« Les Constitutions ont l'obligation de protéger les droits de leur peuple »

« Les Constitutions ont l’obligation de protéger les droits de leur peuple »

Le droit à un environnement sain peut être considéré comme un droit constitutionnel. Aux États-Unis comme en Europe, des activistes défient leurs gouvernements qui ne respectent, selon eux, pas suffisamment cette règle.

L’État américain du Montana a donné raison cet été à un groupe de jeunes activistes environnementalistes qui accusaient l’État de ne pas respecter leur droit constitutionnel à un environnement sain, en autorisant des pratiques de développement d’énergies fossiles. Le Montana est en effet très actif dans les énergies non renouvelables, notamment via l’exploitation pétrolière et l’extraction de gaz et de charbon.

C’est la première fois qu’un tribunal nord-américain confirme la violation d’un droit constitutionnel basé sur le changement climatique, selon un professeur de la Harvard Law School, Richard Lazarus (source : Euronews). Et de préciser que la décision concerne une règle de la Constitution du Montana, non pas de la Constitution fédérale des USA.

Infogreen.lu est allé à la rencontre de Tom Haas, fondateur d’Emweltschoul. Diplômé en Sciences Politiques et en Sciences et Gestion de l’Environnement avec une spécialisation en énergies renouvelables et en bâtiments énergétiques, Tom Haas a quitté le bureau d’études pour lequel il travaillait afin de créer sa propre entreprise pour sensibiliser jeunes et moins jeunes aux causes environnementales. Il réagit à cette actualité de nos voisins d’outre-Atlantique.

Quels messages pouvons-nous tirer de cette décision du Montana ?

C’est une bonne nouvelle et cela montre une fois de plus que la séparation des pouvoirs est toujours efficace, même aux États-Unis où la démocratie a souvent été remise en question récemment.

De l’autre côté, on voit également très bien que les questions de la liberté et de la justice intergénérationnelle sont fortement liées à la question climatique. Et dans ce cas-ci, c’est même prouvé par les tribunaux.

La liberté est quelque chose dont nous sommes très fiers ici en Europe et en Occident de manière générale. Si on leur demande de définir ce terme, les gens font souvent référence au concept que la liberté nous donne le droit de faire ce qu’on veut, sans entraver la liberté d’un autre. Or, si on réfléchit sur base de cette philosophie, il faut non seulement prendre en considération ses proches, mais également les gens qui sont le plus touchés par la crise climatique - donc les habitants des pays du tiers-monde - et, en allant encore plus loin, il faut prendre en compte les générations futures.

Dans notre système actuel, il est bien légal de consommer de la viande tous les jours et de prendre l’avion. Mais il faut garder en tête qu’en exerçant ma liberté de faire toutes les choses polluantes en termes de CO2, je provoque le réchauffement climatique. Et en provoquant la crise climatique, je prive indirectement quelqu’un d’autre de sa liberté de choisir son lieu d’habitation ou de sa liberté de vivre en sécurité. Nous sommes donc en contradiction avec cette philosophie de liberté. Et ce lien se fait également avec les générations futures. Chaque molécule de CO2 entraine la déstabilisation de notre système climatique. Et ceci entraine la déstabilisation des conditions de vie des générations futures.

Avec les décisions du tribunal de Montana, on voit également très bien un élément crucial. La Constitution américaine ou les Constitutions des États-Nations en général n’ont pas été écrites pour protéger les droits des habitants du tiers-monde. Mais elles ont l’obligation très concrète de protéger les droits de leur propre peuple. Et également des générations futures du Montana pour rester dans l’exemple de l’article. Cette doctrine est la base de ce jugement en faveur des jeunes. Malheureusement, il n’y a pas de lois concrètes pour l’ensemble de l’humanité (avec juridiction applicable en cas de non-respect).

L’Europe a-t-elle connu des jugements similaires ?

Il existe un cas assez similaire en Allemagne. En 2021, le groupe de pression Fridays for Future a gagné un recours devant le tribunal constitutionnel en Allemagne. Les activistes ont jugé que les lois climatiques du dernier gouvernement Merkel n’allaient pas assez loin pour assurer que l’État faisait de son mieux pour protéger les libertés des générations futures face au réchauffement climatique. Par l’étonnement du public allemand, les activistes avaient gagné et la Cour de Karlsruhe a jugé que les lois du cabinet Merkel n’allaient pas assez loin.

Selon vous, notre droit à un environnement sain - et celui des prochaines générations - est-il respecté ?

Non. En théorie, il existe beaucoup de lois qui protègent la nature et l’environnement. Mais en pratique, nous sommes au début d’une crise climatique qui va encore s’accentuer, et ceci par le simple fait que les gouvernements n’ont pas le courage de mettre en place des politiques qui respectent réellement les accords climatiques de Paris.

Dans une démocratie représentative, j’attends des élus politiques qu’ils mettent en place des mesures pour la protection du climat assez ambitieuses pour freiner le réchauffement climatique. Je sais très bien qu’il y a des contraintes sociales et économiques, mais dans quelques décennies, les politiciens actuels seront jugés pour les mesures prises aujourd’hui. Et la science est claire sur les conséquences. J’ai récemment lu un livre très intéressant sur cette thématique. Le livre s’appelle Demokratie im Feuer (La démocratie dans le feu) de Jonas Schaible. Il y a une citation qui résume très bien le dilemme : « Face à ce qui est possible dans le monde politique, il y a vraiment beaucoup des bonnes choses qui ont été faites ces dernières années. Mais face à ce qui est nécessaire d’après la science, il se passe trop peu ».

Est-ce que Emweltschoul agit dans le but de faire respecter ce droit ?

Oui. L’objectif d’Emweltschoul est de sensibiliser les gens, de les aider à ouvrir les yeux pour une vie plus écologique. Les humains font beaucoup de « fautes », pas par mauvaise volonté, mais par manque d’informations. Emweltschoul essaye de transmettre les informations nécessaires pour que les gens comprennent pourquoi il est important d’agir maintenant et comment il faut agir. Si tout le monde connaissait la science derrière la crise climatique ou la crise de la biodiversité, beaucoup plus de personnes adapteraient leur style de vie. De plus, des gens éduqués à ces thématiques sont beaucoup plus aptes à faire pression sur leurs politiciens ou d’accepter une éolienne dans leur commune, par exemple.

Propos recueillis par Marie-Astrid Heyde

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Publié le mardi 5 septembre 2023
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