la solidarité, où l’initiative individuelle devient un levier collectif de changement.
Être une entrepreneure engagée, pour moi, c’est justement cela : mettre mes compétences, mon réseau et mon énergie au service d’un changement concret, ici et ailleurs.
« Les pauvres ne sont pas responsables de leur pauvreté. Ils ne sont ni des incapables ni des fainéants, mais des victimes. C’est la société qui les a fait pauvres. Il faut donner à chacun la possibilité de devenir entrepreneur. »
Muhammad Yunus, économiste, entrepreneur et homme d’État bangladais, cité dans Le Monde (2006)
Comment cet engagement se traduit-il dans votre vie privée ?
Cet engagement ne s’arrête pas aux projets que je mets en œuvre aujourd’hui avec AEIN. Je nourris également des projets personnels qui prolongent cette vision d’un entrepreneuriat éthique et solidaire.
Parmi eux, la création d’une boutique en ligne dédiée à l’artisanat asiatique – une vitrine pour faire découvrir la richesse des savoir-faire traditionnels, tout en finançant en partie les projets d’AEIN grâce aux bénéfices générés, ainsi qu’un projet de production de thé bio et équitable au Népal ou en Birmanie – une manière concrète de relier la consommation responsable à un impact social tangible. J’espère bientôt trouver le temps de réaliser ces projets !
Avez-vous un message pour les entrepreneurs et décideurs qui nous lisent ?
Rejoignez-nous ! Mettez votre énergie, vos idées, vos savoir-faire au service d’un modèle plus juste. Car l’entrepreneuriat engagé ne se décrète pas, il se construit – ensemble.

Menuka, le courage de faire pousser son avenir
À 33 ans, Menuka Timalsina Sapkota, originaire de Bethanchowk (Népal), a transformé sa vie grâce à l’agriculture commerciale. Anciennement limitée aux tâches ménagères et à une agriculture de subsistance, elle a rejoint en 2021 la coopérative Rural Women Vegetable and Fruit Cooperative Pvt. Ltd., soutenue par AEIN. En accédant à des prêts, elle a investi dans la culture de fruits et légumes, augmentant ses revenus jusqu’à 50.000 NPR (environ 362 euros) par saison. Aujourd’hui, elle participe aux décisions financières de sa famille et épargne chaque mois au sein de la coopérative. « Je peux enfin offrir un meilleur avenir à mes enfants », confie-t-elle fièrement.
Propos recueillis par Marie-Astrid Heyde
Photos : AEIN. Portrait : Picto / Fanny Krackenberger
Extrait du dossier du mois « Entrepreneurs engagés »