« Les valeurs, ça s'apprend tôt »

« Les valeurs, ça s’apprend tôt »

Enseignement, éducation formelle et informelle, citoyenneté, durabilité, engagement et transition sociétale… Rencontre avec le ministre Claude Meisch

Monsieur Meisch, vous êtes notamment en charge de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse. L’éducation a un rôle central pour préparer le développement citoyen dans un monde durable. Comment voyez-vous cela ?

« C’est un sujet central et c’est une mission primordiale pour l’éducation nationale et, plus généralement, pour tous les acteurs qui travaillent pour et avec les enfants et les jeunes. Défendre et transmettre nos valeurs démocratiques, éduquer à la citoyenneté, c’est très important. Et l’on peut agir à différents stades car ces valeurs s’apprennent tôt. Dans l’éducation formelle, les élèves apprennent évidemment ce qui fait notre pays et comment y grandir en tant que citoyen. Ils sont aussi invités à participer au processus, notamment via les élections des comités d’élèves dans les établissements et/ou de la conférence nationale, dont les représentants constituent un élément à part entière de la discussion politique, aux côtés des autres acteurs de la communauté éducative. Pour les jeunes, c’est un apprentissage de la démocratie participative, de la représentativité, de l’argumentation, des responsabilités, de la recherche du consensus...

On peut agir également dans l’éducation non formelle, où le cadre est par définition plus souple que dans une école. Les principes de transmission s’y développent de plus en plus. Ainsi, dans les maisons-relais ou les foyers, pour le choix et l’ordre des activités dans une journée par exemple, c’est l’avis des enfants qui est d’abord pris en compte. Les enfants sont actifs, ils apprennent à faire leurs choix, même si cet apprentissage se fait parfois par essais et erreurs ».

Sur le terrain, ressentez-vous l’engagement de la génération actuelle ?

« Les jeunes ne fonctionnent pas différemment des adultes, et il y en a évidemment des plus engagés que d’autres. Mais oui, les jeunes que je rencontre ont parfaitement conscience de l’évolution de la société et du rôle qu’ils peuvent y jouer. Oui on ressent cet engagement, cette envie de participer. Il y a des idées, un besoin de les faire entendre et de les confronter. Je suis souvent très agréablement surpris par la qualité des démarches des jeunes, c’est bien argumenté, motivé, respectueux et très constructif ».

Avez-vous ressenti une évolution de cet engagement au fil des années ? Et l’encouragez-vous ?

« La société a bien évolué. Il y a une prise de conscience générale. La démocratie et l’engagement ont pris de la valeur et, en parallèle, chacun voit bien que la transmission des valeurs ne se fait pas toute seule, et pas seulement chez les plus jeunes. On avait peut-être une approche différente il y a dix ans. Il y a davantage de soutien, y compris budgétaire, envers l’engagement, dans les écoles ou l’éducation informelle. C’est valable aussi dans les familles et dans le monde des adultes que les jeunes perçoivent sans doute mieux aujourd’hui que nous le faisions avec nos parents – et je ne ressens d’ailleurs pas que les jeunes en voudraient aux générations précédentes, malgré l’héritage laissé. Ils veulent avancer, ils apprécient l’accompagnement et le soutien et ils suscitent les changements. De plus en plus de jeunes s’engagent, notamment pour la cause du climat et de l’environnement. On l’a vu avec les mouvements de la société civile, portés par des jeunes jusque dans nos rues pour se faire entendre. On le voit aussi dans les propositions concrètes que les représentants des élèves font dans les instances ad hoc ».

Quelques exemples ?

« Il y a beaucoup d’idées constructives et les questions autour de la durabilité sont très présentes, et aussi très ouvertes. Ainsi, on a mis en place des Veggie Mondays, un projet-pilote initié sur demande de trois lycées du Campus Geesseknäppchen, intégré dans le concept de restauration durable Food 4 Future. Cela a bien fonctionné, notamment parce que l’idée n’était pas d’exclure mais de promouvoir une alternative. Le Veggie Monday fait aujourd’hui partie intégrante du calendrier mais ceux qui préfèrent ne pas y participer peuvent trouver des plats végétariens, végans ou classiques, comme chaque jour.

Plus globalement, depuis la rentrée 2021-2022, Food 4 Future veille à promouvoir une alimentation plus saine, bio et locale, notamment en réduisant l’offre d’aliments d’origines lointaines. On tend à 50% de régional et au moins 20% de bio dans les cantines, ce qui est aussi un encouragement aux producteurs locaux, une démarche transversale de ce gouvernement, à la fois proactive et participative. »

Vous avez aussi la charge de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Une suite logique des démarches éducatives et de préparation d’une génération impliquée ?

« Plus qu’une suite logique, c’est une accélération. L’engagement est encore plus présent à ce stade de la vie, où l’on se forme en fonction de ses aspirations et aussi des besoins de la société. Les domaines de la transition sociétale sont prisés. Au niveau politique, notre mission est d’y encourager, à commencer par l’encouragement à faire des études. L’accessibilité est une priorité, notamment via le système des bourses et prêts d’études. Pour la transition sociétale, il nous faut des jeunes impliqués et formés. On investit pour demain, dans les compétences, dans les capacités, dans la citoyenneté ».

Propos recueillis par Alain Ducat
Photos © Marie Champlon/Infogreen, MESR, SNJ

Extrait du dossier du mois « Génération ? Présente ! »

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Publié le lundi 30 janvier 2023
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